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  • Léa Ivoule-Moussa

L’IMPACT HUMANITAIRE DE PLUSIEURS DÉCENNIES DE CONFLIT EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

La République démocratique du Congo (RDC) est le quatrième pays le plus peuplé d’Afrique. Il connaît une crise humanitaire complexe et profonde, amplifiée au cours de l’année 2020. Ainsi, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, 19,6 millions de personnes auront besoin d’assistance et de protection en 2021 en RDC, contre 15,6 millions au début de l’année 2020. David McLachlan-Karr, coordinateur humanitaire en RDC note en effet que « les conflits armés continuent d’avoir un impact majeur sur une population déjà très vulnérable » et craint que la situation humanitaire ne s’aggrave « si l’aide n’est pas fournie rapidement pour répondre aux besoins fondamentaux des plus vulnérables ». Un budget estimé à 1,98 milliard de dollars sera nécessaire pour y répondre.




Depuis vingt-cinq ans, la RDC est plongée dans une crise politique et sécuritaire qui, encore aujourd’hui, constitue une menace sérieuse pour la paix et la sécurité internationales.

Des groupes armés sévissent tout particulièrement dans l’est du territoire congolais. Souvent manipulés par les États voisins tels que l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi, ils mènent des actions brutales à l’aide de machettes et d’armes lourdes, notamment contre la population civile. Ainsi, en 2020, 850 civils ont été tués dans les provinces d’Ituri et du Nord Kivu par les rebelles des Forces alliées démocratiques (ADF), originaires d’Ouganda.

La Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme, Michelle Bachelet, note à cet égard une hausse annuelle de 21 % des violations des droits humains en 2020, qu’il s’agisse de représailles, d’abus sexuels ou d’enlèvements de civils, dont des enfants. Une porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme a déclaré à cet effet qu’« étant donné la nature étendue et systématique de l’attaque dirigée contre la population civile, certaines violations des droits de l’homme documentées peuvent constituer des crimes contre l’humanité ».


Ces attaques ont provoqué des déplacements massifs de populations et la RDC est désormais le pays qui accueille le plus grand nombre de personnes déplacées au monde, après la Syrie. En effet, plus de cinq millions de déplacés internes et un million de congolais vivraient dans les pays voisins. Ce bilan est d’autant plus inquiétant que 50 % des personnes déplacées l’ont été au cours de l’année 2020.


Alors que de telles violences sont perpétrées à l’égard de la population civile, des évasions massives sont organisées par l’ADF. Aussi, le 20 octobre dernier, plus de mille détenus se sont échappés d’une prison en RDC, trois ans après l’évasion de 900 détenus d’une prison de Béni. Ces opérations commando viennent illustrer la pertinence des propositions faites par des experts internationaux sur la situation en RDC afin de lutter contre l’impunité des assaillants et de protéger les victimes. À ce titre, un rapport du Bureau conjoint des Nations unies pour les droits de l’homme publié en juillet 2020 et le rapport « Mapping » des Nations unies, publié dix ans plus tôt, soulèvent la nette insuffisance des moyens dont dispose le système judiciaire congolais pour faire face aux multiples crimes perpétrés. À cet égard, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés plaide pour un renforcement de la présence policière et des forces armées « pour améliorer la sécurité et traduire les responsables en justice ». Des réformes institutionnelles sont également proposées, notamment dans les secteurs de la sécurité et de la justice.


La pandémie de la Covid-19 comme facteur aggravant des crises existantes


Au-delà de la crise politique et sécuritaire, la RDC est au cœur d’une crise sanitaire d’une ampleur exceptionnelle. En 2020, la RDC a en effet essuyé deux vagues successives du virus Ebola, les dixième et onzième depuis la première apparition de ce virus sur le territoire en 1976. Elles sont considérées comme étant les « plus longues, les plus complexes et les plus meurtrières » dans l’histoire du pays. Elles ont été d’autant plus funestes qu’elles se sont déroulées dans un contexte sécuritaire particulièrement dégradé, le personnel médical constituant une cible importante des groupes armés.

À titre de comparaison, la Covid-19 « n’a même pas tué mille personnes ». Néanmoins, la pandémie a perturbé le système prévu pour les maladies évitables par la vaccination et pour les maladies tropicales négligées (MTN), habituellement faciles à traiter. En effet, si 600 millions de personnes sur le continent souffrent des cinq MTN les plus fréquentes, les ressources allouées initialement pour traiter ces dernières « ont été aspirées par la riposte » anti-coronavirus. Par ailleurs la crise de la Covid-19 a exacerbé l’insécurité alimentaire puisque près de 20 millions de personnes seront en situation d'insécurité alimentaire grave et aiguë entre janvier et juin 2021.


La gestion de ces crises sanitaires et alimentaire est d’autant plus complexe que les populations déplacées et réfugiées sont hébergées dans des campements surpeuplés et nécessitent un accès à l’eau, à un abri, aux services de santé ainsi qu’aux installations sanitaires. Or, l’insécurité et la faiblesse des infrastructures rendent difficile l’aide d’urgence à ces populations. De plus, ces infrastructures ne peuvent, en l’état, satisfaire durablement leurs besoins vitaux. S’il est donc nécessaire que l’aide humanitaire pour cette année soit financée, il est également primordial de trouver une solution de sortie de crise pour la région afin de permettre le retour des populations déplacées. En effet, selon Claude Ibalanky, « l’est [de la RDC] restera un champ de bataille où chacun réglera ses comptes tant que les tensions régionales ne seront pas apaisées ».


Léa Ivoule-Moussa

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