La République du Burundi, pays d’Afrique de l’Est, est en proie à de nombreuses crises, lesquelles faisant partie des crises humanitaires les moins médiatisées en 2020, et ce, depuis quatre années consécutives. Seuls 429 articles ont eu pour objet la situation burundaise en 2020, alors même qu’une grave crise politique touche le pays depuis le 26 avril 2015. Le Burundi avait déjà connu une guerre civile entre 1993 et 2006 faisant des centaines de milliers de morts. Pierre Nkurunziza, qui incarnait un pouvoir de « terreur et de prédation » depuis 2005, avait été réélu en 2010 et avait annoncé sa candidature pour un troisième mandat lors des élections du 26 avril 2015. Cette nouvelle candidature avait suscité une vive opposition au sein du pays, faisant au moins 1200 morts et causant la fuite de plus de 500 000 Burundais. La mort du Président Nkurunziza le 8 juin 2020 a été suivie de l’arrivée au pouvoir d’Évariste Ndayi-shimiye. La situation semble s’être améliorée sur le plan sécuritaire, « il n’y a en effet plus de manifestants dans la rue ni de crépitements d’armes » mais de nombreux défis demeurent, et ce malgré les avancées positives, notamment sur le plan sanitaire. Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a ainsi souligné « qu’il reste encore beaucoup à accomplir pour faire avancer la réconciliation nationale, la promotion de l’État de droit et d’un système judiciaire indépendant et efficace » mais également « la préservation de l’espace démocratique et le respect des libertés fondamentales ».
Une crise sécuritaire assortie de violations des droits de l’Homme : la continuité d’une pratique initiée par l’ancien régime ?
Au 5 décembre 2020, le Conseil de Sécurité prenait note de l’amélioration des conditions sécuritaires au Burundi dès lors que l’élection d’Évariste Ndayi-shimiye s’était déroulée de façon « globalement pacifique ».
Plusieurs constats permettent néanmoins de mettre en balance l’amélioration manifeste de la situation au Burundi avec la persistance de nombreuses problématiques. Dans un premier temps, des conflits subsistent au sein même du gouvernement entre le Président et son Premier Ministre, Alain-Guillaume Bunyoni. Le CNDD-FDD, parti au pouvoir, est en effet composé d’un courant modéré auquel appartient le Président et d’un courant plus radical auquel s’identifie son Premier Ministre. Alors que le Président a énoncé sa volonté de renouer les relations internationales, après que l’ancien gouvernement ait mis fin à la quasi-totalité de ses engagements internationaux qui concernaient les droits humains, le Premier Ministre est parvenu à freiner, voir entraver, certaines des initiatives du Président. Pour certains, les conséquences d’une telle rivalité « risqueraient d’être dévastatrices pour le Burundi ».
De surcroit, les violations continues des droits de l’Homme, telles que les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, les arrestations et détentions arbitraires, la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants, affectent les conditions de sécurité au Burundi depuis la crise politique de 2015. Pour Amnesty International, le Président doit mettre fin à l’impunité face à ces violations imputables principalement à la police, au Service national de renseignement (SNR) et à la branche jeunesse du parti au pouvoir, les Imbonerakure. Il s’agirait notamment d’identifier et de sanctionner les responsables de ces violations. Le Premier Ministre fait d’ailleurs partie des dirigeants contre lesquels la Cour pénale internationale a ouvert une enquête pour soupçons de crimes contre l’humanité commis lors de la répression des manifestations en 2015. Il conviendrait également de révéler le sort des victimes de disparition forcée, de libérer les prisonniers et prisonnières d’opinions, ce que le gouvernement n’a que trop timidement envisagé.
Ainsi, pour la Commission d’enquête des Nations Unies sur le Burundi, « la situation actuelle au Burundi est trop complexe et incertaine, pour pouvoir parler d’une véritable amélioration ». Certaines lacunes peuvent encore être constatées s’agissant, par exemple, des enquêtes devant être menées par l’État dans le cadre des disparitions forcées, conformément à Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, à laquelle le Burundi est partie. En outre, de nombreux journalistes et défenseurs des droits de l’Homme continuent de faire l’objet de condamnations à perpétuité, et des membres du parti d’opposition continuent d’être arbitrairement arrêtés et détenus.
Par conséquent, s’agissant de l’insécurité et des violations des droits de l’Homme, une continuité peut être observée entre les deux régimes Le 4 juin 2021, le nouveau Président a d’ailleurs promulgué une loi octroyant à Pierre Nkurunziza le statut de « guide suprême du patriotisme », ce qui est considéré comme « une insulte au peuple burundais » par certains membres de la société civile qui considèrent ce dernier comme un « tyran ».
L’existence d’une crise sanitaire de grande ampleur
La République du Burundi fait face à une situation sanitaire extrêmement précaire et garantir un accès suffisant à la santé constitue l’un des nombreux défis du pays. Alors que la pandémie actuelle liée à l’arrivée du virus de la Covid-19 a fragilisé l’ensemble des pays du monde, le Burundi fait encore face à la circulation de multiples maladies. Le 22 janvier 2021, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a alerté sur la situation au Burundi. En effet, depuis le 1er janvier 2019, le Ministère de la Santé du Burundi a, en s’appuyant sur les chiffres émis par le Bureau de coordination des affaires humanitaires, signalé près de 6 millions de cas de paludisme (sur une population totale d'environ 12 millions), avec plus de 1 800 décès. En 2015, le pays déclarait une épidémie de choléra. En août 2019, le virus d’Ébola atteignait la province du Sud-Kivu, à la frontière du Burundi. Enfin, au 31 mars 2020, le pays annonçait ses premiers cas de Covid-19.
Les causes d’une telle crise sanitaire sont multiples : un faible recours aux mesures préventives mais aussi « le manque de ressources humaines, de ressources logistiques et financières pour une réponse efficace ». Pourtant, début 2020, plus de 6,8 millions de moustiquaires ont été distribuées dans les 46 districts du pays avec le soutien du gouvernement du Burundi, du PNUD, du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (le Fonds mondial), de l'UNICEF et de l'USAID pour lutter contre le paludisme.
Si garantir l’accès à la santé semble donc être primordial dans un pays où les épidémies se multiplient, les autorités burundaises avaient pourtant refusé de déclarer une épidémie de paludisme en 2019. Marc Gastellu-Etchegorry, ancien Secrétaire Médical International chez Medecins Sans Frontières (MSF), explique que « reconnaître une épidémie est quelque chose qui peut-être gênant pour un État compte tenu des répercussions que cela peut avoir ». Le nouveau Président a lui fait de la lutte contre le Covid-19 une priorité dans le cadre de son mandat. Cependant, le 30 juin 2020, celui-ci avait procédé à la stigmatisation des personnes atteintes de la Covid-19 en considérant que « les personnes qui présentaient des symptômes mais refusaient de passer le test seraient considérées comme des sorciers et traitées aussi sévèrement ».
Vers une amélioration de la situation au Burundi ?
Le Burundi fait état de plusieurs améliorations depuis l’élection de son nouveau Président. Pour Huang Xia, l’envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU au Burundi, le fait que le Burundi ait pu accueillir un événement aussi important que la dernière réunion du Comité consultatif chargé des questions de sécurité en Afrique centrale « est un signe encourageant du retour du Burundi sur la scène régionale que la communauté internationale ne peut que saluer ». En matière sécuritaire, de nombreux défis demeurent mais certains progrès ont été soulignés sur la scène internationale comme la libération par les autorités burundaises des détenus, les mesures prises pour lutter contre l’impunité ou encore les progrès réalisés concernant certains aspects de l’égalité des genres et de l’autonomisation des femmes. Cette avancée notable « suffit pour dire que les choses ont changé au Burundi depuis le 26 avril 2015 » selon Gabriel Bazawitonde, le président du parti de jeunes Alliance pour la paix, le développement et la réconciliation.
Cela ne semble néanmoins pas suffisant. Pour Lewis Mudge, Directeur pour l’Afrique centrale chez Human Rights Watch, « le gouvernement devrait aller au-delà des gestions symboliques de bonne foi » et s’attacher à reformer « le système de répression » mis en place par l’ancien gouvernement. L’ensemble de ces problématiques inquiètent la scène internationale et notamment les États membres de l’Union Européenne qui continuent de s’interroger sur leur relation avec le Burundi, en raison des nombreuses violations des droits de l’Homme. C’est pourquoi, malgré le départ de Huang Xia du Burundi ce 31 mai 2021, l’ONU continuera d’apporter sa contribution à la consolidation de la paix, à la réconciliation nationale et au développement durable.
Victoria Hernandez - Andreu
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