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L'ACCÈS À L'AIDE HUMANITAIRE : LE DÉFI LOGISTIQUE DES ONG

Le défi humanitaire. Défi d’un monde qui, en 2018, comptait 206,4 millions de personnes qui avaient besoin d’aide, d’un monde où les nouvelles formes de conflits causent de nombreuses victimes civiles, d’un monde où les crises humanitaires subsistent. La réponse à ces crises, c’est l’aide humanitaire. Chaque année, plusieurs millions d’euros sont déployés par les États pour permettre la prise en charge des personnes les plus vulnérables, notamment celles souffrant des répercussions des hostilités. Cependant, l’aide humanitaire et les ONG l’administrant se trouvent confrontées à de nombreux aléas, qui freinent son efficacité et limitent son accès. Le défi d’un besoin grandissant Depuis la seconde moitié du XXe siècle, une nouvelle forme de conflits, plus contemporaine, s’est développée. De guerres interétatiques, la belligérance a basculé vers des conflits armés plus complexes et difficiles à analyser, renfermant toutes sortes d’acteurs : des États, mais aussi des groupes armés non étatiques, rebelles, luttant tantôt contre un régime dictatorial, tantôt contre une puissance colonisatrice. Les premières victimes de ces nouveaux conflits armés, ce sont les populations civiles, en dépit des principes cardinaux du droit international humanitaire. Ainsi, les crises humanitaires se multiplient et les besoins humanitaires ne cessent de croître. Inévitablement, une telle intensification complexifie le travail des ONG et si aujourd’hui l’aide humanitaire améliore les conditions de vie, elle ne couvre pas tous les besoins essentiels. Des obstacles juridiques et administratifs conditionnant l’efficacité de l’aide L’un des principaux enjeux est également celui de la nécessité du consentement préalable de l’État dans lequel les actions de secours ont lieu. En effet, étant donnant qu’il incombe en premier chef à chaque État de prendre soin des victimes des conflits armés sur leur territoire et au titre de la souveraineté étatique, l’aide humanitaire, qui intervient lorsque l’État n’est pas en capacité de répondre à cette obligation, ne peut être entreprise qu’avec le consentement de l’État concerné. Il en va de même qu’il s’agisse d’un conflit armé international ou d’un conflit armé non international : dans ce second cas, en pratique, c’est le consentement des groupes armés non étatiques qui est requis. Cet élément soulève une importante problématique : que se passe-t-il lorsque l’État ou les entités non étatiques refusent l’intervention humanitaire ? Dans de tels cas, les équipes humanitaires n’ont pas accès aux territoires et l’aide ne peut être fournie. La Syrie est l’un des pays concernés par cette préoccupation. Selon l’ONG Solidarités, 13,5 millions de personnes sont dans le besoin en Syrie, pourtant seulement 40 897 personnes sont secourues. En effet, le gouvernement n’a donné son consentement pour l’aide seulement dans les territoires sous son contrôle, l’interdisant de fait dans les zones contrôlées par l’opposition, alors même que ces dernières sont de plus en plus importantes. De ces zones, les ONG sont alors contraintes de se retirer, privant d’assistance de nombreuses victimes des conflits. L’ONG Médecins sans frontières rapporte que des médecins s’organisent afin d’entrer clandestinement dans les zones interdites. Toutefois, leurs moyens sont très restreints et apporter une aide efficace est très difficile. Malgré cela, il est important de prendre en compte que le refus des secours par l’État doit être motivé : il ne dispose pas d’un pouvoir arbitraire et illimité pour ne pas donner son consentement. Ainsi, par exemple, un État ne peut utiliser le refus d’assistance humanitaire comme une méthode de guerre, en affamant la population. Il doit même faciliter le passage, ne pas retarder l’acheminement, prendre des mesures pour protéger les envois, etc. Cependant, les obstacles administratifs aussi peuvent complexifier et retarder l’intervention des ONG auprès des populations. Elles doivent en effet être autorisées et obtenir des inscriptions officielles dans l’État, obtenir des visas pour le personnel, des autorisations d’importation pour leurs envois… La protection du personnel humanitaire : une difficulté pratique importante À cela s’ajoute la difficulté de protéger le personnel humanitaire. Pour intervenir en conformité avec le droit international humanitaire, le personnel doit répondre à des conditions d’humanité, d’impartialité, de neutralité et d’indépendance. Cela signifie qu’ils ont pour but de prévenir et alléger les souffrances humaines, en octroyant de l’aide sur la seule base des besoins, sans aucune discrimination, ne favorisant aucune partie du conflit armé et étant détaché de tout intérêt économique, militaire ou autre. Lorsque les acteurs humanitaires répondent à ces principes, ils doivent être protégés de toute attaque par les États ou groupes armés parties. Toutefois, la pratique montre que le personnel de secours est régulièrement pris pour cible. En effet, les parties l’utilisent de plus en plus comme une méthode de guerre, afin d’empêcher la prise en charge des personnes civiles se trouvant sur les zones de conflit. C’est le cas en Syrie, où le régime attaque régulièrement le personnel médical et utilise ainsi la santé comme arme de guerre. De même en République centrafricaine, le personnel humanitaire et médical a été victime, depuis 2003, de plusieurs crimes (comme des prises d’otages, des enlèvements, des agressions) et les attaques contre les véhicules humanitaires ont été nombreuses, privant les populations des biens essentiels. C’est alors toute la logistique des ONG qui est en affectée et son fonctionnement est inévitablement affaibli. Cette protection est d’autant plus difficile que les nombres d’ONG humanitaires ne cessent d’augmenter. Si cette prolifération a des avantages indéniables (les moyens sont notamment multipliés), leur coordination et les négociations (pour intervenir auprès des populations) représentent un véritable enjeu. Inévitablement, il devient de plus en plus difficile de distinguer entre les opérations militaires, politiques et humanitaires : les ONG doivent interagir directement avec les États parties au conflit pour recevoir des autorisations, des visas, etc. Les parties tendent à percevoir ces interactions comme une prise de position et attaquent alors ce qu’ils assimilent dès lors, de manière sincère ou calculée, à une opération militaire. Face à ces attaques répétées, le Conseil de Sécurité avait adopté une résolution en 2016, rappelant l’obligation pour les États de « respecter et de protéger, en situation de conflit armé, le personnel médical et les agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical » et condamnant les actes de violence qui les visent. La pratique a toutefois démontré que les actes pris par l’Organisation des Nations Unies n’a pas empêché les violations des principes fondamentaux du droit international humanitaire. Ainsi, bien que nécessaire, a fortiori avec la prolifération du nombre de conflits armés, l’aide humanitaire est aujourd’hui confrontée à de nombreux défis. L’un d’eux a d’ailleurs été mis en lumière avec la récente pandémie Covid-19 : les épidémies peuvent représenter un véritable enjeu dans le secours des personnes. De fait, certains civils, déjà victimes des conflits, doivent faire face à l’absence ou à l’insuffisance de l’aide humanitaire. Néanmoins, les efforts continuent de se poursuivre et au cours des cinq dernières années, le total de l’aide humanitaire internationale est parvenu à augmenter de 30 %.



Léna Boron

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