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Louise Poelaert

LA CRISE SANITAIRE EN INDE : L'IMPACT DE LA POLLUTION DE L'AIR

En 2018, un rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) a révélé que la pollution de l’air tue 7 millions de personnes par an, la plupart de ces décès survenant dans la région Asie-Pacifique. Une étude publiée par Lancet Planetary Health en décembre 2018 a, pour sa part, évalué à 1,24 million le nombre de décès dus à la pollution en Inde.

A New Delhi les habitants ne savent ni où ils sont, ni quelle heure il est. La ville la plus polluée au monde est cachée sous un épais brouillard de pollution atmosphérique qui désoriente les sens des delhiites. Chaque année, au début de l’hiver, la capitale de l’Inde se transforme en « chambre à gaz » lors des pics de pollution. En novembre, alors que le tribunal environnemental indien avait interdit l’utilisation de feux d’artifice à l’approche de la fête des lumières (Diwali) dans les villes les plus polluées d’Inde afin de limiter l’aggravation des risques pour la vie et la santé en période de COVID-19, cette interdiction a été peu respectée. En raison des fumées occasionnées par les feux d’artifice, au lendemain des festivités le service public SAFAR a déploré la gravité de la qualité de l’air.

Face à la dangerosité de la pollution atmosphérique, les Indiens craignent pour leur santé. Depuis plusieurs années, nombreux sont ceux qui manifestent pour défendre leur droit à respirer. Licypriya Kangujam, surnommée la « Greta Thunberg indienne », âgée de 8 ans, est déjà engagée dans la cause écologique. Comme de nombreux enfants indiens, elle dénonce l’inaction du gouvernement au sujet de l’environnement.


L’Inde, asphyxiée par la pollution, en état d’urgence sanitaire


Lors des pics, le niveau de pollution atteint jusqu’à trente fois le seuil de sécurité établi par l’Organisation Mondiale de la Santé. Le seuil d’alerte est le niveau de concentration de substances polluantes dans l’atmosphère au-delà duquel une exposition de courte durée présente un risque pour la santé de l’ensemble de la population mais également pour l’environnement. Ceci justifie la mise en place de mesures d’urgence.

Plus la qualité de l’air se dégrade, plus les habitants présentent de multiples symptômes, parfois très graves. Parmi ceux-ci, on peut mentionner les irritations oculaires, les toux chroniques ainsi que les gênes respiratoires. D’autre part, l’exposition aux particules fines sur le long terme accentue les risques de contracter une maladie cardio-vasculaire ou un cancer du poumon. Cette détérioration de la qualité de l’air s’explique par la combinaison de divers facteurs : l’humidité associée à l’absence de vent, les centrales alimentées au charbon, les émissions industrielles et automobiles ou encore le brûlage illégal de chaume qui permet aux agriculteurs de cultiver riz et blé sur la même parcelle. C’est pour ces raisons que les autorités ont déclaré l’état d’urgence sanitaire à New Delhi.


L’insuffisance des mesures gouvernementales dans la lutte contre la pollution


Des mesures exceptionnelles ont été prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, tels que la mise en place d’une circulation alternée en ville, la fermeture des écoles et l’arrêt des chantiers à Delhi. Aussi, le ministre de la santé a recommandé aux Indiens de manger des carottes pour réduire les effets néfastes de la pollution sur le corps. Ces mesures, considérées comme étant insuffisantes, montrent que les autorités sont dépassées par cette crise sanitaire de haute ampleur.

En dehors de l’état d’urgence sanitaire, aucune mesure concrète n’a été mise en place en Inde pour lutter contre la pollution de l’air. Le gouvernement se contente de simples promesses écologiques. Il annonce, par exemple, vouloir passer d’ici à 2030 à 100% de voitures électriques dans le pays. Or, il n’existe pas de station de chargement pour ces voitures dans les grandes villes indiennes et le transport privé motorisé ne représente qu’une infime partie des sources de pollution. Les autres rares mesures environnementales proposées par le gouvernement indien n’ont que très peu de chance d’atteindre leurs objectifs en raison d’un financement trop faible, tel est le cas du plan quinquennal annoncé en 2019. Ces carences politiques peuvent s’expliquer par l’absence de la question de la pollution lors des débats organisés durant les dernières élections législatives indiennes. En effet, il semblerait que la santé et l’environnement ne figurent pas dans les dix premières préoccupations de la population. C’est la grande différence avec la Chine puisque cet Etat, extrêmement pollué auparavant, a pris conscience des problèmes environnementaux et a décidé de les traiter en améliorant notamment la qualité de l’air. Par exemple, les objectifs fixés par le plan d’action national chinois de 2013 concernant la zone Pékin-Tianjin-Hebei ont été remplis permettant de réduire les émissions annuelles de particules fines de 25% en 2017. Aussi, pendant l’hiver 2016-2017, le gouvernement chinois a pu demander des réductions allant jusqu’à 50% de la production d’acier, d’aluminium et de ciment dans certaines villes, afin de limiter les effets néfastes des industries.

Les initiatives privées se révèlent être également importantes pour limiter les effets néfastes de cette crise environnementale et sanitaire. C’est en ce sens que les Indiens se tournent vers des bars à oxygène leur permettant de respirer un air pur. Également, des chercheurs ont conçu un système permettant de récupérer le carbone sortant des pots d’échappement afin de le transformer en encre, ce qui évite que le carbone rejeté ne se retrouve dans l’atmosphère et dans les poumons de la population.


Pollution atmosphérique et COVID-19 : une crise sanitaire et humanitaire


Selon une étude de la Société européenne de cardiologie, la pollution de l’air et l’augmentation des cas de COVID-19 participeraient fortement à la hausse du nombre de morts liée à la pandémie. Plus précisément, la pollution serait une des causes de l’augmentation des personnes touchées par le virus. Les personnes les plus pauvres étant davantage concernées par l’épidémie, on comprend aisément que cette crise, à priori environnementale, évolue en crise humanitaire.

En Inde, seulement 1% du PIB est consacré à la santé. Par conséquent, les infrastructures de soin sont largement insuffisantes dans le pays : on ne compte qu’un-demi lit d’hôpital pour 1000 personnes alors que l’OMS en recommande au moins 5. Logiquement, la réponse du système de santé indien à la crise sanitaire mondiale ne suffira pas et pourra même conduire à accroitre les inégalités socio-économiques et les discriminations sociales déjà existantes. D’abord, les habitants les plus pauvres vivant dans les bidonvilles ne peuvent pas respecter les distanciations sociales, puisque l’Inde compte plus de 400 habitants au kilomètre carré. Ensuite, la plupart des travailleurs indiens n’ont pas de contrat de travail et ne pourront pas accéder aux aides gouvernementales. D’autre part, pour éviter la famine et le risque de contamination, les travailleurs migrants se trouvant en Inde ont décidé de rentrer à pied dans leur village. Toutefois, ce grand exode urbain de plusieurs centaines de kilomètres sous le soleil, sans eau et sans nourriture, a provoqué la mort d’une partie d’entre eux.

Avec les mesures de confinement, l’air est devenu plus pur en Inde. En particulier, la présence de particules fines n’a jamais été aussi faible depuis 2015 à New Delhi. Des conséquences positives ont également été observées sur l’environnement puisque les habitants du Punjab ont pu voir l’Himalaya à plus de 160 kilomètres, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps. Des efforts sont possibles pour améliorer la situation sanitaire en Inde mais un confinement temporaire est-il seul capable de remédier à la pollution structurelle que connait le pays.

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