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Léa Ivoule-Moussa

COVID-19 : QUELS DÉFIS POUR LES ACTIVITÉS HUMANITAIRES ?

« Les voyants sont au rouge et les alarmes sonnent » annonçait en décembre 2020 Mark Lowcock, le secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordonnateur des secours d’urgence des Nations unies. En effet, 235 millions de personnes auront besoin d’aide en 2021, soit 40 % de plus qu’en 2020, en raison de la crise de la Covid-19. Un an après le premier confinement de Wuhan, le virus a contaminé 97 millions de personnes et fait plus de deux millions de morts. Mais au-delà de l’aspect sanitaire de cette crise, les conséquences sociales et économiques du coronavirus sont de nature à plonger le monde dans une véritable « catastrophe humanitaire ». Une demande exceptionnelle d’aide humanitaire pour 2021 s’est ainsi révélée indispensable puisque « ceux qui vivaient déjà sur le fil du rasoir ont été durement et disproportionnellement touchés par l'augmentation des prix de la nourriture, la chute des revenus, l'interruption des programmes de vaccination et la fermeture des écoles ». Par ailleurs, Rosemary DiCarlo, cheffe des affaires politiques et de la consolidation de la paix de l’Organisation des Nations unies (ONU), considère que le coronavirus constitue une menace à la paix et à la sécurité internationales et pourrait limiter et mettre en danger le personnel humanitaire en mission dans les pays les plus vulnérables.

La pandémie à l’origine d’une demande pressante d’aide humanitaire


Cette crise constitue un « effet multiplicateur » : les besoins de l’ensemble des pays, a fortiori vulnérables, ne cessent d’augmenter et il est de plus en plus difficile de les satisfaire. À ce titre, le 1er décembre 2020, l’ONU a lancé un appel humanitaire inédit de 35 milliards de dollars pour 2021, venant s’ajouter aux deux milliards débloqués en 2020 dans le cadre du Plan global de réponse humanitaire coordonné pour lutter contre la Covid-19. Ces fonds supplémentaires visent évidemment à lutter contre le coronavirus, mais aussi à aider près de 160 millions de personnes réparties dans 56 pays faisant face à la faim, aux conflits, aux déplacements et aux conséquences du changement climatique et de la pandémie.


Les mesures prises pour lutter contre le virus l’ont parfois été au détriment du système humanitaire qui continuait de répondre aux crises préexistantes, et ont pu les aggraver. Les restrictions du mouvement de marchandises, par exemple, ont provoqué un ralentissement de l’approvisionnement en pulvérisateurs et en pesticides, essentiels pour lutter contre l’invasion de criquets pèlerins en Afrique de l’Est et pour tenter de remédier à l’insécurité alimentaire aigüe subie par cette région. Une autre conséquence plus générale de la pandémie a été l’augmentation de l’extrême pauvreté pour la première fois depuis 1990. Ces différents éléments laissent craindre la multiplication de situations de famine à l’avenir. À cet égard, 270 millions de personnes sont susceptibles de souffrir de l’insécurité alimentaire aigüe en 2021, soit 82 % de plus qu’avant la crise.


Une autre source d’inquiétude tient à l’impact du virus dans les zones de conflit, au sein desquelles les systèmes de santé sont affectés par la guerre et voient leur champ d’action plus que limité au regard des situations urgentes auxquelles ils doivent d’ores et déjà répondre. Le cas des populations déplacées est également inquiétant. Ces dernières, au vu de leurs conditions de vies et d’habitat, sont en effet particulièrement vulnérables aux effets de la pandémie. Il est ainsi difficile d’imaginer pouvoir mettre en place des mesures de distanciation sociale dans de telles conditions, alors même que ces camps et abris sont mal équipés en installations sanitaires et ne permettent qu’un accès aux soins limité. Par ailleurs, la propagation de la Covid-19 est de nature à entraîner une exacerbation des tensions socio-économiques, notamment dans le cadre de conflits, et « aggraver des situations de sécurité déjà instables et contribuer à une récurrence des conflits intercommunautaires ».

L’intervention des États et des autres acteurs humanitaires est donc plus que jamais essentielle. À ce titre, l’ONU a rappelé à ses États membres que « toute réaffectation de fonds des opérations humanitaires créerait un environnement dans lequel le choléra, la rougeole et la méningite peuvent prospérer, dans lequel encore plus d’enfant deviennent mal nourris et dans lequel les extrémistes peuvent prendre le contrôle – un environnement qui serait le terrain idéal pour le coronavirus ». Les activités humanitaires subissent, de ce fait, une pression importante et consistent essentiellement à apporter une aide alimentaire aux personnes les plus vulnérables. Elles visent également à les protéger en leur fournissant des équipements de protection individuelle ainsi que de l’eau propre, du savon et d’autres matériels d’hygiène. Le personnel humanitaire mène en outre des missions d’information et de prévention en partenariat avec des acteurs locaux.


Une augmentation de la demande, source de risques pour le personnel médical humanitaire

L’Aid Worker Security Database (AWSD) a relevé qu’entre 1997 et 2019, 15 % des attaques violentes recensées visaient le personnel humanitaire spécialisé dans le domaine de la santé. En 2019, 24 % des attaques visant le personnel humanitaire se sont produites à l’encontre de personnes exerçant une mission sanitaire/de santé. De ce fait, la demande pressante d’aide humanitaire liée à la Covid-19 laisse craindre une résurgence de ces violences.


Les missions humanitaires sanitaires exposent en effet le personnel à des risques particuliers, ainsi qu’à la méfiance des personnes auprès desquelles ils interviennent. Au-delà du risque sanitaire déjà conséquent, les communautés au sein desquelles ces personnels interviennent, en particulier dans un contexte épidémique, sont souvent en proie à des incertitudes et à des craintes confortées par la désinformation. Les risques sont d’autant plus importants que les personnels sont en contact direct avec les membres des communautés d’accueil lorsqu’ils vaccinent, se chargent des funérailles et jouent un rôle de prévention et de contrôle de la diffusion de la pandémie. Ainsi, en avril 2020, un véhicule des Nations unies transportant des échantillons du virus au Myanmar a été attaqué, et son conducteur, un employé de l’Organisation mondiale de la santé, tué.

Les enseignements tirés des précédentes crises sanitaires


Il convient néanmoins de souligner que les acteurs en charge d’activités humanitaires ont tenu compte des enseignements tirés des crises précédentes. Ils ont ainsi adapté leurs activités afin de limiter au mieux les risques encourus par le personnel humanitaire, mais aussi pour mener de la manière la plus efficace possible leur mission.


À ce titre, pour prévenir, ou tout au moins, palier la méfiance parfois justifiée des individus, il est dans un premier temps nécessaire que les organisations chargées de missions humanitaires prennent des mesures afin que leur personnel ne propage pas la maladie, telles que des procédures particulières en matière de distribution de nourriture. Il leur est également recommandé de travailler autant que possible avec les responsables des communautés, ou religieux, et de les former aux missions menées.


Par ailleurs, quand la distanciation sociale est impossible, notamment dans les camps de personnes déplacées ou dans les bidonvilles, il faut favoriser la formation des populations sur les moyens de prévenir toute contamination. Enfin, et c’est probablement ce qui a le plus permis de limiter les violences perpétrées à l’égard des travailleurs humanitaires au cours de cette crise de la Covid-19, il est essentiel de permettre aux familles de procéder elles-mêmes aux funérailles de leurs proches en les formant et en leur fournissant le matériel requis, afin que l’intervention humanitaire soit la moins intrusive possible et donc la plus simple à accepter par les communautés d’accueil.


Léa Ivoule-Moussa

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