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LA CRISE HUMANITAIRE AU YEMEN : VERS UNE EVOLUTION DE LA SITUATION EN 2020 ?

L’émissaire pour le Yémen, Martin Griffiths, a affirmé cette année au Conseil de sécurité de l’ONU faire de « très bons progrès » pour atteindre un cessez-le-feu général dans le pays. Néanmoins, les rapports de plusieurs organisations internationales, ONG et journalistes sur le terrain semblent démentir une véritable amélioration des conditions de vie des Yéménites. Rappel des origines du conflit La situation actuelle que connaissent les Yéménites découle directement des dégâts de la guerre civile qui perdure au sein du pays depuis plus de six ans. Le conflit nait en 1990 au moment de la fusion entre la République démocratique populaire du Yémen (au sud) et la République Arabe du Yémen (au nord). En effet, malgré cette unification, les nombreuses oppositions politiques et revendications populaires ont fait naître deux mouvements divergents : le mouvement sécessionniste du sud ainsi que l’armée rebelle du nord (les Houthis). Le conflit débute réellement en 2014 lorsque le président Abd Rabbuh Mansur Hadi propose de réorganiser le territoire, suscitant un soulèvement chez les Houthis. La crise s’est accentuée en 2015 lorsqu’il a été forcé à l’exil à la suite de l’occupation du territoire par les rebelles. Au même moment, l’Arabie Saoudite a formé une coalition d’une dizaine de pays arabes afin de remettre le président au pouvoir. Ont alors débuté des affrontements réguliers entre les Houthis et les forces de la coalition saoudienne, plongeant le Yémen dans une crise humanitaire globale. Celle-ci a été aggravée par le blocus aérien, maritime et portuaire imposé par l’Arabie Saoudite empêchant presque tout ravitaillement et toute importation dans le pays. En 2020, le Yémen est toujours la « pire crise humanitaire » du monde En 2018, le Yémen, considéré comme l’un des Etats les plus précaires au monde, se plaçait déjà en 177ème position sur 189 pays au niveau de son indice de développement humain. En 2020, les chiffres ne s’améliorent pas. Selon l’Unicef, 24 millions de personnes - soit plus de 80% de la population - dépendent de l’aide humanitaire, estimations inchangées depuis 2019. Les causes de cette situation sont multiples. Premièrement, le blocus restreint l’approvisionnement de la population en nourriture - la malnutrition a ainsi augmenté de 10% au sein de la population et de 15,5% chez les enfants de moins de 5ans. L’Unicef a estimé qu’à la fin de cette année, 2,4 millions d’enfants seraient en situation de malnutrition, soit une hausse de 20% de la famine infantile. Le conflit impacte également le système éducatif puisque 2 millions d’enfants sont déscolarisés sur les 7 millions de Yéménites en âge d’aller à l’école. Cette déscolarisation massive s’explique en partie par les mariages précoces des jeunes filles, le travail des enfants et leur enrôlement dans les combats. En 2018, 2500 écoles avaient été endommagées, détruites, fermées ou réquisitionnées dans le cadre du conflit. D’autre part, l’accès à l’eau potable et aux soins est très limité. Selon l’Unicef, seul un tiers de la population a accès à l’eau courante et plus de 9 millions d’enfants n’ont pas directement accès à l’eau potable, l’assainissement et l’hygiène. De plus, le pays est l’une des premières victimes des épidémies de la dengue et du choléra, responsables de milliers de morts depuis 2018, la plupart de la population vivant dans des conditions insalubres. C’est également le cas pour les plus de 3 millions de personnes déplacées qui vivent dans des camps, lieux propices à la propagation de maladies. Cette situation sanitaire critique est accentuée par le fait de 50% des établissements de santé du pays sont fermés ou ne fonctionnent pas correctement. A cette situation déjà critique s’ajoute les retombées de la pandémie du COVID-19. Le 10 avril 2020, le pays déclarait son premier cas de contamination au coronavirus, et le 26 septembre, il annonçait 2034 cas confirmés et 588 décès. Sans la mise en place d’une aide humanitaire d’urgence, les Nations unies estiment que 55% de la population pourrait être contaminée par le virus. Les perspectives d’évolution de la situation En 2019, un accord a été signé entre le gouvernement du Yémen et les séparatistes du Sud du pays dans le but d’apaiser les tensions3. Le 29 juillet 2020, le Conseil de transition du sud a accepté de renoncer à sa déclaration d’autonomie et le gouvernement a proposé un plan d’action rapide pour le mettre en œuvre. Le premier ministre s’est engagé à former un nouveau gouvernement dans le respect des clauses de cet accord en vue d’instaurer un partage des pouvoirs équitable. Parallèlement, la coalition saoudienne a annoncé un cessez-le-feu et a accepté de démarrer des négociations avec les rebelles en vue d’une trêve. Le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres certifie que l’initiative de la coalition « peut aider à faire avancer les efforts de paix ainsi que la réponse du pays à la pandémie de Covid-19 ». En octobre, cela s’est illustré par l’un des plus importants échanges de prisonniers de guerre depuis le début du conflit entre Sanaa (ville dirigée par les Houthis) et Seyoun (ville dirigée par le gouvernement) : 681 rebelles et 400 membres des forces gouvernementales ont été relâchés. Toutefois, la situation sécuritaire ne s’améliore pas réellement puisqu’on recense encore 30 fronts militaires à travers le Yémen et les bombardements aériens perdurent12. De plus, l’ONU considère qu’une aide de 1,06 milliards de dollars est nécessaire pour la résolution de la crise au Yémen. Néanmoins, l’aide d’urgence prévue par le FMI (Fond monétaire international) d’ici 2022 reste insuffisante. Lise Grande, coordinatrice humanitaire pour le Yémen à l’ONU, rappelle la nécessité d’une évolution urgente de la situation. Elle considère que « si la guerre ne se termine pas maintenant, nous […] risquons de perdre toute une génération de jeunes enfants au Yémen ». La situation de millions de Yéménites repose désormais sur la mise en place urgente de mesures de paix et d’aides à travers tout le pays.



Mélody Coutherut

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