top of page
  • Lory Cantinol

LE FINANCEMENT DU TERRORISME

L’argent étant le nerf de la guerre, les groupes terroristes ont besoin de fonds pour fonctionner. Alors qu’on parle désormais d’un terrorisme « low-cost », où peu de moyens sont nécessaires pour perpétuer des attentats, l’activité des organisations terroristes dépasse largement la commission d’attentats. En effet, au coût opérationnel ponctuel (armement, déplacements, frais de logement, création de faux papiers, etc.) s’ajoute le coût de fonctionnement général de la structure terroriste. La propagande de l’idéologie du groupe, le recrutement, la formation sont autant de coûts auxquels doivent répondre l’organisation.

Il est difficile d’appréhender ce phénomène de manière exhaustive car les méthodes de financement sont nombreuses et diffèrent selon les groupes. De plus, les sources de financement ne sont pas systématiquement illicites.


L’autofinancement des groupes terroristes : l’occupation du territoire, la prise d’otage et les multiples trafics

L’activité des groupes terroristes est déterminée par leur capacité à financer la vie de leur mouvement. Le besoin d’autonomie des groupes terroristes implique une volonté de s’autofinancer. En cela, Daech se distingue par son mode de financement proche d’un État en utilisant notamment les ressources naturelles et en prélevant un impôt aux populations occupées. Les ressources du groupe sont principalement issues de l’occupation des territoires. Le contrôle des champs de pétrole et des raffineries a longtemps représenté l’apport principal de l’organisation avant d’être ralenti par les frappes aériennes et la perte de contrôle d’une partie du territoire occupé.

L’occupation des territoires est une opportunité pour les organisations terroristes de s’adonner au pillage des banques, à l’extorsion de fonds et de biens mais aussi de s’implanter dans le commerce réel, comme la pisciculture de carpes en Irak. A cela s’ajoute le racket des commerçants et des agriculteurs.

L’occupation des territoires englobe également l’occupation de sites importants dans le patrimoine des peuples et rend possible le trafic des biens culturels. Ces « antiquités de sang » fleurissent sur le marché noir, notamment facilité par les réseaux sociaux. Selon un rapport du Centre d’analyse du terrorisme (CAT) en 2015, l’État Islamique contrôlait alors 2500 sites archéologiques en Irak et 4500 en Syrie.


Contrairement à l’État Islamique qui dépend en grande partie de l’occupation des territoires, les groupes terroristes en Afrique subsaharienne comme AQMI, Boko Haram, ou encore le Mouvement pour l’Unité du Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), se financent en grande partie grâce à l’argent des prises d’otages. Des rançons exorbitantes sont demandées, pouvant atteindre jusqu’à 65 millions de dollars. Dans ces zones du continent africain, la faiblesse institutionnelle et la porosité des frontières ne permettent pas à certains États de contrôler efficacement leur territoire, ce qui laisse se développer ce type d’activité criminelle.


Les différents types de trafics viennent également alimenter les moyens financiers des réseaux terroristes. Le trafic de drogue est particulièrement utilisé comme moyen de financement. Par exemple, en Afghanistan d’où provient 80 % du stock mondial d’héroïne, les Talibans profitent de cette économie. En 2010, elle représentait 1/4 de leurs revenus. Le trafic de cocaïne en Afrique centrale et de l’ouest, en provenance d’Amérique latine, s’est aussi avéré très lucratif pour les groupes terroristes.


D’autre part, la traite des êtres humains est également une source de revenus pour les organisations terroristes. Ce fut le cas de femmes Yézidis ou chrétiennes, vendues par Daech. Le trafic illicite de migrants vient s’ajouter à cela, notamment quand ils transitent par les côtes libyennes. Les groupes terroristes n’hésitent pas non plus à exploiter des personnes vulnérables (enfants, personnes en situation de handicap, etc.) en les forçant à mendier pour lever des fonds pour le compte de l’organisation. C’est le cas du groupe Boko Haram qui utilise les « majiris », des enfants mendiants. Le commerce illicite de l’ivoire a aussi été dénoncé par plusieurs ONG, puisqu’il détruit la faune et profite à plusieurs groupes terroristes africains. De même, la contrebande de cigarettes et de vêtements de marques permet en partie d’alimenter les réseaux terroristes. Ce commerce illicite illustre bien la difficulté de la détection de flux de financement du terrorisme du fait de sa configuration informelle et dispersée.


Les soutiens et leviers extérieurs du terrorisme : le cyber espace et l’implication des États et des multinationales.


Les réseaux sociaux permettent aux groupes terroristes de recruter de nouveaux adhérents par la diffusion des idéologies radicales. Leur développement exponentiel sert aussi à la collecte de fonds. Des ONG caritatives fictives sont créées et utilisent les systèmes de financement participatif en ligne pour détourner les fonds des utilisateurs qui, pour la plupart, ignorent totalement la destination finale de leur don.

La popularité de l’utilisation des réseaux sociaux pour la collecte de fonds s’explique par plusieurs facteurs. D’abord l’anonymat qu’offre internet, mais aussi un cercle de diffusion illimité permettant l’accès à un plus grand nombre de donateurs potentiels. Enfin, la facilité de décentraliser la collecte grâce aux systèmes de paiement électronique. L’usage de néo banques et de cartes prépayées est aussi un moyen pour les groupes de faire transiter de l’argent par des moyens licites sans passer par les banques classiques, qui sont bien souvent en collaboration avec des structures de lutte contre le financement du terrorisme.


D’autre part, l’implication de certains États dans le financement du terrorisme reste obscure. Lors de son discours durant la conférence « no money for terror », le président français Emmanuel Macron a laissé entendre que la France aurait soutenu certains groupes : «Beaucoup trop de pays ont nourri des mouvements directement terroristes ou liés au terrorisme pensant défendre leur intérêt propre dans la région ou pensant contrecarrer les intérêts d'une puissance hostile, c'est cela ce qui a été fait ».

Aussi, certaines banques du Qatar ont été mises en cause pour avoir financé des attentats terroristes, par exemple en Somalie. Le Qatar est accusé aussi de soutenir financièrement les Frères musulmans en Egypte.

Des multinationales sont également impliquées dans des scandales de financement du terrorisme. C’est le cas de l’affaire Lafarge, groupe français qui a été condamné pour avoir acheté la collaboration d’un groupe terroriste afin de maintenir ouverte une usine de ciment en Syrie, en dépit de l’embargo. Le groupe Imerys a également été impliquée dans une affaire similaire, continuant l’extraction de talc dans des zones occupées par les talibans.


Le financement du terrorisme revêt donc un caractère protéiforme qui reflète la nécessité d’une lutte multisectorielle. Étroitement lié à la lutte contre le blanchiment d’argent, la lutte contre le financement du terrorisme est indissociable de la lutte contre la criminalité transnationale. La lutte contre ce phénomène a attiré l’attention de la communauté internationale qui a compris l’intérêt d’une approche internationale de la question. Un système mondial de lutte contre le financement du terrorisme émerge. Une convention pour la lutte contre le financement du terrorisme international a été adoptée en 1999 sous les auspices de l’ONU. Les États sont invités par le Conseil de Sécurité à incriminer le financement du terrorisme dans leur législation interne pour qu’un cadre juridique existe et permette une lutte efficace. Un système de sanctions a également été mis en place (gel des avoirs, embargo, etc.) et un certain nombre d’instances spécialisées sont établies pour lutter contre le phénomène. Parmi elles, le Groupe d’action financière (le Gafi) tient un rôle central dans l’élaboration de standards communs en matière de lutte contre le financement du terrorisme. Le groupe Egmont permet également aux États une coopération opérationnelle plus aisée en rassemblant 159 cellules de renseignement financiers, dont Tracfin, la cellule française de renseignement financier.

Le financement du terrorisme est en constante mutation et demande donc aux acteurs de la lutte de s’adapter en permanence à de nouvelles menaces.


Lory Cantinol

158 vues0 commentaire

Comentários


bottom of page