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LE BANGLADESH : PAYS D'ACCUEIL POUR LES ROHINGYAS

1982 : l’année d’un bouleversement pour la minorité musulmane des Rohingyas. C’est à cette date qu’est adoptée, au Myanmar, la loi sur la citoyenneté, privant les membres dudit groupe ethnique de leurs droits à la citoyenneté birmane et leur statut de citoyen. De même, ils se voient retirer leur pièce d’identité et leur permis de résidence. L’exode de la minorité musulmane pour fuir les persécutions s’intensifie alors, elle qui avait commencé depuis l’indépendance de la Birmanie, en 1948. La persécution des Rohingyas : l’histoire de répressions répétées Les Rohingyas sont un groupe ethnique de religion musulmane, vivant principalement en Birmanie. Dans un pays à grande majorité bouddhiste, ils sont une minorité et sont même perçus comme étrangers dans le pays, bien que leur présence sur le sol birman date de plusieurs siècles. Toutefois, selon le gouvernement du Myanmar, les Rohingyas ne sont arrivés en Birmanie qu’après l’annexion anglaise, en 1823 (bien que la date de leur venue soit en réalité source de controverses aujourd’hui encore). Or, c’est précisément aux peuples présents en Birmanie avant son annexion que la nationalité est délivrée, et uniquement à aux. Ainsi, les Rohingyas se voient retirer la leur. Dès lors apatrides et exclus de la société, les Rohingyas sont confrontés à des persécutions récurrentes. Au début des années 1990, les exodes massifs se font de plus en plus nombreux et plus de 200 000 Rohingyas sont contraints de fuir leur pays. Ils deviennent peu à peu la minorité « la plus persécutée du monde » selon l’ONU. En 2012 éclatent de nouvelles violences en Birmanie dont les Rohingyas sont les premières victimes. En août 2017, de nouveau, l’animosité explose par l’armée birmane dans l’État de Rakhine, au Myanmar, et pousse plus de 723 000 personnes à l’exode. Récemment saisie de la questionpar la Gambie, la Cour Internationale de Justice considère que « les Rohingyas en Birmanie restent extrêmement vulnérables ». En janvier 2020, elle ordonnait à la Birmanie de prendre «toutes les mesures en son pouvoir afin de prévenir la commission » d’un génocide. Avant elle, des enquêteurs de l’ONU avaient d’ailleurs exprimé que la campagne de l'armée birmane avait été menée avec des « intentions génocidaires », bien que celles-ci soient profondément niées par le gouvernement birman. Le Bangladesh : premier pays d'accueil pour les Rohingyas Contraints de fuir le pays pour leur propre sécurité, les Rohingyas se dirigent vers le Bangladesh, à Cox’s Bazar. En conformité avec un accord conclu en 1992, le Bangladesh les avait accueillis à bras ouverts, considérant les Rohingyas comme « des frères ». Après les évènements de 2017, l’hospitalité du Bangladesh s’est confirmée et de nombreux villages ont accueilli les nouveaux réfugiés. Des camps se sont également mis en place, notamment celui de Kutupalong, le plus grand du monde, qui abrite aujourd’hui plus de 613 000 personnes. Face à des camps surpeuplés, les réfugiés, qui arrivent de manière ininterrompue depuis 2017, s’installent spontanément autour des campements, créant des extensions immenses. Au total, ce sont environ 671 000 personnes qui sont aujourd’hui réfugiées dans le district de Cox’s Bazar au Bangladesh. Toutefois aujourd’hui, la population bangladaise est de plus en plus réticente à la présence des Rohingyas dans leur pays. L’économie est en danger et les commerçants blâment les réfugiés. « Les prix ont doublé depuis leur arrivée. Ce n’est pas bon pour nos affaires » explique un bijoutier, « Ils ont plus que nous, les ONG leur donnent des rations alimentaires, alors que nous n’avons rien » se plaint une habitante. L’hostilité du peuple se fait de plus en plus oppressante et la situation est extrêmement tendue aujourd’hui. De même, le gouvernement lui-même démontre une certaine inquiétude quant à la situation des réfugiés : en septembre 2019, il annonçait des dispositifs de sécurité forts dans les camps, proposant d’entourer les camps de barbelés, d’installer des caméras de surveillance et d’intégrer des miradors. Ces systèmes ont été mal accueillis par les réfugiés eux-mêmes, qui estiment que cela va « empirer les choses ». Les Nations unies, par l’intermédiaire du HCR ainsi que d’autres partenaires, et le gouvernement bangladais tentent ensemble de répondre au mieux à cette crise humanitaire immense. Des produits de première nécessité sont distribués, des latrines et des puits sont construits poursuivant l’objectif d’être toujours plus accessibles pour les réfugiés, des espaces sûrs sont pensés pour lutter contre les violences qui peuvent survenir au sein même des camps. Nombreux sont les acteurs internationaux qui se mobilisent pour apporter la meilleure aide possible à cette minorité persécutée. Ce secours continue aujourd’hui puisqu’en mai 2020, le Bangladesh est venu en aide à environ 300 Rohingyas dans le besoin. Cela s’inscrit dans la vague de multiplication des patrouilles maritimes du Bangladesh mises en place pour détecter les bateaux transportant des Rohingyas perdus en mer. La difficulté croissante pour le Bangladesh de répondre à la crise humanitaire de la minorité Rohingya Bien que le déploiement de l’aide humanitaire soit important au Bangladesh pour porter secours au Rohingyas, la surpopulation dans les camps entraîne des conditions de vie difficiles, pour des personnes déjà en proie à des situations sanitaires extrêmes. Les habitants de Kutupalong et de ses extensions ne bénéficient chacun, dans certaines zones, que de 8 mètres carrés pour vivre, espace bien en deçà de la norme d’urgence du HCR de 45 mètres carrés. Les maladies épidémiques se multiplient et les risques sanitaires pour les réfugiés Rohingyas ne font qu’augmenter ; et ce d’autant plus que l’on compte 100 habitants par pompe manuelle à eau, que 15% de celles-ci se trouvent à grande proximité de latrines et que 42% des eaux sont contaminées par des maladies. La sécurité alimentaire est également gravement mise à mal dans les camps bangladais, où près de la moitié des enfants de 6 mois à 5 ans souffrent d’anémie et où seulement 8% des enfants ont accès à une alimentation suffisante pour leur croissance. De plus, le Bangladesh est un pays particulièrement touché par la mousson. Ainsi, du mois du mai au mois de septembre, des pluies extrêmes ont lieu et les risques d’inondation et de glissements de terrain sont très importants. Cela affecte inévitablement les réfugiés de Cox’s Bazar, qui plus est alors que ce district est l’un des plus affecté par les pluies. Selon le HCR, ce sont plus de 23 000 personnes qui sont gravement exposées au risque de glissement de terrain et plus de 80 000 qui pourraient être touchées par les conséquences dévastatrices des inondations. Enfin, la récente propagation du Covid-19 a soulevé une importante inquiétude pour la minorité réfugiée au Bangladesh. La densité de la population est extrême et les risques de contagion en sont exacerbés. Les épistémologistes redoutent « une flambée de maladie dans ces immenses camps du sud du Bangladesh », et si les nombreux réfugiés atteints de fortes fièvres avaient été déclarés négatifs dans un premier temps, la maladie n’a pas tardé à faire son apparition dans les camps. En mai, le premier cas a été confirmé au sein de la population réfugiée. Le HCR tente actuellement de convaincre le gouvernement de mettre en place des facilités hospitalières pour contrôler au mieux l’épidémie, mais les capacités sanitaires sont très limitées. Cela représente une nouvelle difficulté pour les organisations délivrant de l’aide humanitaire. « On gère cinquante crises à la fois » déplore la directrice des opérations de Handicap International. Il est ainsi particulièrement difficile pour le Bangladesh de répondre à la crise humanitaire Rohingyas, bien que le pays accueille les réfugiés avec hospitalité. Il tente en effet de trouver de nouvelles solutions pour améliorer les conditions de vie des Rohingyas. En 2019, le Bangladesh a par exemple mis en œuvre un projet de formation, dont le but est d’apprendre aux femmes, hôtes ou réfugiés, à développer des compétences de production artisanale. Cela leur permet de gagner en autonomie et en indépendance, leur fournissant une source de revenu (elles bénéficient d’une allocation pendant les six mois de formation) et les préparant par là même à un possible avenir professionnel. C’est un réel défi pour le Bangladesh que d’accueillir tant de réfugiés et cela se ressent de plus en plus intensément au sein de la population elle-même, qui développe une hostilité croissante envers les réfugiés. Néanmoins, le secours apporté demeure une alternative avantageuse pour les réfugiés fuyant les persécutions birmanes : « Au moins, je ne vis pas dans la peur ici » affirme Yasmine, une réfugiée de 15 ans.



Léna Boron

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