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L'AFGHANISTAN : VERS UN APAISEMENT APRÈS 40 ANS DE CONFLIT

En Afghanistan, 80 % de la population actuelle n’a connu que la guerre qui sévit depuis 40 ans. Entre « luttes de pouvoir opposant les deux puissances de la guerre froide, les batailles d’ego des Moudjahidine - héros des années 1980 mais impitoyables seigneurs de guerre des années 1990 – et le fondamentalisme taliban », le pays peine à établir un apaisement durable. Retour sur 40 ans de guerre En 1973, le coup d’État mené par les élites communistes met fin à la monarchie et inaugure une aire d’instabilité politique qui dure encore aujourd’hui. La volonté de réformes et l’amélioration du sort des femmes se heurtent au conservatisme religieux d’une majorité de la population, notamment dans les zones rurales où les traditions de l’Islam perdurent. Les oppositions, violemment réprimées par le régime communiste, se transforment peu à peu en mouvement militant : Les Moudjahidines ou « les combattants de la foi ». L’insurrection, menée par ces derniers en 1979, pousse l’Armée rouge de l’URSS à envahir et occuper l’Afghanistan. C’est le début d’une guerre sanglante qui durera 10 ans. Ce conflit est l’occasion pour les États-Unis d’affronter son rival de la Guerre froide en finançant et armant la résistance. En 1989, les forces armées russes quittent le territoire afghan. Le retour au calme est de courte durée puisque les affrontements pour le pouvoir et les divergences ethniques entre les deux principales figures de la résistance afghane, Ahmed Shah Massoud et Gulbuddin Hekmatyar, ont plongé le pays dans une guerre civile sans précédent, détruit Kaboul et ouvert les portes du pouvoir aux talibans en 1996. Ils sont d’abord accueillis avec soulagement par la population ; ils rétablissent la paix mais créent un régime de terreur, violent et liberticide, en particulier envers les femmes. Au même moment, Oussama Ben Laden, qui avait aidé la résistance Moudjahidine dans les années 1980, revient en Afghanistan d’où il prépare les attentats du 11 septembre 2001 qui seront le déclencheur d’une nouvelle ère du conflit dont les répercussions persistent encore aujourd’hui. Les Américains, galvanisés par une « guerre contre le terrorisme », vont mener, avec l’aval du Conseil de sécurité et de l’OTAN, une coalition internationale pour renverser le régime des talibans, accusés de ne pas livrer Ben Laden. Malgré l’élection du président Hamid Karzaï (2001-2014) et l’établissement d’une démocratie, les combats perdurent entre les forces armées internationales et les talibans. Ces derniers reprennent le contrôle de certains territoires dès 2005 et des affrontements sporadiques avec les armées de la coalition se transforment rapidement en conflit armé violent. Depuis 2014, les troupes de la coalition ont pratiquement toutes quitté le territoire (sauf les Américains). Néanmoins, les perspectives de paix sont troublées par la résurgence des conflits entre les armées progouvernementales (afghanes et américaines) et les groupes armés d’opposition que sont les talibans ou l’État islamique. Une population prise au piège Depuis 40 ans, la population afghane ne connaît aucun répit. Selon l’ONU, l’Afghanistan est devenu la zone la plus meurtrière du monde, les belligérants n’ayant aucunement épargné les civils pendant toutes ces années de guerre. Selon la Mission d’Assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), mise en place en 2002 par le Conseil de sécurité pour renforcer la paix et la stabilité, « les victimes civiles sont majoritairement dues aux attaques des groupes armés, mais aussi aux frappes aériennes du gouvernement et des forces internationales ». Entre 1979 et 1989, le conflit opposant les forces armées de l’URSS et les Moudjahidines a fait plus d’un million de morts du côté afghan, dont une large majorité était des civils. Depuis le début du conflit américain en 2001, les civils sont régulièrement les victimes collatérales des opérations menées par les forces armées progouvernementales (afghanes ou internationales), notamment américaines. Les exemples sont nombreux comme le bombardement américain contre l’hôpital de Médecins sans frontières de Kunduz en 2015, ayant fait 22 morts, dont 12 membres du personnel. La MANUA a, par ailleurs, insisté sur le fait que les attentats commis par les talibans ou des membres de l’État islamique, les mines et autres engins explosifs « ont causé 40% des victimes civiles et sont devenus la première cause de mortalité et de blessures dues au conflit, devant les combats ». Selon l’ONU, l’année 2018 a atteint un record du nombre de victimes, dénombrant 3800 civils tués, dont 927 enfants, ce qui représente une augmentation de 11% par rapport à l’année 2017. Le bilan est lourd après quatre décennies de conflit : 32 000 civils tués et environ 60 000 blessés. Elles ont aussi provoqué le déplacement de millions de personnes en Afghanistan ou dans les États voisins, notamment au Pakistan ou en Inde. La succession de conflits a plongé le pays dans une extrême précarité et un retard de développementconséquent. Aujourd’hui, l’Afghanistan vit l’une des plus importantes crises humanitaires connues engendrant un besoin d’assistance humanitaire et de protection pour près de 10 millions de personnes. Un espoir de paix encore possible ? Depuis 2018, des processus de paix ont été engagés, notamment les pourparlers proposés en 2018 par le président afghan Ashraf Ghani aux talibans ; ils ont permis d’entrevoir les prémisses d’une sortie de crise après 40 ans d’instabilité. Depuis, un accord historique a été conclu à Doha le 29 février 2020 entre les États-Unis et les talibans, prévoyant le retrait progressif des troupes américaines et l’ouverture de négociations de paix avec le gouvernement afghan. Desnégociations internes ont également été menées entre le président Ghani et son rival Abdullah Abdullah, dans une énième tentative pour unir le pays autour d’un objectif commun : la paix. Néanmoins, la trêve a été de courte durée et la population a de nouveau été prise dans l’étau des violences. Ce mardi 12 mai, une attaque armée a été menée contre une maternité gérée par Médecins sans frontières faisant 23 morts dont des nouveau-nés, des mères et des infirmières. La MANUA tire, encore une fois, la sonnette d’alarme en rappelant que les négociations de paix doivent être entamées et un cessez-le-feu engagé pour éviter d’innombrables victimes civiles supplémentaires. Un espoir subsiste peut-être dans la reconnaissance des crimes commis par l’ensemble des parties au conflit et la prise en compte de la parole des victimes. Le 5 mars 2020, la Cour pénale internationale a autorisé l’ouverture d’une enquête sur les crimes de guerre et crimes contre l'humanité présumés commis en Afghanistan depuis 2003. Ignorées depuis 40 ans, les victimes du conflit peuvent peut-être entrevoir la fin de l’impunité et une voie vers la justice.



Blandine Maltese

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