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LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE : L'INTENSITÉ DE LA CRISE HUMANITAIRE

« La République centrafricaine (RCA) est la 3e plus grande crise humanitaire au monde après le Yémen et la Syrie ». Cette déclaration d’Hervé Verhoosel, porte-parole du Programme Alimentaire Mondial (PAM), reflète l’ampleur de la crise au sein du pays. Pourtant, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) rappelle que la RCA reste l’une des crises les plus oubliées et les plus sous-financées au monde, alors même que les besoins de la population sont immenses. Les origines de la crise La RCA n’a jamais réellement connu la paix depuis l’obtention de son indépendance, le 13 août 1960. Elle a connu des coups d’État successifs et l’instabilité politique. Suite au renversement du pouvoir de François Bozizé en 2013 par une coalition rebelle du Nord-Est du pays de religion musulmane se sentant délaissée par le pouvoir central (la Séléka), les affrontements interreligieux se sont mués en véritable guerre civile. La Séléka a commis de multiples exactions : pillages, tueries, violences envers la population ce qui a poussé des factions adverses de confession chrétienne à s’opposer violemment à elle, les anti-Balaka (anti-machettes). Ces milices veulent accéder au pouvoir et contrôler les ressources agricoles et minières du pays, la RCA restant toutefois un des pays les plus pauvres au monde. Les affrontements armés entre les anti-Balaka et les ex-Séléka ont des conséquences désastreuses pour les civils et cette insécurité croissante a conduit dès la première année du conflit à la mort de 3 000 de civils et au déplacement de centaines de milliers de personnes. Dès fin 2013, l’opération militaire française Sangaris est menée pour « mettre fin à un cycle d’exactions et empêcher un désastre humanitaire ». Après trois ans, la mission s’est achevée sur un bilan mitigé où elle a certes permis d’arrêter les massacres de masse mais elle n’a pas maîtrisé les groupes armés et ramené la paix sur le territoire. Depuis 2014, l’ONU est également présente sur le terrain sous la forme de la MINUSCA pour aider à stabiliser la situation. Les conséquences de la crise La population de la RCA avoisine les 5 millions d’habitants et en 2018, plus de la moitié de la population avait besoin d’une aide humanitaire. Si le pays s’est enlisé dans la crise humanitaire, c’est parce que sa situation a sombré dans l’oubli et que les fonds sont systématiquement redirigés vers d’autres crises d’envergure au sein de la région. À titre d’exemple, en 2016, le HCR publiait son Plan d’intervention régional en faveur des réfugiés en RCA et estimait que sur l’aide demandée permettant protection et assistance des Centrafricains, seuls 25% des fonds ont été reçus, empêchant d’apporter l’aide humanitaire nécessaire. L’ampleur du conflit actuel dépasse donc celle des autres crises de l’histoire de la RCA. L’intensité des violences perpétrées par les groupes armés contre les civils a contraint la population à fuir. On dénombre désormais un quart de la population (soit presque 1,2 million de personnes) déplacée à l’intérieur du pays (à raison de 600 000 personnes) ou réfugiée dans les pays voisins (plus de 593 000 réfugiés au Cameroun, au Tchad et en RDC). La crise a ainsi une incidence sur les pays voisins puisque la présence de réfugiés exerce une pression sur les communautés locales d’accueil et leurs ressources déjà très limitées. Pourtant, ces personnes déplacées ont tout laissé derrière elles pour fuir les violences et dépendent uniquement de l’aide humanitaire pour survivre. Soulignant certains des besoins les plus fondamentaux, Liz Ahua, coordinatrice régionale du HCR en RCA a déclaré : « Nous avons besoin de fonds pour prévenir la malnutrition chez les enfants, pour gérer les écoles, pour mettre en place des systèmes d'assainissement adéquats et pour fournir de l'eau potable, et pour veiller à ce que les familles aient un abri au-dessus de leur tête ». En juin 2019, le PAM estimait ainsi à plus de 1,8 million les Centrafricains en situation d’insécurité alimentaire sévère. Les affrontements armés privent la population de l’accès aux cultures agricoles et la nourriture se fait donc extrêmement rare et très chère dans un pays où 53% du PIB national est assuré par l’agriculture. Suite à la crise, le bouleversement des marchés s’est donc inévitablement traduit par une hausse des prix des denrées alimentaires mais surtout à une grave pénurie de semences due aux pillages. De plus, l’accès aux soins de santé est parmi les plus limités au monde : seuls 7,3 médecins comptés pour 10 000 habitants et un taux de vaccination si faible qu’il favorise le risque d’épidémies. Même, les médecins dépêchés sur place par Médecins sans Frontières ainsi que les travailleurs humanitaires sont la cible des groupes armés tout comme les établissements de soin. Cette insécurité du personnel médical et des patients entrave l’accès à l’aide humanitaire car le personnel déserte les hôpitaux et les blessés n’osent plus se rendre dans les structures médicales par peur d’être visés par les groupes armés. L’impact de la crise sur les enfants est important. 2,3 millions d’entre eux ont été touchés : certains ont été tués, d’autres sont devenus des migrants isolés, ou encore privés d’une éducation ou enrôlés dans des groupes armés afin d’obtenir nourriture et protection. Néanmoins, ils n’en auront aucune et seront même victimes de viols et d’abus sexuels par les membres des milices. Et maintenant ? Un dialogue politique a permis la signature d’un accord de paix le 6 février 2019 entre le gouvernement centrafricain et 14 groupes armés à Khartoum. Bien que cet accord doive conduire à la stabilisation du pays, il a été entaché par le massacre de 26 civils le 21 mai 2019 par le groupe 3R, groupe signataire de l’accord de paix. Cet accord est le huitième à intervenir depuis le début de la crise en 2013 et, jusqu’à maintenant, aucun d’entre eux n’ont abouti à un retour de la stabilité dans ce pays dont le territoire est toujours contrôlé à 80% par des groupes armés. Cet accord de paix semble tout de même être bénéfique puisque sa mise en œuvre permet d’offrir aujourd’hui dans deux préfectures du pays « une certaine stabilité qui encourage certaines familles de réfugiés à opter pour la solution durable qu’est le rapatriement volontaire librement consenti », selon le représentant du HCR au Cameroun, Kouassi Lazare Etien. C’est l’Accord tripartite signé le 29 juin 2019 par le Cameroun, la RCA et le HCR qui rend possible ce rapatriement volontaire des réfugiés centrafricains. Ainsi, le premier convoi est parti du Cameroun le 23 octobre 2019 avec 410 personnes. Même si des progrès substantiels ont été accomplis, la situation en RCA demeure très préoccupante et le pays reste confronté à de nombreux défis avant d’espérer sortir un jour de cette crise humanitaire.


Mélanie Canovas

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