Classé parmi les États les plus affectés par les évènements météorologiques extrêmes, le Honduras, signifiant le pays des « profondeurs », doit régulièrement faire face à de nombreux défis environnementaux. Bordé par la mer des Caraïbes au Nord et par l’océan Pacifique au Sud, son territoire est le témoin catastrophes climatiques variées comme la sécheresse, des épisodes de précipitations intenses, des tsunamis et des ouragans. Phénomènes accentués par le réchauffement climatique, leur impact est multiple et étendu à différents secteurs. Les conséquences sur la population sont parfois très importantes en termes économiques, mais aussi en termes politiques, sociaux et sanitaires. Situés en pleine zone de formation des ouragans, les Honduriens sont à la fois exposés aux aléas de la nature mais aussi aux sérieux problèmes humains qui en découlent, impactant fortement la situation humanitaire dans le pays.
Suite à la création d’une stratégie nationale sur le changement climatique en 2010, le gouvernement a élaboré un plan permettant de prendre en compte les différents aspects du changement climatique, dans une optique de résilience et d’adaptation des populations. Cette stratégie a été conçue pour mieux comprendre les causes, les manifestations et les impacts du changement climatique. Le gouvernement a également signé et ratifié la Convention-cadre de Rio de Janeiro sur les changements climatiques, entrée en vigueur en 1994. Néanmoins, au vu des nombreux impacts provoqués par les catastrophes naturelles, un long chemin reste à parcourir pour le Honduras, mais également pour les autres pays de la région. Ainsi, la fréquence de ce genre de catastrophes est à la hausse. Au Honduras, 69 évènements météorologiques extrêmes sont à dénombrer entre 1994 et 2013. Les ouragans de novembre 2020 nous rappellent leur caractère fréquent et leurs conséquences sur la vie des individus. La saison dernière a d’ailleurs été caractérisée par l’enregistrement de 30 tempêtes tropicales dans la région, leur intensité étant notamment exacerbée par le réchauffement des mers.
L’impact des catastrophes climatiques sur la production alimentaire
Une étude réalisée par la Commission Economique pour l’Amérique latine et les Caraïbes nous donne des indications sur les effets du changement climatique sur la production alimentaire. En se basant sur les trois produits les plus importants du Honduras - le café, les haricots et le maïs - l’étude démontre notamment que les sécheresses entraînent un déclin de la production agricole. Le lien avec les catastrophes climatiques s’illustre avec le retardement du phénomène du « niño ». Si celui-ci a pour conséquence la montée de la température à la surface des eaux du Pacifique au niveau de l’Equateur, son retardement de plus en plus fréquent provoque une période de grande sécheresse. Ces évènements climatiques ont pour effet la diminution de la production agricole, constituant une menace pour l’économie du pays, et subséquemment pour les populations. En effet, cela l’est d’autant plus lorsque l’on sait que le pays est le premier exportateur de café d’Amérique centrale avec environ 8,5 millions de quintaux vendus hors de ses frontières pour la saison 2019-2020. Par ailleurs, la production de maïs, qui nécessite une grande quantité d’eau, se trouve également impactée par ces épisodes de sécheresse. Planifier la production devient alors plus difficile, notamment en raison de l’imprévisibilité des précipitations, ce qui conduit à une perte d’une partie non-négligeable des récoltes.
Au-delà des conséquences à long-terme sur l’agriculture, les catastrophes climatiques ponctuelles ont un grave impact dans ce secteur. Les deux derniers ouragans les plus dévastateurs survenus en novembre 2020, Eta et Iota, en témoignent. Le ministre de l’Agriculture et de l’élevage, Mauricio Guevara, a affirmé que les dommages et les pertes s’élevaient à presque 80 %. Autre conséquence de ces ouragans : les dommages causés aux fermes et aux entreprises productrices de denrées alimentaires. L’exemple de la société productrice de cacao APROCAGUAL met en lumière non seulement l’impact des catastrophes sur la production en elle-même, mais aussi sur les infrastructures permettant cette production. Par ailleurs, s’il est difficile de chiffrer précisément les pertes financières dans le secteur agricole, certaines liées au passage des ouragans Iota et Eta ont été évaluées. Le bilan est lourd : parmi les produits endommagés, se trouvent 4.800 ha de bananes, 24.500 ha de champs de canne à sucre et 4.800 ha d’agrumes. Certains ont totalement été détruits comme l’illustrent les 104.600 ha de palmiers à huile ou encore les 13 000 tonnes d’agrumes.
Une économie en proie aux élans du climat
L’économie d’un pays n’est jamais épargnée par les évènements climatiques extrêmes. Comme le mentionnent les Nations Unies, « une catastrophe de grande ampleur peut anéantir des décennies de croissance économique ». L’impact de ces catastrophes est tel que le PIB (produit intérieur brut) peut parfois drastiquement chuter. L’année 1998, témoin de l’ouragan Mitch, a enregistrée des pertes représentant 41 % du PIB du Honduras.
Aussi, l’impact des tempêtes tropicales est toujours multisectoriel. Le président de la compagnie de pêche Kruta, Electerio Colomer, a affirmé que « les inondations ont détruit les secteurs de la pêche, de l’agriculture et de l'élevage ». La Commission Economique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes a également évalué les pertes dues au passage des ouragans de novembre à plus de 15 milliards de dollars. Les communautés rurales ont été fortement impactées et les lieux de travail de milliers de personnes ont été détruits par les inondations engendrées par les ouragans.
La vulnérabilité des populations et les inégalités accrues par la survenance des catastrophes climatiques
Dans un pays où 60 % de la population vit déjà sous le seuil de pauvreté, les catastrophes climatiques n’arrangent en rien la situation. Au contraire, l’impact sur la vie des personnes est tel que beaucoup d’entre elles, face à l’incertitude, décident de quitter leur domicile pour migrer dans un pays où l’économie est plus stable et où l’insécurité n’est pas la norme. En effet, les Honduriens doivent faire face à un nombre de facteurs qui accroissent leur vulnérabilité, particulièrement celle de certains groupes plus enclins à subir des discriminations. Juan Carlos Arteaga, chef de mission à Médecin Sans Frontières au Honduras, évoque ainsi la résurgence de violences sexuelles ou encore le manque de soutien de l’État en termes de santé psychologique. La destruction des infrastructures de santé, combinée avec la diminution de la production de nourriture, place le pays en porte-à-faux entre risques sanitaires liés à la crise de la Covid-19 et insécurité alimentaire. En décembre 2020, soit un mois après les ouragans dévastateurs, 95 000 Honduriens vivaient encore dans des hébergements temporaires et plusieurs milliers vivaient dans la rue. Les femmes, loin d’être épargnées, se trouvent particulièrement confrontées aux discriminations et à la vulnérabilité puisque 400 000 d’entre elles ne pouvaient accéder aux services de santé primaires. Au total, entre les trois pays touchés (Honduras, Guatemala, Nicaragua) par les ouragans Iota et Eta, 5,2 millions de personnes nécessitent une assistance humanitaire. Entassées dans des établissements de fortune, peu de personnes ont accès à des masques, du savon ou de l'eau propre pour éviter la propagation de la Covid-19. Le risque de contracter le virus s’en trouve donc démultiplié. La combinaison de ces risques accroît inévitablement la vulnérabilité des personnes dans ces zones. Néanmoins, la population n’a d’autre choix que de faire preuve d’adaptation et de résilience. Elle est toutefois soutenue par un certain nombre d’acteurs humanitaires comme OXFAM ou la Croix-Rouge.
Arnaud Battaglia
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