La Syrie en quelques mots : conflits, guerre, tueries de masse, conditions économiques désastreuses, peuple contraint de quitter leur pays pour tenter de trouver la paix. L’horreur et l’ampleur de ce conflit sont soulignées par les données rapportés: plus d'un demi-million de personnes ont perdu la vie dans la guerre et environ 13 millions de Syriens ont dû quitter leur pays. Aujourd’hui, le président Bachar el-Assad a repris le contrôle de la majeure partie de la Syrie. Mais la paix et la sécurité pour la population syrienne n’a toujours pas été retrouvé. Mais que s’est-il réellement passé pour que ce pays devienne le siège d’une dictature sévère où les droits de l’homme sont réprimés et mis de côté ?
Syrie: 10 ans de guerre et de tragédies. Les perspectives de reconstruction sont très faibles et le bout du tunnel très loin. 18 mars 2021
Contexte historique de l'émergence d'un régime autoritaire
Après de nombreuses années passées sous le contrôle de l’empire Ottoman, puis sous mandat français entre 1920 et 1946 avec un régime monarchiste, la Syrie acquiert finalement son indépendance après la Seconde Guerre mondiale. Entre 1958 et 1961 la Syrie devient la République Arabe Unie jusqu’au coup d’état baassiste de 1963. Parti socialiste de la renaissance arabe, le Baath est un parti politique fortement structuré qui, dépassant les frontières des États, se veut un mouvement unitaire arabe et socialiste.
Sous l’égide de ce nouveau parti au pouvoir est proclamé dans le pays un état d’urgence et une vague de nationalisations très importante des établissements financiers. Toutefois, des dissensions au sein du parti vont naître et mener jusqu’au coup d’état de 1966 où les régionalistes, opposés aux nationalistes fondateurs du parti vont prendre le pouvoir. Le nouveau gouvernement sera cependant rapidement confronté à la Guerre des six jours en juin 1967 qui provoqua de nombreuses pertes dans les rangs arabes, et la Syrie perdra le plateau du Golan la plongeant dans de nouvelles difficultés politiques et financières.
C’est à ce moment là que de nouvelles dissensions internes resurgissent au sein du parti Baath. A cette époque, des affrontements éclatent entre l’armée jordanienne et les forces palestiniennes. Alors que l’actuel Président cherche à intervenir aux côtés des Palestiniens, le général Hafez-el-Assad, alors ministre de la Défense, s’oppose à l’engagement de l’aviation. Face à une opposition majoritaire, ce dernier prend des mesures radicales en faisant arrêter ses principaux opposants, et par un putsch prend le pouvoir le 13 novembre 1970. Celui-ci fait adopter un amendement constitutionnel établissant l’élection au suffrage universel du chef d’état. Après avoir été élu régulièrement en mars 1971, puis réélu par la suite, Hafiz al-Asad affichera une certaine ouverture politique au cours de son règne et engagera la libération progressive de l’économie. Après son décès en juillet 2000, son fils Bachar-el-Assad accédera au pouvoir.
De nombreux témoignages de syriens, de touristes, de journalistes nous racontent l’histoire d’une Syrie accueillante, chaleureuse. Le système du pays reposait, aux alentours des années 2005, sur une auto surveillance et un un système de délation organisé, qui néanmoins ne semblaient pas “perturber” l’harmonie de ce pays. Malgré cette “harmonie” régnante, les défauts du régime en matière de politique et de droits de l’homme ont fini par être de plus en plus remarquées et ont commencé à être dénoncés par le peuple syrien.
Les printemps arabes: origine du conflit
Le Printemps arabe est un mouvement de contestation qui a agité le Maghreb et le Moyen-Orient pendant les années 2010, 2011 et 2012. C’est après le début de ce mouvement”, des suites des manifestations en Tunisie et en Egypte, que les mouvements de protestations ont commencé en Syrie.
Le Printemps arabe a été initié par une population jeune désireuse de grandir dans un monde sans dictature, sans oppression, sans privation de droits fondamentaux. Les revendications liées à ces manifestations ont eu un impact important, basées sur des dimensions sociales et économiques fondamentales. Dans la plupart des pays du Moyen-Orient où le printemps arabe a soulevé la population, les revendications se rejoignent. Celles-ci passent par une volonté d’abolition: des régimes autoritaires tyranniques qui répriment les libertés individuelles et publiques, de la corruption des personnes à la tête de l’État et aux postes hauts placés.
A l’été 2011, des manifestations en faveur de la démocratie et de la liberté s’enchaînent à travers plusieurs grandes villes du pays. Ces mouvements pacifistes sont réprimés fermement. Des personnes se font arrêter, emprisonner, torturer, éloigner de leur famille. Finalement, le mouvement de protestation initialement pacifique se scinde. Des membres de l'opposition ont pris les armes et joignent leurs forces à celles de soldats déserteurs pour former l'Armée syrienne libre. La violence entre l'armée gouvernementale et l'opposition s’intensifiera jusqu’à l’aboutissement d’une véritable guerre civile. Ce qui avait débuté par de simples protestations, devient alors une guerre par procuration.
La réaction de la communauté internationale
Rapidement, la communauté international réagit aux évènements en Syrie en imposant des sanctions économiques, notamment les États-Unis et l’Union européenne. La ligue arabe, de son côté, propose un plan de sortie de crise pacifique et démocratique après avoir déployé une mission d’observation. Cependant, face au refus de Bachar El-Assad de respecter ses engagements, la Ligue arabe suspend la Syrie de ses instances et impose à son tour des sanctions économiques. Une commission internationale mandatée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies rapporte des crimes contre l’humanité commis par l’armée syrienne. Saisi de la situation, le Conseil de sécurité des Nations Unies en charge du maintien de la paix et de la sécurité internationales, tente d’adopter une position. Toutefois, la Russie et la Chine opposeront leur veto jusqu’à obtenir des résolutions assez vide dans leur contenu, pendant que sur le terrain, l’armée syrienne continuera ses opérations contre les rebelles.
L'internationalisation du conflit autour des armes chimiques
Le 27 septembre 2013, le Conseil de sécurité dans une résolution rappelle l’adhésion de la Syrie au protocole concernant la prohibition d’emploi à la guerre de gaz asphyxians, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques signé à Genève le 17 juin 1925. Ce texte d’une importance capitale en droit international tant pour sa portée que son adoption en tant que premier texte international en la matière a été violé. En effet, le Conseil souligne que le 21 août 2013, des armes chimiques ont été utilisée à Rif-Damas. Le massacre de Gouta fera 1400 morts dont des enfants à la suite de l’utilisation du gaz sarin.
L’utilisation d’armes chimiques en Syrie a entraîné leur prolifération, entraînant ainsi les autres États à devoir participer à l’élimination de celles-ci. Tel est notamment le cas des Etats-Unis et de la Fédération de Russie qui dans le cadre de référence pour l’élimination des armes chimiques syriennes adopté en 2013, ont participé à la destruction de programme d’armes chimiques de la Syrie. Pour autant, malgré la volonté de la Syrie de détruire ces armes, celles-ci continuent de circuler et de tuer des civils. En effet, le 14 septembre 2023, suite au massacre de la Gouta, la Syrie a souligné son envie d’adhérer à la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction. Le 8 avril 2020, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques a rendu un rapport sur l’utilisation du gaz sarin et du chlore dans la localité de Latamné en Syrie en mars 2017. L’équipe d’investigation condamnait notamment le bombardement d’un hôpital au chlore.
Outre ces éléments, l’utilisation des armes chimiques fait émerger des tensions internationales notamment sur l’existence même de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques. La Russie affirmait notamment en 2020 que l’Organisation était « instrumentalisée » par les pays occidentaux pour critiquer le gouvernement syrien.
La pérennisation du conflit
Malgré des accusations de violations des droits de l'homme et de crimes de guerre, Bachar el-Assad se maintient au pouvoir en Syrie et reprend le contrôle d'une large partie du pays. Cependant, les infrastructures sont dévastées, l'économie est en ruine, dans un contexte de crise humanitaire. Plus de 13 millions de personnes ont été déplacées à l'intérieur de la Syrie, et plus de 6 millions ont fui le pays. Le bilan humain de la guerre en Syrie est considérable : près de 500 000 morts, dont plus de 150 000 civils. Aujourd'hui, plus de 10 ans après, le conflit s’est pérennisé et des affrontements réguliers ont toujours lieu.
Depuis 2022, la Syrie connaît sa plus importante crise alimentaire : plus de 60 % de la population syrienne souffre de la faim. La difficulté de ravitaillement à cause de la situation difficile du passage de la frontière avec les Nations Unies, ayant passé un accord d'une durée de 6 mois afin de ravitailler le pays en nourriture et matériel de soin, fait que la crise de la faim s’intensifie. La prolongation d'un an de cet accord proposée par l'Irlande et la Norvège a été rejetée par la Russie, qui a répété son intention de fermer le poste frontière. La fermeture de ce dernier point de passage ne permettrait plus à l'ONU d'acheminer de l'aide humanitaire comme de la nourriture, de l'eau potable et des médicaments à travers la frontière syro-turque, entrainant ainsi une catastrophe humanitaire sur la population syrienne n’ayant plus de moyens de ressources courants au sein du pays.
L’Est du pays demeure sous le contrôle kurde des Forces démocratiques syriennes. Au nord, la Turquie contrôle les territoires le long de sa frontière, à travers des milices locales. Le nord-est du pays étant exposé au risque permanent d'attaques par les extrémistes de l’État Islamique la difficulté pour venir en aide à la population s’intensifie.
Plus de 10 ans après le début de la manifestation pacifiste ayant mené à une guerre civile, la Syrie semble être toujours loin de la paix. La résolution du conflit syrien et la reconstruction du pays s'avèrent difficiles. Plus de 90 pour cent de la population syrienne vit dans la pauvreté. Le manque de transports de denrées alimentaires ainsi que la hausse des prix des aliments et de l'énergie en raison de la guerre en Ukraine aggravent encore la crise humanitaire précaire des personnes affamées.
Iness Segura
Image © - Cartoon for peace/ Emad Hajjaj
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