L'UTILISATION DES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES DANS L'HUMANITAIRE : UN SOUTIEN TECHNOLOGIQUE DEVENU INDISPENSABLE ?
- Théo Chaix
- il y a 3 heures
- 4 min de lecture
Aujourd’hui, face à des crises humanitaires de plus en plus complexes, les innovations technologiques ne sont plus de simples outils secondaires. Elles deviennent de véritables alliées. Sauver des vies, acheminer l’aide plus rapidement ou mieux comprendre les besoins sur le terrain : dans tous ces domaines, l’innovation joue un rôle clé. Grâce à des avancées comme l’intelligence artificielle, les drones ou la blockchain, l’aide humanitaire évolue, s’adapte et gagne en efficacité, là où chaque minute compte.

Des outils pour comprendre et anticiper
Les progrès technologiques récents offrent des solutions inédites pour maximiser l’aide lors d’interventions humanitaires. Certaines d’entre elles visent à réduire le temps de détection et de renseignement dans des contextes complexes. Ainsi, des applications mobiles comme KoBoToolbox, conçue par la Harvard Humanitarian Initiative, permettent de collecter et d’analyser en temps réel les besoins des populations affectées. Cette plateforme numérique intuitive aide les équipes sur le terrain à mieux gérer les urgences.
L’intelligence artificielle, de son côté, constitue un atout majeur pour prévenir et gérer les crises. Elle est capable de prédire des phénomènes tels que les famines, les épidémies ou encore les flux migratoires, en croisant des données climatiques, agricoles, sanitaires, etc. En effet, l’IA peut détecter les risques d’incendies de forêts jusqu’à 20 minutes avant les systèmes traditionnels, notamment par satellites. Ces prouesses mènent l’intelligence artificielle à être de plus en plus utilisée. Selon une étude menée par Sphere, 51% des travailleurs humanitaires interrogés déclarent que leur organisations humanitaires utilisent ou envisagent d’utiliser l’IA.
« La quatrième révolution industrielle ne comporte pas seulement des risques : elle apporte également des solutions aux problèmes humanitaires. » Peter Maurer, ancien président du Comité international de la Croix-Rouge
Cartographier pour mieux agir
Autre atout de ces innovations : leur capacité à anticiper les obstacles logistiques. Grâce à des plateformes collaboratives telles que Humanitarian OpenStreetMap, des bénévoles du monde entier peuvent cartographier les zones affectées par des catastrophes ou des conflits. Ces cartes, souvent absentes des bases officielles, sont mises à jour en temps réel. Elles permettent aux secours d’identifier les routes accessibles et de localiser les infrastructures essentielles telles que les hôpitaux ou points d’eau potable.
Transporter vite, loin, et bien
Mais agir vite ne suffit pas : encore faut-il atteindre les zones concernées. C’est là qu’interviennent les nouveaux moyens de transport. Au Rwanda ou au Ghana, les drones sont désormais utilisés pour livrer des médicaments, du sang ou des vaccins. Une entreprise comme Zipline a révolutionné les délais de livraison : un trajet de 50 kilomètres, qui prendrait plus d’une heure par la route, peut être effectué en 14 minutes par drone. Ces appareils sont également mobilisés en amont, pour cartographier les zones sinistrées, évaluer les dégâts et guider les équipes au sol.
Répondre aux besoins vitaux
L’accès à l’eau potable demeure l’un des défis les plus critiques en temps de crise. En 2019, 785 millions de personnes ne disposaient pas d’un service d’alimentation en eau potable, et 144 millions utilisaient des eaux de surface non traitées. Pour y répondre, des entreprises comme LifeStraw ont conçu des filtres à eau portables capables de purifier l’eau instantanément. Faciles à transporter, ces dispositifs réduisent les risques sanitaires, notamment dans les camps de réfugiés ou les zones isolées.
Pour une aide plus transparente
Les avancées technologiques ne se limitent pas à la logistique : elles transforment aussi la gouvernance de l’aide humanitaire. Garantir la transparence des dons et limiter les détournements est devenu une priorité. Dans ce cadre, la technologie de la blockchain – comparable à un registre infalsifiable – offre une solution précieuse. Elle permet de tracer chaque transaction, depuis le don jusqu’au bénéficiaire final. Le Programme Alimentaire Mondial a ainsi lancé le projet Building Blocks, qui transfère des aides monétaires directement aux réfugiés, sans intermédiaire.
Sensibiliser autrement
Enfin, les technologies modernes permettent aussi de sensibiliser le grand public. En 2015, le documentaire immersif Cloud Over Sidra, projeté au Forum économique mondial, a marqué les esprits. On y suit Sidra, une jeune Syrienne de 12 ans vivant dans un camp en Jordanie. Grâce à un film en 360°, le spectateur partage son quotidien avec une proximité inédite. Résultat : 3,8 milliards de dollars récoltés et la création d’une division dédiée à la réalité virtuelle au sein de l’ONU. L’année suivante, une application immersive permettait de vivre virtuellement l’expérience d’un village après une catastrophe.
Des abus latents
Malgré leurs intérêts considérables, les innovations technologiques peuvent présenter des dangers dans l’humanitaire. Les ONG manquent parfois de compétences nécessaires pour maîtriser ces outils, ce qui accroît les risques d’erreurs ou de mauvaises pratiques. Certaines technologies, comme les drones ou l’intelligence artificielle, peuvent notamment être mal perçues ou mal utilisées, créant méfiance et tensions sur le terrain. Par ailleurs, l’absence de cadre juridique et éthique adapté rend difficile une utilisation responsable de ces innovations.
Enfin, le numérique facilite la propagation de la désinformation, des discours haineux et même la surveillance des civils en temps de crise. En effet, la collecte de données personnelles est parfois nécessaire dans certaines opérations humanitaires. Cependant, lorsqu’elle n’est pas réalisée avec suffisamment de précautions, elle peut entraîner de lourdes conséquences. Si ces données sont mal utilisées ou mal protégées, les personnes concernées – souvent déjà en situation de grande vulnérabilité – peuvent se sentir en danger ou trahies. Cela peut alors les pousser à ne plus faire confiance aux acteurs humanitaires, à refuser leur aide, ou à ne plus partager d’informations essentielles. Cette perte de confiance peut freiner, voire compromettre, l’efficacité des actions humanitaires. Pire encore, elle peut ouvrir la voie à des dérives plus graves, comme l’instrumentalisation de la souffrance des populations à des fins politiques ou militaires. C’est pourquoi l’usage des technologies dans l’humanitaire doit être rigoureusement encadré, afin de garantir qu’elles servent réellement les intérêts des personnes aidées.
Conclusion : vers une aide plus humaine grâce à la technologie
Ces avancées numériques montrent que l’innovation ne se limite pas à la technique : elle change aussi notre façon de percevoir les crises et d’y répondre. Pour autant, ces technologies ne remplacent pas l’humain : elles le soutiennent. Elles permettent d’être plus réactifs, plus équitables, et de sauver des vies là où cela semblait impossible. À condition toutefois de ne jamais oublier les fondements de l’humanitaire : solidarité, éthique, et écoute des besoins réels. Si elles sont bien utilisées, ces innovations peuvent devenir les leviers les plus puissants de l’aide humanitaire de demain.
Théo Chaix
Image © - UNICEF / Khonje
Comments