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  • Lucie Verreaux

COLOMBIE : DÉFORESTATION ET CONFLITS ARMÉS


« War causes climate change and climate changes causes war. »


Cette phrase, régulièrement inscrite sur des pancartes lors de manifestations pour la cause environnementale, illustre parfaitement le lien inévitable entre les conflits armés et l’environnement.

Un tel lien a été mis en évidence pour la première fois après la guerre du Vietnam, notamment lorsque Richard Falk, professeur américain de droit international, a dénoncé un « écocide ». Autrement dit, il a dénoncé la destruction délibérément pensée, complète et systématique de l’environnement qui est alors considéré comme une cible militaire.

Suite à cela, de nombreuses tentatives ont été entreprises afin de réglementer la protection de l’environnement dans le cadre des conflits armés. Une telle protection a été réalisée de manière directe, notamment par les articles 35 et 55 du Protocole additionnel 1 des Conventions de Genève, et de manière indirecte, par la création de nouveaux principes tels que le principe de prévention et de précaution, ou l’utilisation de principes humanitaires déjà existants. Ainsi, dans son avis consultatif de 1996, relatif à la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, la Cour internationale de justice a affirmé que « le respect de l’environnement est l’un des éléments qui permettent de juger si une action est conforme aux principes de nécessité et proportionnalité ».


La protection de l’environnement restant l’une des plus grandes problématiques en temps de paix, comme a pu le refléter la COP26, il est évident qu’elle est d’autant plus difficile à garantir en temps de guerre. Une telle difficulté s’est révélée néfaste pour le parc national de Virunga en République Démocratique du Congo (ci-après RDC), où de nombreux arbres ont été abattus pour financer la guerre. A contrario, au cours du conflit armé de 1991 à 1992 en Sierra Leone, les zones où les combattants du Revolutionary United Front étaient présents s’avéraient moins touchées par la déforestation que dans le reste du pays.

Ainsi, dans un conflit tel que celui de la Colombie, qui dure depuis près de cinquante ans, et au regard de l’étendue et de la richesse que représente la forêt amazonienne, il est légitime de se demander quel est l’impact réel de ce conflit armé sur cette ressource naturelle.


Le conflit armé non international colombien, né dans les années 1960 avec la naissance de nombreuses guérillas marxistes, perdure encore aujourd’hui, malgré ses nombreuses évolutions. Actuellement, la Colombie fait face à cinq conflits armés internes opposant les autorités étatiques colombiennes à l’Armée de Libération Nationale (ELN), à l’Armée Populaire de Libération (EPL), aux Milices d’Autodéfense Gaïtanistes de Colombie (AGC) et à l’Armée du Peuple, des dissidents des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC).

Au regard de leur nombre et de leur durée, il serait raisonnable de penser que de tels conflits ont été néfastes pour l’environnement et plus particulièrement pour la forêt amazonienne, comme cela a été le cas en RDC. Cependant, la réalité est bien plus nuancée.


La protection de la forêt amazonienne par les FARC dans le cadre du conflit armé interne


Contre toute attente, le conflit armé opposant les FARC, groupe armé apparu dans les années 2000 en Colombie, et les autorités étatiques, a eu un impact positif pour la forêt amazonienne.

Selon Pablo Negret Torres, chercheur de l'Université du Queensland (Australie), la déforestation a été beaucoup moins forte dans les zones où se trouvaient les FARC que dans le reste du pays. Cela s’explique par le potentiel que représentait la forêt pour ce groupe armé dans le cadre du conflit. Cette ressource leur permettait effectivement non seulement d’être difficilement repérés par le gouvernement et ses autorités, mais aussi de se déplacer plus librement. Ainsi selon Jaime Pacheco, maire de la ville colombienne d'Urib, les FARC limitaient l’exploitation forestière à deux hectares par an dans la municipalité, en régulant l’activité exercée sur ces terres et en contrôlant les programmes culturels et écologiques des régions qu’ils tenaient.

Partant, ce conflit armé interne a rendu possible la protection effective de la forêt amazonienne contre la déforestation, et ce, alors qu’aucune règlementation n’avait été mise en place.


La déforestation croissante de la forêt amazonienne depuis l’accord de paix de 2016


A contrario, une légère augmentation de la déforestation de la forêt amazonienne a été visible dès le cessez-le-feu signé entre les FARC et les autorités étatiques colombiennes en 2014. Depuis l’accord de paix de 2016, la déforestation a augmenté de 44 %, selon les chiffres du gouvernement[6]. En 2017, près de 225 000 hectares auraient été détruits, soit environ 2,6 % de la déforestation mondiale totale pour cette même année. De surcroît, en 2020, la forêt amazonienne aurait perdu environ 170 000 hectares.

Un tel rebond s’explique tout d’abord par la présence des cinq autres groupes armés précités qui ont intensifié leurs activités économiques, telles que l’élevage (principale cause de déforestation), les exploitations forestières et minières et la culture de la coca. Ces activités leur permettent d’obtenir des revenus et ainsi de s’engager dans de nouveaux cycles de violence et d’entraver l’État dans ses efforts pour contrôler le territoire.

Par ailleurs, un tel phénomène est accentué par le fait que les déplacés internes et l’ensemble des victimes des conflits font face à une pauvreté croissante. Pour survivre, ils se retrouvent alors contraints d’obéir aux ordres des groupes armés ou de travailler pour eux.

En outre, les contraintes financières, la pandémie sanitaire et le manque de soutien politique de haut niveau aggravent davantage la déforestation de la forêt amazonienne.


Quelles solutions contre la déforestation de la forêt amazonienne ?


La déforestation croissante est en totale contradiction avec les engagements de la Colombie dans le cadre de la COP26, notamment au regard de son objectif de « déforestation 0 » en 2030[8].

Une première solution envisagée serait de travailler directement avec les FARC, notamment via le Plan environnement 2018. Ce dernier vise à inclure les anciens membres de ce groupe armé pour lutter contre la déforestation. Ainsi, il s’agit non seulement de les intégrer dans les politiques environnementales, mais aussi de les entraîner à conserver ces zones et permettre, in fine, leur réintégration dans la vie civile.

Une deuxième solution, internationale cette fois, est apparue grâce à l’aide apportée par la Norvège. Cette dernière a versé 3,5 millions de dollars sur deux ans à la Colombie dans le but de créer des emplois dans la protection de la forêt amazonienne, notamment pour les anciens FARC.

Enfin, une dernière solution a été trouvée dans le renforcement des zones de réserve de Campesino, permettant ainsi aux petits agriculteurs de concevoir des plans de développement durable.



Lucie Verreaux


Image © - Pedro Ugarte - AFP, [disponible ici].


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