« C’est l’objectif même du droit international humanitaire [d’établir] un équilibre pragmatique entre les nécessités militaires et les exigences d’humanités, afin de protéger les civils et les autres personnes touchées par un conflit armé […] ». Le 11 octobre 2021, lors de la 76e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, le Comité international de la Croix-Rouge a rappelé l’essence même du droit international humanitaire, face à l’intégration des nouvelles technologies comme outils d’action.
Le droit humanitaire encadre la conduite des conflits armés et vise notamment à protéger les personnes ne participant pas ou plus aux combats en réduisant les moyens et en limitant méthodes de guerre. Or, les nouvelles technologies influencent directement ces moyens et ces méthodes de guerre. Si elles peuvent avoir un effet positif et permettre de limiter les pertes humaines, elles peuvent également rendre difficile l’application des principes humanitaires de base, comme le principe de distinction entre les civils et les combattants.
Outils de reconnaissance et atouts tactiques
Les drones sont un exemple probant de ces nouvelles technologies de plus en plus utilisées dans les opérations militaires. La ministre des Armées française, Florence Parly, a souligné que ces dernières « apportent un avantage opérationnel indéniable » pour les unités sur le terrain. Elles permettent en effet de réduire le risque de pertes de vies humaines, l’envoi de troupes militaires pouvant être remplacé par des drones capables d’atteindre une cible précise. En octobre 2020, l’armée américaine a ainsi annoncé avoir tué un haut dirigeant d’Al-Qaïda dans une frappe de drone, dans le Nord-Ouest de la Syrie.
Les drones peuvent également être envoyés pour survoler des zones d’intervention afin de les cartographier et de connaître leur état en temps réel. Des drones avec caméras infrarouges sont par exemple utilisés par Handicap International afin de détecter la présence de mines et permettre aux démineurs de sécuriser les terrains en réduisant les risques pour leur propre intervention.
Toutefois, les bénéfices tirés de leur utilisation doivent être nuancés, puisque les drones ne disposent pas d’une précision sans failles et sont susceptibles de rendre plus difficile la distinction entre civils et combattants. Le 29 août 2021, dix civils afghans dont sept enfants ont ainsi été victimes par erreur d’une frappe de drone américaine qui visait une position de l’État islamique.
Les enjeux relatifs à l’apparition de nouvelles armes
Dans l’idéal, les nouvelles technologies devraient être utilisées pour réduire les risques encourus par les militaires se trouvant sur le terrain, ainsi que les populations. Elles soulèvent néanmoins de nombreux questionnements éthiques et juridiques.
Les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle sont ainsi à l’origine de l’apparition d’armes autonomes programmées pour agir sans intervention humaine. Les risques auxquels sont exposés les civils et combattant sont dès lors multipliés par ces systèmes de combat où « des décisions humaines de vie ou de mort » sont remplacées « par des logiciels et des machines ». Or, « les besoins militaires ne peuvent en aucun cas justifier l’emploi d’armes inhumaines qui frappent aveuglement ».
L’applicabilité du droit international humanitaire pourra également être déstabilisé par l’utilisation de systèmes d’armement létal autonomes. En effet, une difficulté se poserait quant à l’application des principes juridiques relatifs aux distinctions entre civils et combattants ainsi qu’à la détermination des participants directs au conflit armé.
Ces systèmes ne sont pas encore totalement opérationnels. Néanmoins au regard de la rapidité des progrès technologiques, les États doivent dès à présent réfléchir à l’encadrement strict de ce phénomène, comme l’a préconisé le Comité international de la Croix-Rouge lors de la 76e Assemblée des Nations Unies le 11 octobre 2021.
Les nouvelles technologies permettent également de moderniser des armes. La capacité d’emport des ogives nucléaires a par exemple été augmentée et les systèmes classiques, tels que les chasseurs bombardiers, ont été dotés d’armement nucléaire, créant alors un système dual plus offensif. Toutefois, les nouvelles technologies utilisées à ces fins peuvent également rendre ces armes plus vulnérables à des cyberattaques.
L’émergence de nouvelles pratiques militaires
De nombreux États se dotent de technologies numériques « à des fins militaires ». Dès lors, les cyberattaques, qui utilisent l’informatique pour paralyser les structures civiles et militaires d’un État sont en constante augmentation. Par exemple en décembre 2021, le Ministère de la Défense belge n’a pas pu fonctionner durant plusieurs jours suite à l’introduction d’un virus dans son système informatique. En 2010, le ver informatique Stuxnet avait causé la panne des systèmes de deux centrales nucléaires en Iran. Les autorités iraniennes avaient estimé qu’il s’agissait d’un acte de « leurs ennemis étrangers ». Certains États considèrent ainsi que ce type d’attaque sont des cyberguerres soumises au droit humanitaire.
Les hypothèses de guerres « extra-atmosphériques » sont également de plus en plus probables, comme en témoigne la récente interrogation sur les intentions de la Russie suite au tir d’un missile contre un ancien satellite. Le Secrétaire général de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), Jens Stoltenberg, a condamné cet « acte irresponsable », car les débris causés par le tir auraient pu atteindre le personnel de la Station spatiale internationale. Cela « démontre que l’espace est en train de devenir un champ de conflictualité comme un autre ».
Célia Combet
Image © - CICR [disponible ici].
Comments