Contexte Dotée d’un long passé avec l’Ukraine, la Russie a fréquemment occupé ce pays, surtout l’Est et la Crimée, péninsule autonome qui confère un accès aux mers chaudes par la mer Noire. L’occupation de l’Ukraine permet également à la Russie d’avoir une zone tampon avec l’Europe, ce qui constitue un enjeu stratégique majeur pour les Russes. L’Est de l’Ukraine est majoritairement russophone, tandis que l’Ouest du pays est davantage influencé par ses voisins européens. Fin novembre 2013, un accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine était sur le point d’être signé, mais Viktor Ianoukovitch, alors président de l’Ukraine, a refusé l’accord et opté pour relancer un « dialogue actif avec Moscou ». La Russie lui offrait en effet un prêt de 15 milliards de dollars et des avantages commerciaux importants, aux fins d’obtenir l’adhésion de l’Ukraine à son Union douanière. Cette décision du président a provoqué un tollé chez les Ukrainiens pro-européens et l’opposition, laquelle a accusé le gouvernement d’avoir « vendu » l’Ukraine aux Russes. Pour protester contre le gouvernement, des centaines de milliers d’Ukrainiens ont occupé la place de l’Indépendance à Kiev, aussi appelée Maïdan. L’Euromaïdan (ces manifestations pro-européennes) a violemment été réprimé par la police pendant plusieurs mois (82 morts et 622 blessés en février 2014), mais a abouti à la fuite du président Ianoukovitch et à sa destitution le 22 février 2014. Division du pays Cependant, des habitants de la Crimée et de l’Est du pays ont refusé de reconnaître les autorités de transition mises en place à Kiev, et ont constitué un mouvement appelé anti-Maïdan. En mars 2014, la Crimée est occupée par une insurrection armée qui réclame le rattachement de la péninsule à la Russie. Un référendum est organisé, et 97% des votants ont exprimé leur volonté de voir la Crimée rattachée à la Russie. Ce référendum n’est pas reconnu par la communauté internationale. En avril 2014, à l’Est de l’Ukraine, les provinces de Donetsk et Louhansk (le Donbass) s'autoproclament comme Républiques populaires indépendantes, après une période de conflit entre armée ukrainienne et milices pro-russes. Des référendums d’autodétermination, qualifiés de « farces » par Kiev, sont réalisés. Leur déroulement a été critiqué par des journalistes internationaux, au vu du manque de garanties démocratiques. Ils n’ont pas été reconnus par la communauté internationale. Ces provinces ont elles aussi demandé leur rattachement à la Russie. Face à ces hostilités, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) a incité les belligérants à discuter pour mettre fin au conflit en Ukraine orientale. Le Protocole de Minsk de septembre 2014 et l’accord de Minsk II de février 2015 n’ont que peu été respectés par les belligérants, car Kiev craint que cette autonomie « n’ouvre la voie à une fédéralisation, donc à une implosion de l’Ukraine », tandis que Moscou souhaite garder la main sur la Crimée et le Donbass. Les combats ont ralenti après l’accord de Minsk II, se concentrant désormais sur une ligne de front située à l’Est du pays, mais « des regains de violence réguliers continuent d’alourdir le bilan ». En août 2019, quatre soldats ukrainiens sont tués dans des bombardements avec les séparatistes, et quatorze autres soldats ukrainiens ont perdu la vie le mois suivant. Une violence préoccupante Le conflit ukrainien n’est pas qu’une question de territoire ; derrière les mouvements pro-Maïdan et anti-Maïdan, des individus se trouvent exposés à une violence quotidienne. D’après les Nations Unies, le nombre de morts en février 2019 s’élève à 13 000, dont environ 3 300 civils. Il y aurait également un million et demi de déplacés depuis le début du conflit. Déjà en 2014, un rapport de l’ONU sur les régions séparatistes décrivait une « "détérioration alarmante" de la situation des droits de l'Homme ». Il dénonçait des « meurtres, tortures, passages à tabac, enlèvements, actes d'intimidation ciblés et quelques cas de harcèlement sexuel, pour la plupart perpétrés par des groupes antigouvernementaux bien organisés et bien armés dans l'est du pays », mais aussi en Crimée à l’égard des Tatars, une minorité musulmane vivant sur cette péninsule. L’ONG SOS Crimea dénonce régulièrement les nombreux emprisonnements politiques, ainsi que les disparitions mystérieuses de Tatars et d’opposants au régime. Autre élément tout aussi préoccupant, le nombre de viols et violences sexuelles. « La violence atteint des niveaux de gravité insupportable, [mais] elle demeure peu signalée et négligée par les autorités», dénonce le rapport Douleur silencieuse, publié en 2017 par la coalition d’ONG « Justice pour la paix dans le Donbass ». Véritable arme de guerre, les violences sexuelles sont pratiquées aussi bien par des forces pro-russes que par des forces pro-ukrainiennes, sur des soldats et des civils, hommes comme femmes. En 2016, alors que la coalition d’ONG « Justice pour la paix dans le Donbass » avait recensé plus de 200 victimes, « seulement sept enquêtes ont été ouvertes pour violences sexuelles en lien avec le conflit, dont 3 ont été closes pour manque de preuves ». Espoir d’une sortie de crise ? En décembre 2019, « après trois années de gel diplomatique » et plusieurs mois de négociations, Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky, président de l’Ukraine depuis avril 2019, se sont rencontrés pour la première fois à Paris afin de relancer le processus de paix. Les deux présidents ont trouvé des terrains d’entente (échanges de prisonniers, retrait de troupes…), mais des désaccords importants subsistent, notamment par rapport à la frontière. Le 18 février 2020, des combats sur la ligne de front ont tué un soldat ukrainien et blessé cinq autre. Volodymyr Zelensky a accusé les séparatistes de tenter de « faire échouer le processus de paix », tandis que Leonid Pasetchnik, leader de Louhansk, a dénoncé une « provocation sanglante de Kiev », ayant causé la riposte des séparatistes. Un nouveau sommet, très attendu, devrait se tenir en avril.
Lou Bassoni
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