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L'ACTUALITÉ DES RELATIONS ENTRE L'IRAN ET LES ÉTATS-UNIS

Il est de notre devoir commun de tout mettre en œuvre pour éviter une guerre dans le Golfe que le monde ne peut se permettre. Nous ne devons pas oublier les terribles souffrances humaines causées par la guerre. Comme toujours, les gens ordinaires paient le prix le plus élevé ». Ces paroles de Stéphane Dujarric, porte-parole du Secrétaire général des Nations Unies témoignent du risque accru pour les populations civiles d’une dégénérescence des relations tendues entre l’Iran et les États-Unis. Les événements de décembre 2019 et janvier 2020 Les 31 décembre et 1er janvier derniers, des milices iraquiennes chiites pro-Iran ainsi que des milliers de partisans ont attaqué et envahi l’ambassade américaine à Bagdad pour protester contre des raids américains. Ceux-ci ont été menés quelques jours plus tôt contre des milices chiites iraquiennes dominées par des factions pro-Iran (eux-mêmes menés en représailles d’une attaque à la roquette non revendiquée qui a abouti à la mort d’un sous-traitant américain). Dans la nuit du 2 au 3 janvier, les États-Unis et le Président américain Trump, tenant l’Iran pour responsable de cette attaque, ont tué le général iranien Qassem Soleimani et plusieurs autres officiers des forces paramilitaires pro-iraniennes, lors d’une frappe de drone à Bagdad. L’Iran a immédiatement appelé à une vengeance contre les États-Unis. La mort du Général Soleimani a exacerbé le sentiment anti États-Unis et a suscité une vive émotion parmi la population iranienne qui a témoigné son soutien à Soleimani. Il demeurait une personnalité très appréciée dans le pays, malgré une nouvelle vague de manifestations courant novembre et décembre 2019 contre le régime et le Guide de la Révolution iranienne, Ali Khamenei (le chef d’État de la République d’Iran). De plus, des hommages lui ont été rendus au Liban, au Yémen, en Iraq. En Iraq cependant, plusieurs manifestants ont exprimé leur joie face à cette nouvelle puisqu’ils réfutent l’influence trop grande qu’exerceraient les États-Unis et l’Iran sur le gouvernement iraquien. Les origines du conflit Les relations conflictuelles entre l’Iran et les États-Unis ne datent pas d’hier. Lors de la Révolution iranienne de 1979, les États-Unis n’ont porté que peu d’intérêt au Shah déchu pourtant allié historique du pays, ce qui a alimenté un sentiment antiaméricain et une désapprobation de l’influence considérée comme néfaste des États-Unis. La prise en otages de ressortissants dans l’ambassade des États-Unis à Téhéran en 1979-1980 soutenue par l’Ayatollah Khomeini a gelé les relations. En 2002, à la suite des attentats du 11 septembre, George W. Bush a qualifié l’Iran comme pays appartenant à « l’axe du mal ». Il l’accusait de soutenir le terrorisme et de chercher à se doter d’armes de destruction massive, notamment l’arme nucléaire. Après, en autre, de multiples sanctions économiques imposées par l’administration américaine à l’Iran, les deux pays ont signé le 14 juillet 2015 avec le Royaume-Uni, la France, la Russie, la Chine, l’Allemagne et l’Union européenne l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien. L’accord lève des sanctions économiques pesant sur le pays et permet un programme nucléaire civil en Iran en échange de garanties que celui-ci ne se dotera pas de l’arme nucléaire. Concevant cette autorisation comme une menace et considérant que l’Iran a violé plusieurs dispositions, Trump a décidé, en exécution d’une de ses promesses de campagne, de dénoncer et sortir de cet accord, de rétablir des sanctions économiques et a menacé l’Iran de graves conséquences s’il venait à relancer son programme nucléaire. Ces relations diplomatiques conflictuelles ne peuvent pas être appréhendées de manière autonome, mais doivent être regardées dans le contexte général de la situation au Moyen-Orient. En effet, les deux pays s’affrontent de manière indirecte dans les différents conflits que connaît la région. Ils ont la volonté d’étendre leur zone d’influence dans la région et s’insèrent donc dans la politique intérieure de plusieurs États, alimentant par la même occasion plusieurs conflits armés. Cela entraîne des conséquences désastreuses pour les populations civiles qui souffrent de guerres qui s’enlisent et s’éternisent. À titre d’exemples, les États-Unis et l’Iran s’affrontent de manière indirecte en Syrie. L’Iran, où le chiisme est religion d’État, soutient le régime chiite syrien tandis que les États-Unis ont été un acteur majeur de la coalition qui a soutenu les rebelles ou les Kurdes. De la même manière, l’administration américaine soutient Israël, son allié de longue date, dans le conflit palestinien, tandis que l’Iran soutient directement le Hamas et indirectement par l’intermédiaire du Hezbollah (financement, équipement et formation du Hamas par le Hezbollah). Également, l’Iran soutient les rebelles chiites houtis dans leur lutte contre le régime yéménite tandis que les États-Unis ont pu apporter un soutien logistique et des renseignements à la coalition alliée du gouvernement yéménite, dirigée par l’Arabie Saoudite. D’ailleurs, le rôle de l’Arabie Saoudite dans les relations américano-iraniennes ne doit pas être négligé. Le royaume saoudien, allié historique des États-Unis et ennemi juré de l’Iran au Moyen-Orient notamment pour l’opposition entre sunnisme et chiisme et pour l’expansion de l’idéologie wahhabite dans toute la région, a opéré entre autres, un rapprochement avec ce dernier au détriment de la puissance américaine. Enfin, l’Iran et les États-Unis sont tous les deux présents sur le sol iraquien à la demande du gouvernement pour lutter contre la rébellion et les forces islamiques, notamment de Daesh. Or, les deux puissances ne se coordonnent pas. Depuis la proclamation de la victoire contre cet ennemi commun au début 2019, les tensions plus anciennes ont refait surface. L’Iran tient d’ailleurs les États-Unis pour responsables de la situation chaotique du pays et de la montée en puissance de Daesh résultant notamment de l’intervention américaine depuis 2003. Impact humanitaire et perspectives À la suite de l’assassinat du Général Soleimani, 3000 à 3500 soldats américains supplémentaires ont été déployés en Iraq. La réponse de l’Iran à cette attaque ne s’est pas fait attendre, puisque des tirs de mortiers contre des bases militaires iraquiennes où étaient stationnés des soldats américains ont été opérés. Le gouvernement américain n’a recensé aucune victime américaine décédée. Ce choix stratégique de l’Iran, ainsi que l’appel à la diplomatie de la communauté internationale, ont permis un apaisement des tensions et ont empêché qu’un nombre important de victimes notamment civiles soit à déplorer. L’objectif était de ne pas enclencher un nouveau conflit ouvert qui viendrait accabler une fois de plus une région et des populations de nombreuses fois meurtries. En effet, l’ensemble de la région est depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale le théâtre de nombreux conflits armés, certains États connaissant d’ailleurs des guerres à répétition (à l’instar de l’Iraq qui a connu depuis 40 ans la guerre Iran-Iraq, puis la première guerre du Golfe, l’intervention américaine de 2003, deux épisodes de guerre civile depuis 2006). Ces conflits ont fait des millions de morts et de blessés, ont abouti au déplacement de milliers de personnes et fait de multiples réfugiés. À titre d'exemple, le conflit syrien aurait fait entre 380 000 et 585 000 morts, 5.6 millions de réfugiés et 6.6 millions de déplacés internes. La seule guerre civile iraquienne – depuis 2006 et pour des chiffres de 2018 – aurait fait 300 000 réfugiés et 2.1 millions de déplacés internes. À ces chiffres, il faut aussi ajouter les victimes du conflit yéménite, des différents conflits afghans, iraniens, israélo-palestiniens, des conflits liés aux printemps arabes. Les conflits ont aussi créé des situations humanitaires extrêmement difficiles pour des millions de personnes, qu’elles aient décidé de rester dans leur pays ou qu’elles aient été contraintes de fuir, sachant que ces conflits rendent particulièrement complexe l’intervention des acteurs humanitaires. Néanmoins, si les tensions semblent être pour l’instant retombées, les deux États n’ont toujours pas trouvé de compromis à leurs différends.


Elina Legat

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