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  • Léa Ivoule-Moussa

HAUT-KARABAKH : VERS UN APAISEMENT DU CONFLIT APRES LE CESSEZ-LE-FEU ?

Un siècle de relations conflictuelles entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan


L’Arménie et l’Azerbaïdjan, deux États du Caucase du sud, sont intégrés en 1920 à l’URSS. Le Haut-Karabakh (Haut-Karabagh), région à majorité arménienne, est arbitrairement rattaché à l’Azerbaïdjan, contre l’avis de ses habitants et des Arméniens. En 1988, le Haut-Karabakh vote son rattachement à l’Arménie, qui lui est refusé, entraînant des affrontements dans la région. En 1991, il proclame cette fois-ci son indépendance et prend le nom de République d’Artsakh : c’est le début d’une guerre de 3 ans entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, qui se règle par un cessez-le-feu prononcé le 16 mai 1994. L’Arménie ressort gagnante de cette guerre puisqu’elle occupe sept districts azéris reliant son territoire au Haut-Karabakh, dont l’indépendance n’est reconnue par aucun membre de la communauté internationale. L’Azerbaïdjan perd environ 13 % de son territoire, provoquant le déplacement d’une centaine de milliers de réfugiés : cette défaite est qualifiée de « pire humiliation endurée par le pays ».


Malgré la création d’un groupe de médiation par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en 1992, le groupe de Minsk, l’Arménie et l’Azerbaïdjan ne sont jamais parvenus à une solution pacifique de résolution de ce conflit visant le Haut-Karabakh. Des violences ont éclaté à plusieurs reprises, et certains parlent même « d’état de guerre permanent ». L’incapacité de ces deux parties à trouver un compromis explique l’échec des mesures prises jusqu’à présent pour obtenir un règlement pacifique du conflit.


L’impression d’une impasse et l’espoir de paix apporté par l’accord de Moscou


Ces dernières années, les éclats de violences entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont été de plus en plus fréquents et meurtriers. En 2020, le conflit entre les deux pays s’est intensifié après de nouveaux affrontements. En juillet, à l’issue de combats d’une particulière violence ayant fait seize morts, le Président de l’Azerbaïdjan, Ilham Aliev a déclaré : « Le peuple azéri en a assez de ces négociations vides, la patience de mon peuple n’est pas illimitée, l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan doit être rétablie, et notre position là-dessus est catégorique ». À ce moment-là, le conflit semble inévitable, alors même que les deux États ne sont pas au même niveau de préparation. L’Azerbaïdjan, plus riche que l’Arménie et dans un esprit de reconquête, est à la pointe de la technologie militaire alors que l’Arménie n’a presque pas mis à jour son arsenal depuis 1993.

Les combats les plus violents depuis la guerre de 1991-1994 ont éclaté le 27 septembre 2020 : deux jours après, on dénombrait une centaine de morts, dont onze civils. Les ONG Amnesty International et Human Rights Watch, ainsi que le CICR, déclarent que des bombes à fragmentation, interdites en droit humanitaire international, ont été utilisées par les deux parties et dénoncent un « mépris évident pour la vie des civils et le droit international ». Aussi, l’Observatoire syriens des droits de l’Homme s’inquiète qu’au cours du conflit, 2 580 syriens ayant combattu le régime de Bachar Al Assad ont été envoyés par la Turquie pour se battre aux côtés des forces azéries. Certains États dénoncent alors le déploiement de mercenaires par la Turquie au profit de l’Azerbaïdjan, d’autres la mobilisation « d’organisations terroristes » susceptibles de s’infiltrer dans les États adjacents par la suite.


Si deux cessez-le-feu ont été annoncés au cours du conflit, dont un le 17 octobre dernier afin de procéder au rapatriement des dépouilles des soldats et à l’échange des prisonniers, aucun n’a été respecté par les parties. Les combats se sont intensifiés, jusqu’à ce que les autorités du Haut-Karabakh ordonnent l’évacuation de leur territoire, un mois après le début du conflit. Finalement, le 10 novembre, Vladimir Poutine a annoncé la signature d’un accord de cessez-le-feu total avec l’Arménie et l’Azerbaïdjan, dans l’espoir qu’il crée « les conditions nécessaires pour un règlement durable du conflit ». Cet accord prévoit ainsi que les forces armées cessent leur combat « sur les positions qu’elles occupent », que l’Azerbaïdjan reprenne le contrôle de l’intégralité des sept districts voisins du Haut-Karabakh qui lui échappaient, que les azéris expulsés dans les années 1990 puissent revenir chez eux sous l’égide de l’ONU et que l’Arménie perde le contrôle du Haut-Karabakh au profit de la « force de paix »russe qui déploie 2000 soldats sur le territoire pour une durée initiale de cinq ans.


Une solution durable ?


Le conflit aurait fait cinq-mille morts, dont quarante-cinq civils arméniens et quatre-vingt-treize civils azéris, mais ce bilan est probablement beaucoup plus lourd en réalité. Ce coût humain a indéniablement joué un rôle important dans l’acceptation du cessez-le-feu. Face à la colère des Arméniens, le Premier ministre Nikol Pachinian explique sa décision par la faiblesse de leurs forces armées, dépassées par les forces azéries.

Alors qu’elles protestaient contre la signature des accords de cessez-le-feu et que circule un ultimatum de l’opposition appelant à la démission de Pachinian, dix figures de l’opposition arménienne ont été interpellées pour « organisation illégale de désordres de masse violents ». Ces dernières, ainsi qu’une partie de la population, appellent à la poursuite des combats. Depuis le 10 novembre s’est également mis en place un exode massif des habitants du Haut-Karabakh : avant de partir, ces derniers détruisent fréquemment ce qu’ils ne peuvent amener avec eux dans leur exil, leurs maisons ainsi que les infrastructures publiques, ne souhaitant pas « les voir passer aux mains des ennemis ». Derrière ces destructions se trouve donc l’idée de rendre ces villes inhabitables pour les azéris susceptibles de revenir s’y installer, et cela pose nécessairement des questions quant à la durabilité de cet accord. Bien que la Russie soit parvenue à faire signer et respecter un tel cessez-le-feu à l’Arménie et à l’Azerbaïdjan, encore faut-il parvenir à trouver un accord pérenne accepté par les populations pour sortir de ce conflit.


On remarque également des divergences quant au rôle de la Turquie dans cet accord, ce qui pourrait éventuellement créer des conflits par la suite. Ainsi, le 9 novembre, le Président Aliev avait évoqué une force de maintien de la paix commune russo-turque, annonce reprise par le Ministre des affaires étrangères turc qui assurait que des points d’observation turcs seraient installés sur le territoire azéri, sans que cela ne soit pour autant inscrit dans l’accord, ou confirmé par la Russie. Les autres membres du groupe de Minsk ont donc demandé à la Russie de mettre fin à cette ambigüité susceptible de compromettre la durabilité de l’accord de Moscou si elle venait à provoquer de nouvelles rivalités.


Ainsi, les accords du 10 novembre semblent de prime abord représenter un espoir de paix pour le conflit du Haut-Karabakh. Néanmoins, son caractère durable semble mis à mal par une ambigüité quant au rôle des différents États dans ce maintien de la paix, et par le statut toujours controversé du Haut-Karabakh. Les arméniens voient en l’accord de Moscou une trahison alors que les azéris y voient une revanche, ce qui rappelle la situation au lendemain de la signature des accords de 1993.


Il semble donc plus que jamais nécessaire de trouver un règlement politique durable préservant les intérêts des deux parties et du Haut-Karabakh qui puisse être accepté par leurs populations, au risque de voir le conflit à nouveau s’envenimer.


Léa Ivoule-Moussa

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