top of page
Margot Pfrimmer

LA VIOLATION DES DROITS HUMAINS AU SERVICE DES AMBITIONS STRATÉGIQUES DU RÉGIME NORD-CORÉEN

Dernière mise à jour : 15 mars 2023

« Mon enfance en Corée du Nord a été terrifiante. C’était comme vivre dans un film d’horreur. », tels sont les mots prononcés par HanByeol Lee, une native nord-coréenne ayant fui son pays en raison de la persécution et l’oppression qu’elle y a vécues. Elle a décidé de se battre pour le respect des droits de l’Homme en Corée du Nord, aujourd’hui considéré comme l’un des États les plus répressifs au monde. Kim Jong Un, actuel dirigeant suprême de la Corée du Nord, a su mettre en œuvre des mécanismes de torture, de privations de liberté et de propagande lui permettant d’assujettir son peuple. Le rêve semble accompli puisque sa population lui voue un véritable culte, duquel découle une obéissance absolue motivée par la terreur. L’État use constamment de la propagande et de la censure comme instruments de l’endoctrinement totalitaire : tandis que l’un orchestre le bruit de ce qui doit être su, l’autre enterre dans le silence ce qui doit être tu.


Manifestations contre le sommet intercoréen du 27 avril, lorsque le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un et le président sud-coréen Moon Jae-in se sont rencontrés à la frontière.

Bien que la Corée du Nord ait ratifié plusieurs traités relatifs aux droits de l'Homme – tels que la Charte des Nations Unies, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et celui relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), ou encore la Convention relative aux droits de l'enfant – les atteintes aux droits fondamentaux des Nord-coréens et les discriminations à leur encontre sont telles que le pays vit dans une crainte permanente. Conjointement à une double crise épidémique et alimentaire, les citoyens, en particulier les plus vulnérables, subissent d’innombrables exactions commises par le régime telles que la détention arbitraire ou le trafic d’êtres humains. Certaines personnalités assimilent cette sombre répression à une lente extermination de masse cachée des yeux du monde. La violation des droits est absolue et systématique : elle concerne l’intégralité des droits civils et politiques tels que les libertés d’expression, d’association de conscience et de religion, et certains droits économiques et sociaux comme les droits à l’alimentation et à la santé pleinement accomplis. La population tente de survivre, souvent dans des conditions de vie et de travail particulièrement précaires.


Ce sont les droits de la personne humaine qui, pourtant reconnus comme inaliénables et universels par de nombreux États, font l’objet des plus graves violations. La répression de la dissidence implique la prohibition absolue et la condamnation de tout acte visant à critiquer le régime, voire le simple fait d’user et promouvoir des produits issus de la culture occidentale. Toute personne enfreignant la Loi sur la dénonciation de la pensée et de la culture réactionnaires de 2020 est passible de lourdes sanctions pouvant se traduire par du travail forcé, sans distinction d’âge, dans des camps accablés par la famine.


La Corée du Nord dispose d’un système de détention provisoire et d’interrogatoire dans lequel les violations de procédures, la torture, les violences sexuelles et les punitions arbitraires sévissent. Les prisonniers rescapés évoquent un système carcéral violent, cruel et dégradant, dans lequel les conditions de détention sont particulièrement insalubres et dangereuses. Les prisonniers, alors perçus comme des êtres inférieurs, sont soumis à une multitude de traitements cruels, inhumains et dégradants infligés dans les centres de détention provisoire et d’interrogatoire. Ces derniers « vivent » dans une atmosphère de souffrance mentale et physique grave et incessante, faite d’actes de torture et d’humiliation. En 2021, le Bureau des droits de l'homme de l’ONU affirmait que les actes de torture, le travail forcé et les violences psychologiques perpétrés dans les centres de détentions constituent de « possibles crimes contre l'humanité ». De plus, le non-respect des procédures régulières atteste à la fois de la politisation de la justice pénale et de la fragilité du cadre légal et institutionnel censé encadrer le système carcéral.



« Les prisonniers, alors perçus comme des êtres inférieurs, sont soumis à une multitude de traitements cruels, inhumains et dégradants infligés dans les centres de détention provisoire et d’interrogatoire. »



La torture est une méthode de coercition et de punition très fréquente en Corée du Nord : elle accable toutes les strates de la population en cas de désobéissance ou de rébellion. En outre, le régime n’hésite pas à recourir à des exécutions publiques, et ce sans réelle justification. Les femmes et les enfants portent tout particulièrement le poids de l’hostilité du régime à leur égard, souvent victimes d’avortements forcés, d’infanticides ou encore de trafic d’êtres humains à des fins d’esclavage et d’exploitation sexuelle. À ce titre, les seuls « biens » à passer sans heurts les frontières pour sortir de Corée du Nord sont les esclaves. Par exemple, de nombreuses filles et femmes sont vendues en Chine pour la somme de 2 000 dollars, tandis que d’autres esclaves peuvent servir de sujets d’expériences en matière d’armement. L’important trafic d’êtres humains orchestré par la Corée du Nord repose principalement sur l’exploitation de travailleurs forcés, destinés à servir le régime et ainsi participer à la « gloire » de ce dernier.


Malgré la conscience de la communauté internationale au sujet de ces traitements inhumains, l’isolement et l’ostracisme du pays ne permettent pas une défense efficace de la population. Il est pourtant nécessaire d’élever la voix du peuple nord-coréen systématiquement réduite au silence, c’est pourquoi il appartient à la communauté internationale de faire de la protection des droits une priorité absolue. Les différents sommets ayant rassemblé Kim Jong Un avec les dirigeants américain et sud-coréen n’ont pas suffi à répondre auxdites violations, et ce malgré la pression des Nations Unies. En 2018, le Conseil des droits de l'Homme avait déjà adopté une résolution condamnant la situation en Corée du Nord et élaborant des mécanismes de responsabilités à l’encontre de hauts-responsables pour crimes contre l’humanité, ceux-ci étant toujours niés par Pyongyang. Au grand désarroi de la communauté internationale, la situation reste inchangée.


En parallèle, certains alliés politiques et diplomatiques influents en Corée du Nord, tels que la Chine et la Russie, n’entendent pas œuvrer à la défense des droits de l’Homme aux côtés des puissances occidentales. Depuis 2018, la Russie et la Chine expriment une opposition manifeste, au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, sur la tenue de sessions publiques annuelles réservées à ce sujet. La Chine collabore avec le régime de Kim Jong Un pour renvoyer les réfugiés nord-coréens vers leur pays, les exposant à la peine capitale. Pékin n’hésite pas non plus à les qualifier de « migrants économiques illégaux » et méconnaître son obligation de non-refoulement, celle-ci étant partie à la Convention de Genève sur les réfugiés de 1951. La Chine est sans doute l’État le plus à même de faire pression sur le plan économique ou en matière de droits de l’Homme en Corée du Nord, mais celle-ci a fait le choix de la coopération. Les séries de sanctions imposées par le gouvernement américain semblent sans réelle portée. À cela s’ajoute une stagnation des relations intercoréennes, mises au second plan par la Corée du Sud, conduisant celle-ci à minimiser les violations des droits humains chez son voisin communiste.


« la Russie et la Chine expriment une opposition manifeste, au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, sur la tenue de sessions publiques annuelles réservées à [la défense des droits de l'homme en Corée du Nord] »


Comme le dépeint l’actualité internationale depuis 2006, Kim Jong Un démontre l’ambition toujours plus grande d’asseoir la puissance politique, militaire et stratégique de la Corée du Nord sur la scène internationale. Pour ce faire, le pays développe son artillerie nucléaire et engage des essais de plus en plus nombreux se traduisant par des tirs de missiles dans les zones maritimes. Le financement de ces programmes est d’ailleurs issu des ressources générées dans l’ombre par les travailleurs forcés. Cette politique d’armement nucléaire entre en contradiction avec le principe de non-prolifération nucléaire consacré par le droit international. Les Etats-Unis, la Corée du Sud et le Japon ont à ce titre décidé de renforcer leur coopération militaire.


Surtout, ces incidents constituent un véritable danger pour la population nord-coréenne. En effet, outre les risques liés aux tirs de missiles, les représentants étrangers expriment leur inquiétude vis-à-vis de la situation humanitaire en Corée du Nord, en particulier depuis l’épidémie de Sars-Cov-2. Le budget national est presque exclusivement consacré à la prolifération militaire, au détriment du bien-être et de la survie de la population. Cette situation préoccupante est notamment due au régime lui-même, qui met en avant un état de siège fictif et permanent pour justifier sa répression absolue des libertés fondamentales. Ce positionnement a ainsi pour effet d’envenimer les tensions diplomatiques avec le reste de la communauté internationale.


En alimentant la crainte de l’extérieur et en valorisant l’importance de l’autosuffisance économique et militaire, l’Etat parvient à maintenir le pays dans une quasi-autarcie, hostile aux interventions extérieures. Cet objectif est d’ailleurs dépeint par « la doctrine Juche » consacrant les caractères souverainiste, indépendantiste et nationaliste de la Corée du Nord. Pourtant, seule une intervention extérieure accompagnée d’un renforcement des programmes d’aide humanitaire ont le pouvoir de faire respecter les droits et la dignité de la population nord-coréenne qui vit encore aujourd’hui dans l’espoir d’un avenir meilleur. Cette dernière doit toutefois faire face à l’hostilité assumée de Pyongyang à l’égard de l’aide humanitaire, notamment exprimée lors de la crise alimentaire qui frappait le pays à l’aube des années 1990. Tandis que cette aversion entraîne une recrudescence des besoins d’aide humanitaire et une dégradation des conditions humaines sur son territoire, la Corée du Nord préfère concentrer l’essentiel de ses ressources dans la quête de sa reconnaissance en tant que puissance mondiale.


Margot Pfrimmer


Image © - Getty Images/Chung Sung-Jun

166 vues0 commentaire

Comments


bottom of page