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LA SITUATION HUMANITAIRE AU CONGO : UNE CRISE PRÉOCCUPANTE

Iness Segura

Depuis une vingtaine d'années, la République démocratique du Congo (RDC) fait face à une crise humanitaire complexe qui s'intensifie et est marquée par des conflits armés, des déplacements massifs de populations, une insécurité alimentaire croissante et des défis sanitaires majeurs.


Ces multiples crises ont abouti à ce que plus d’un quart des Congolais.es ne parviennent plus à manger à leur faim. Sur plus de 100 millions d'habitants, il y a en effet 1 personne sur 4 qui souffre d'insécurité alimentaire et plus de 7 millions de personnes qui ont été déplacées en raison de violences. En outre, plus des deux tiers des personnes déplacées vivent dans des familles d’accueil. Environ 6,4 millions de personnes ont besoin de soins nutritionnels et 26,4 millions sont en état de crise alimentaire. Tous ces facteurs interagissent pour créer une situation désastreuse, touchant particulièrement les plus vulnérables : les enfants, les femmes, les personnes âgées et les communautés isolées.


Site de déplacement dans la province du Nord-Kivu


Le contexte de crise humanitaire

La République démocratique du Congo est en proie à des conflits armés depuis des décennies. La source la plus importante de cette crise est le conflit du Kivu. Ce dernier est caractérisé par des conflits armés qui se succèdent depuis la fin de la deuxième guerre du Congo en 2003. Il oppose les forces armées de la République démocratique du Congo aux groupes armés locaux dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. En complément, des tensions ethniques, politiques et économiques subsistant dans d’autres régions ont éveillé les groupes armés, y compris des milices locales et des rebelles étrangers.


Les causes des conflits sont multiples et incluent la gestion des ressources naturelles, les rivalités ethniques, ainsi que la mauvaise gouvernance et les luttes pour le pouvoir. Désormais, ces groupes armés mènent des attaques contre les civils, exacerbent les violences sexuelles et perturbent dangereusement l'accès humanitaire.


Des déplacements massifs inquiétants

L’un des aspects les plus dramatiques de la crise humanitaire est la situation des personnes déplacées. En RDC, plus de 7,3 millions de personnes sont déplacées à l'intérieur du pays, chiffre qui continue d'augmenter à mesure que les conflits et les attaques militaires perturbent la vie des citoyens de manière quotidienne.


De plus, les multiples violations des droits de l'Homme ainsi que les violences notamment sexistes persistent. Les personnes déplacées vivent dans des conditions précaires, dans des camps surpeuplés ou dans des zones rurales où l’accès aux services de base (éducation, soins de santé, eau potable) est extrêmement limité. De plus, l’accès à ces zones étant extrêmement dangereux, les aides humanitaires ont beaucoup de mal à passer afin de venir en aide à la population congolaise.


« J'ai rencontré des enfants qui ont survécu à l'horreur de l'enrôlement et de l'utilisation par des groupes armés et au traumatisme indescriptible de la violence sexuelle - des atrocités que personne ne devrait subir, et encore moins des enfants » (Sheema Sen Gupta, directrice de la protection de l'enfance à l'UNICEF, au cours d'une mission d'une semaine en RDC)


Une importante crise alimentaire

La situation alimentaire au Congo est des plus préoccupante. Environ 27 millions de Congolais.es souffrent de la faim en raison de l’instabilité persistante et des difficultés économiques. Le pays fait face à une insécurité alimentaire généralisée, avec des régions entières confrontées à des pénuries de nourriture, exacerbées par les déplacements massifs de populations et la destruction des ressources primaires du pays (comme par exemple les terres agricoles, ou encore les récoltes qui ont été pillées ou détruites dans des combats ou lors des déplacements importants de la population).


Plus de 13 millions de personnes se trouvent en situation d’insécurité alimentaire extrême et plus de 5 millions ont été contraintes d’abandonner leur foyer, provoquant ainsi la plus importante crise de déplacement en Afrique. Les enfants sont particulièrement vulnérables à la malnutrition aiguë. Selon les Nations Unies, près de 2 millions d'enfants de moins de cinq ans en souffrent, ce qui compromet leur développement et leur survie.


Les défis sanitaires

La situation sanitaire en RDC est également alarmante. L’accès aux soins de santé est limité, et de nombreuses infrastructures médicales ont été endommagées ou ne sont plus fonctionnelles à cause des conflits. 


Des épidémies telles que le choléra et la rougeole se propagent facilement dans les camps de déplacés où les conditions d’hygiène sont précaires. L’épidémie d’Ebola, bien que maîtrisée dans certaines régions, reste une menace récurrente. En effet, le pays doit affronter la deuxième épidémie d’Ebola la plus grave au monde, après celle qui avait touché l’Afrique de l’Ouest en 2014, faisant plus de 11 000 morts. Depuis le début de l’épidémie en août 2018, le virus s’est propagé de 4 à 19 zones sanitaires à l’est de la RDC (régions du Nord-Kivu).


Sa cause principale reste les déplacements massifs de personnes et la faiblesse du système de santé causée par des attaques sur les infrastructures de santé, comme les hôpitaux et les cliniques, réduisant les capacités de réponse face à des épidémies. Également, les maladies liées à l'eau contaminée restent des problèmes majeurs de santé publique. 


Les efforts pour lutter contre ces épidémies sont entravés par le manque de moyens, le manque d'infrastructures et l'insécurité qui empêche souvent les équipes de santé de se rendre dans les zones affectées. En effet, des groupes armés pillent les stocks alimentaires ou attaquent les travailleurs humanitaires. Selon le rapport sur les besoins humanitaires en 2022, aucune amélioration de la situation humanitaire n’est anticipée pour les années 2023 et 2024. La communauté humanitaire concentrera ses efforts sur les zones où les niveaux de vulnérabilité sont les plus élevés, en particulier dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du Tanganyika.


Les solutions envisagées

Les acteurs humanitaires, tant nationaux qu'internationaux, interviennent dans ces situations d’urgence. En 2024, l’Union européenne a alloué 63,75 millions d’euros d'aide humanitaire initiale pour répondre aux besoins immédiats des plus vulnérables en RDC. La communauté européenne a en effet mis en place un Plan de réponse humanitaire pour permettre aux agences des Nations Unies et aux organisations non gouvernementales nationales et internationales de fournir une assistance à 8,7 millions de personnes.


La plupart des projets humanitaires financés par l'Union européenne viennent en aide aux populations vulnérables dans l'est du pays, où le conflit persiste.


Des organisations telles que Médecins du monde, la communauté ONG Care France, ainsi que de nombreuses organisations non gouvernementales locales sont présentes sur le terrain pour fournir de l'aide alimentaire, des soins médicaux, des kits d’hygiène et des abris. Cependant, l'ampleur de la crise et l’instabilité des régions affectées rendent l’aide insuffisante et parfois inefficace.


Conclusion : un manque d’action global

La situation humanitaire au Congo reste une des crises les plus sévères au monde. Le manque de financement et l’accès limité aux zones de conflit sont des obstacles majeurs. De plus, la politique interne et les tensions géopolitiques compliquent les efforts de paix et de reconstruction. Malgré les initiatives de paix lancées, ces dernières peinent à mettre fin aux violences et à rétablir l’ordre dans certaines régions où les conflits persistent.


Face à cette situation complexe, la communauté internationale doit renforcer ses efforts pour soutenir les populations touchées. En effet, des solutions sur le long terme pour la reconstruction des infrastructures de santé et d’éducation, et un soutien renforcé aux efforts de médiation et de paix doivent être prises d'urgence. De plus, une attention particulière doit être accordée aux droits des femmes et des enfants, souvent les plus affectés par la violence et la privation. En effet, les dernières données font état d’une augmentation de 41% du nombre de violations graves vérifiées à l’encontre d’enfants au cours du premier semestre de 2023 par rapport à l’année 2022 à la même période. Aussi, des femmes meurent fréquemment à cause de maladies liées à la grossesse. Une amélioration de la gouvernance en RDC est donc essentielle pour mettre fin aux conflits et aux persécutions des groupes armés, tout en créant un environnement plus stable pour les civils.


Iness Segura


Image © - HCR / Guerchom Ndeb

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