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LA CRISE HUMANITAIRE AU SAHEL : LE MALI, LE NIGER ET LE BURKINA FASO AU COEUR DU CONFLIT

« C’est la crise humanitaire qui grossit le plus vite au monde », s’est alarmé Jan Egeland, le secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC), le 31 janvier à Paris, au cours d’une conférence de presse consacrée au Sahel. Cette déclaration souligne les défis auxquels le Sahel est confronté, étant le terrain de crises multiples et entremêlées qui ont entraîné une dégradation fulgurante de la situation humanitaire. Territoire bordant le sud du Sahara, le Sahel recouvre notamment le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad et réunit presque 100 millions d’habitants. Le Sahel reste toutefois l’une des régions les plus pauvres au monde et la moitié de la population n’a pas accès à l’eau potable. Depuis leur accession à l’indépendance dans les années 1960, des pays du Sahel, tel que le Mali, ont été confrontés à la violence armée du fait de l’instabilité politique et de coups d’État successifs. C’est au début des années 2000 que l’espace sahélien devint le théâtre de l’un des conflits armés les plus considérables en Afrique, opposant les États du Sahel à des groupes djihadistes. Suite à la guerre civile algérienne, ces rebelles islamistes algériens avaient décidé de s’implanter dans le désert sahélien, espace devenant ainsi l’une des branches les plus actives des mouvements issus d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Le Sahel central au cœur de la crise L’escalade des tensions a eu lieu en 2012 quand les djihadistes algériens ont prospéré militairement jusqu’à occuper le nord du Mali. Si l’intervention militaire franco-tchadienne Serval a permis de les empêcher d’étendre leur contrôle sur l’ensemble du pays, ces mouvements d’AQMI se sont implantés dans le centre du Mali, au Burkina Faso et à l’ouest du Niger, régions constituant le Sahel central. Face à la dégradation de la situation sécuritaire, le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad se sont regroupés en 2014 en une instance, le G5 Sahel, pour apporter une réponse politique coordonnée aux niveaux sécuritaires et développement. La communauté internationale a également intensifié ses opérations par la mise en place de l’opération Barkhane prenant la suite de l’intervention Serval. Menée par l’armée française et soutenue par les armées estoniennes et britanniques, elle lutte contre les groupes armés mais la situation continue de se dégrader au centre du Sahel. Le conflit au Sahel touche 20 millions de personnes vivant dans les régions touchées par le conflit et l’accroissement des violences djihadistes a favorisé l’émergence d’une crise humanitaire dans toute la région et ce par plusieurs facteurs. En effet, les violences armées à répétition ont des répercussions sur la sécurité et sur les services sociaux de base, privant les populations d’un accès adéquat à l’éducation et aux soins de santé. L’incidence des changements climatiques dans la région n’est pas négligeable non plus puisque les récoltes se font de plus en plus faibles et l’eau devient très rare. Cela a un impact direct sur des millions de personnes qui dépendent de l’agriculture pour survivre, influe sur l’économie de la région et maintient les populations dans un état de pauvreté et de famine extrême. L’ampleur du conflit actuel dépasse donc celle des autres crises de l’histoire du Sahel. L’intensité des violences perpétrées par les groupes armés contre les civils a forcé les populations à fuir. La violence et l’insécurité on atteint au Sahel central des « niveaux sans précédent » ces dernières années. Depuis 2018, le nombre d’incidents violents a atteint des niveaux 2 à 4 fois plus élevés qu’au plus fort de la crise malienne en 2013 et l’ONU estime même que le nombre de victimes a été multiplié par 5 depuis 2016. La dégradation de la situation humanitaire « Le monde ne réalise pas l’ampleur de la situation dans ces trois pays et surtout au Burkina Faso. C’est maintenant qu’il faut agir » s’inquiète Hervé Verhoosel, porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM), et à raison : en 2019, 5,1 millions de personnes avaient besoin d’assistance humanitaire au Sahel et 2,4 millions de personnes avaient besoin d’une aide alimentaire rien que dans le Sahel Central. La situation est particulièrement inquiétante au Burkina Faso, qui est dorénavant considéré comme l’épicentre de la crise, où les forces de l’ordre burkinabé, sous-équipées et mal entraînées, n’arrivent pas à faire face à la spirale de violences. L’année 2019 a ainsi été la plus meurtrière selon le Bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) : Mohamed Ibn Chambas parle d’au moins 4000 morts civils et militaires tués dans les attaques terroristes menées au Sahel central et ajoute que c'est le Burkina Faso qui déplore le plus de victimes. Le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI) au Burkina Faso s’est alors multiplié par 6 entre janvier et décembre 2019, passant de 90 000 à plus d’un demi-million, en plus des 25 000 personnes qui ont trouvé refuge dans d’autres pays. Au Mali, le nombre de PDI a atteint environ 100 000 personnes en 2019 et au Niger enfin, plus de 70 000 personnes ont dû fuir les violences. Les agences onusiennes et les ONG sur place se disent dépassées par l’accélération de la crise et rappellent régulièrement dans des communiqués le montant requis pour enrayer cette crise humanitaire au Sahel, en vain. À titre d’exemple, les plans de réponse humanitaire au Sahel central prévoyaient en 2019 un montant avoisinant les 602 millions de dollars pour aider 3,7 millions de personnes. En mai 2019, OCHA rapportait que le financement n’avait été que de 19% soit 117 millions, empêchant toute action effective d’aboutir. L’impact de la crise sur les enfants est aussi extrêmement important : en 2020, près de 5 millions d’enfants auront besoin d’assistance humanitaire au centre du Sahel selon UNICEF, chiffre en nette augmentation. Près d’un enfant sur trois n’est pas scolarisé dans les zones touchées par le conflit. Ils ont un besoin urgent de protection et de soutien : certains ont été tués, d’autres souffrent d’abus sexuels, sont devenus des migrants isolés et tous souffrent de malnutrition aiguë. Perspectives L’année 2020 marque également le 7e anniversaire de l’opération Barkhane au Sahel et le sommet de Pau du 13 janvier 2020 a permis de constater que cette opération ne parvenait plus à contenir la menace djihadiste. L’Élysée a ainsi annoncé l’envoi de 220 hommes en plus des 4500 déjà sur place. L’escalade des tensions et des besoins humanitaires au Sahel central illustre ainsi la situation préoccupante à laquelle l’ensemble de la région sera confronté en 2020, où la population menacée par l'insécurité alimentaire pourrait atteindre les 14,4 millions.


Mélanie Canovas

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