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LE LIBAN : UN ETAT EN PERPETUELLE RECONSTRUCTION

Le Liban, plus petit Etat du Proche Orient, avec un territoire de moins de 10 500 km2, a pourtant toujours été soumis à de nombreux bouleversements. Sa proximité géographique avec l’Europe et le partage de ses frontières avec deux Etats clés, la Syrie et Israël, l’explique en partie. L’extrême diversité religieuse du pays, autre source de tensions, a justifié la nécessité de l’instauration d’un système politique singulier : le confessionnalisme afin de représenter l’ensemble de cette communauté au niveau politique. Toutefois, les contestations récentes de la population libanaise ainsi que les explosions meurtrières d’août 2020 ont mis en lumière les difficultés politiques, économiques, sociales et humanitaires que connait le Liban. La naissance d’un « Etat-tampon » Sous emprise ottomane jusqu’en 1918, le Liban s’est développé en tant qu’Etat au travers du mandat français établi entre 1918 et 1946. L’Etat du « Grand Liban » nait le 1er septembre 1920 mais il ne sera officiellement indépendant qu’en 1943. Inspiré du système politique français, le Liban est une république dans laquelle subsiste néanmoins la particularité d’une répartition des pouvoirs entre les différentes communautés religieuses depuis l’époque ottomane. Les pouvoirs sont alors répartis entre le Président de la république (chrétien maronite), le 1er ministre (musulman sunnite) et le Président de la chambre des députés (musulmans chiites). Toutefois, les tensions communautaires persistantes ont mis à mal ce système politique, multipliant les conflits au sein du pays. D’autre part, à la suite de la création de l’Etat d’Israël en 1948, le Liban s’est retrouvé au cœur du conflit israélo-palestinien, devenant une terre d’accueil pour plus de 100 000 réfugiés palestiniens. Ceci a entrainé des affrontements entre les deux Etats ainsi que des tensions au sein du pays. En effet, l’augmentation de la population musulmane sunnite et chiite engendrée par ces déplacements de population, ainsi que la présence de combattants palestiniens rattachés à l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), a grandement modifié la démographie du pays. Les chrétiens libanais se sont alors retrouvés minoritaires, entrainant une déstabilisation du système politique confessionnel déjà fragile. Ces tensions communautaires se sont intensifiés menant à une importante guerre civile entre 1975 et 1989. Par ailleurs, il faut souligner le rôle de la Syrie dans les déstabilisations du système économique et politique du Liban. Cet Etat frontalier, également sous mandat français jusqu’en 1946, n’a cessé de vouloir assurer son hégémonie au Liban et ingérer dans les affaires de l’Etat. Ce dernier a souffert de ce rôle « d’Etat tampon » dans les crises israélo-palestinienne et syrienne, qui sont venues s’ajouter aux difficultés politiques internes déjà complexes et au cœur des tensions actuelles. Aussi, depuis le début du conflit en Syrie, le Liban est devenu le pays accueillant le pourcentage le plus élevé de réfugiés en proportion de sa population : depuis 2015 plus d’un million de réfugiés syriens se trouvent au Liban, soit 1 habitant sur 5. Le Liban face à de nouveaux enjeux Le 4 août dernier, l’explosion d’un entrepôt dans le port de Beyrouth a détruit une partie de la ville et fait près de 188 morts et 6500 blessés. Le gouvernement, accusé d’être responsable de stocker des milliers de tonnes de nitrate d’ammonium pendant 6 ans dans cet entrepôt sans mesures de précaution, démissionne six jours après. Cet événement a permis de mettre en exergue, une nouvelle fois, les difficultés auxquelles fait face le Liban. L’immobilisme politique, l’instabilité du système politique confessionnel, le manque de renouvellement de la classe politique ainsi que l’importante corruption avaient déjà entraîné à l’automne 2019 des mouvements de contestations massifs. Cependant, là où le soulèvement de la société civile a permis de mettre en avant les défauts du système politique et a secoué l’élite politique, un an après cela n’a pas aboutie à des évolutions et réformes concrètes. Aussi, le Liban traverse une crise économique et financière d’une ampleur sans précédent. L’effondrement du système financier sur lequel se fonde le Liban - qui ne possède ni ressources propres, ni industries fortes – a engendré une forte dépréciation de la monnaie libanaise, des restrictions bancaires importantes et une explosion de l’inflation. Ceci a entrainé un appauvrissement considérable de la population, menant à une véritable crise sociale et humanitaire. Selon Boujar Hoxja, directeur de Care international au Liban, « plus de 50% de la population » ne peut « plus faire face aux besoins essentiels pour se nourrir et n’a plus accès à la santé et à l’éducation ». A cela s’est ajoutée les conséquences de la crise sanitaire liée à la pandémie Covid-19. Les difficultés se sont donc cumulées, creusant un véritable écart dans le pays et une « paupérisation accélérée de la population ». L’accumulation et l’augmentation des difficultés socio-économiques et politiques ainsi que les récents événements qui ont touché Beyrouth, rendent difficile les possibilités de construction d’un Etat stable et d’entrevoir une sortie de crise. Les perspectives d’une sortie de crise Les crises que connait aujourd’hui le Liban nécessitent une réponse multilatérale. Le Fond monétaire international a prévu une aide de 10 milliards de dollars pour relancer l’économie du pays après que les explosions d’août 2020 aient détruites une partie de la ville de Beyrouth. Néanmoins, cette aide financière est conditionnée à la réformation du système économique et politique en améliorant « la gouvernance et la transparence ». Les négociations restent, pour l’instant, en suspens. D’autre part, la France a proposé une feuille de route pour l’instauration d’un nouveau gouvernement provisoire afin d’établir de nouvelles réformes. Le président français a évoqué la nécessité d’une « exigence sans ingérence ». Saad Hariri, ancien premier ministre du Liban ayant démissionné en 2019, est intervenu à la demande du président Michel Aoun, le 22 octobre dernier, pour former ce nouveau gouvernement. Le Liban est un Etat qui fait face depuis de nombreuses années à des défis de construction et de reconstruction. Les conséquences de la guerre civile, de l’effondrement de l’économie et des problématiques de fonds liées au système politique mettent aujourd’hui en évidence la nécessité pour le pays de se reconstruire en profondeur.



Emma Bassi

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