« Chaque année, l’équivalent d’environ 100 milliards de dollars d’armes est échangé à travers la planète. 12 milliards de balles sont produites tous les ans. 175 millions d’armes légères et de petits calibres sont en circulation dans le monde. Ces armes circulent à travers le globe et se retrouve souvent entre de mauvaises mains. ». Ce bilan de l’ONG Amnesty International permet de visualiser l’importance des armes aujourd’hui. Les armes à feu sont un sujet qui divise. D’un pays à l’autre, d’une culture à l’autre, et même d’une législation à l’autre, chaque État a sa propre opinion sur la question. Également, leur utilisation amène à soulever une dichotomie importante quant à la détention et le port d’armes tant par des civils que par des forces armées, les réglementations n’étant pas les mêmes selon les États. Cependant, la capacité d’armement militaire d’un État ne doit pas être confondue avec la circulation des armes à feu dans le pays et dont les civils sont les propriétaires. Cette diversité d’opinions sur la question des armes se ressent notamment à travers les politiques des chefs d’États. Aux Etats-Unis, où le port d’armes est un droit revendiqué basé sur le second amendement de la Constitution américaine, le sujet divise les gouvernements successifs. Si Barack Obama a échoué dans sa tentative de relancer le débat sur les armes à feu dans le pays afin d’instaurer une législation plus restrictive, Donald Trump, quant à lui, s’est toujours fermement positionné comme défendeur du second amendement. Bien qu’il soit important de distinguer la politique interne d’un pays sur le sujet et sa politique d’exportation ou d’acquisition de matériel militaire, les Etats-Unis sont dominants dans les deux domaines. En effet, si plus de 300 millions d’armes à feu sont en circulation légale dans le pays, soit plus de la moitié de toutes les armes civiles circulant dans le monde, le pays se place également comme le plus grand exportateur d’armes au monde. Le commerce des armes à feu et les conflits armés Le rapport du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) du 9 mars 2020 rend compte d’un classement, sur les cinq dernières années, des plus grands exportateurs d’armes. Celui-ci indique que « sur la période 2015-19, les exportations d’armes des États-Unis sont supérieures de 76 % à celles du deuxième exportateur d’armes au monde, la Russie. ». Le rapport positionne également la France à la troisième place du classement avec 7,9 % des exportations mondiales « soit une augmentation de 72 % par rapport à 2010-14 ». Toutefois, la politique française d’armement, concernant les armes militaires, est vivement critiquée par l’opinion publique ainsi que les ONG en raison de la nature des contrats qu’elle signe. En avril 2013, les Nations Unies ont adopté le Traité sur le commerce des armes (TCA) afin de s’assurer que les armes exportées ne seront pas susceptibles de concourir à la violation du droit international des droits de l’homme ou du droit international humanitaire. Néanmoins, les États signataires, dont la France, ne sont pas toujours enclins à le respecter. Tel est le constat qu’il ressort de l’avis juridique du cabinet d’avocats Ancile, qui fait état de la position de la France dans le conflit au Yémen. En effet, la vente d’armes et la maintenance que la France opère avec des pays de la coalition y sont pointées du doigt – et plus précisément avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis – depuis 2015 puisque, malgré les nombreux avertissements dénonçant les violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme par les parties au conflit, la France maintient ses activités commerciales d’armement. Le commerce légal des armes n’est pas le seul à avoir un impact dans les conflits. Le journaliste d’investigation Iain Overton, dans son ouvrage Gun Baby Gun, fait référence à l’importance du commerce illégal des armes volées, ou fabriquées dans des usines clandestines, ou encore saisies lors d’affrontements entre factions rivales, qui sont ensuite expédiées dans les pays en conflit. La voie privilégiée de ces expéditions reste la voie maritime et selon les dires d’un fabriquant de la mer Noire « il faut être attentif quand des armes de petit calibre sont embarqués sur des bateaux. S’il existe un vol direct, il n’y a aucune raison de les faire voyager par la mer. ». Ainsi, s’il est possible de restreindre et contraindre la production et la vente des armes, il est bien plus difficile de suivre leur trajet. Les forces armées et les armes « La force militaire est synonyme d’armes – sans elles, pas d’armée ». Ce constat posé par Iain Overton met en exergue le lien indivisible entre les armes à feu et les conflits. Si le commerce des armes permet de fournir les forces armées étatiques comme les groupes armés non étatiques, ceux-ci sont en première ligne pour décider de l’impact de leurs armes sur le conflit. Avec 133 millions d’armes à feu pour toutes les forces armées du monde, il est évident que les conflits qui éclatent peuvent être particulièrement sanglants. Toutefois, si ce chiffre, qui ressort du projet de recherche indépendant Small Arms Survey, est plus bas que celui de 2011 qui estimait à 200 millions le nombre d’armes, cela ne signifie pas pour autant une diminution des stocks des armées, mais plutôt que la méthode d’estimation a changé, prenant en compte désormais des données plus récentes et excluant les organisations paramilitaires. La situation des conflits actuels est particulièrement paradoxale. Si le nombre de conflits augmente, il apparaît que la guerre tue de moins en moins. Ce n’est pas si contradictoire, dans la mesure où les conflits sont de moins en moins interétatiques, les belligérants sont de ce fait moins organisés, et moins armés. Cela ne signifie pas pour autant que les guerres sont moins violentes. Bien que les armes soient de plus en plus performantes, le système de santé l’est également, permettant de mieux soigner les victimes et, ainsi, d’obtenir un bilan humain au plus bas. En effet, si un soldat d’une armée relativement développée est touché par balle, il a de grande chance d’être évacué rapidement. Aujourd’hui, selon l’armée américaine, le taux de mortalité lié à un coup de feu est inférieur à 5% (sans prendre en compte la mortalité liée à des tirs à la tête). Toutefois, toutes ces affirmations ne sont pas à généraliser, dans la mesure où l’impact des armes dans les conflits diffère d’un conflit à l’autre. Joakim Kreutz et Nicholas Marsh, dans leur article « Lethal instruments : small arms and deaths in armed conflict », on estimé que 93% des décès, lors du conflit en République du Congo, étaient liés aux armes, et plus particulièrement à l’AK47. À contrario, en Ouganda, l’Armée de résistance du Seigneur privilégiait les couteaux et les massues dans le conflit. Les conséquences des armes sur les civils Au niveau mondial, ce sont 1 000 personnes qui seraient tuées par jour en raison des violences commises à l’aide des armes à feu. Lors de son discours en mars 2000, Kofi Annan, alors Secrétaire Général des Nations unies, dressait un portrait peu élogieux des armes à feu (ou armes légères) : « Les armes légères font infiniment plus de victimes que les autres types d'armes. La plupart des années, le nombre de morts attribuable à ces armes dépasse largement celui des victimes des bombes atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki. De fait, au regard des carnages qu'elles provoquent, elles pourraient être assimilées à des « armes de destruction massive » ». Si les armes ont un impact sur les forces armées, les civils font malheureusement souvent partie des dommages collatéraux. Dans certaines zones de conflit, le ciblage des civils par des groupes armés peut être une stratégie de guerre. Parfois, ces derniers sont également victimes d’attaques terroristes délibérées. Tel est le cas, par exemple, au Cameroun, où le conflit oppose le gouvernement aux milices séparatistes et durant lequel les conséquences sur les civils sont importantes. Le 25 février dernier, une nouvelle attaque faisait état d’au moins 21 morts dans le village de Ngarbuh, suite à l’exécution des habitants par des militaires. Une autre forme de conséquence des armes sur les conflits est également à déplorer : celle du phénomène des enfants soldats. Ce phénomène ne se limite pas au port d’armes par des mineurs, mais l’inclus généralement. Si certains enfants se retrouvent contraints, d’autre s’associent volontairement aux groupes armés pensant ne pas avoir le choix, ou parce qu’ils se sont laissés influencer par de fausses promesses. Il est évident que les enfants peuvent être particulièrement vulnérables et sont facilement influençables. Étant plus frêles qu’un adulte, il est plus facile pour eux de se défendre à l’aide d’une arme. Un AK47 est aussi mortel entre les mains d’un mineur que celles d’un adulte. Ils se retrouvent donc propulsés sur le théâtre de la violence, au cœur des armes à feu. Bien que le sujet ait été traité de manière non exhaustive, il est néanmoins possible de soutenir qu’une guerre sans arme n’est pas possible. L’encadrement des armes reste particulièrement compliqué, bien que des actions agissent en ce sens.
Marie Thomas
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