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  • Léa Ivoule-Moussa

LE LIEN ENTRE LES CONFLITS ARMÉS ET LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

D’après une étude menée par l’Observatoire de la Terre Lamont-Doherty, « même dans notre monde moderne les variations climatiques ont un impact sur la propension des gens à employer la violence ». En effet, après avoir étudié des phénomènes climatiques survenus entre 1950 et 2004, il en a conclu que ces derniers constituaient un « facteur invisible » dans le déclenchement de guerres civiles. Plus récemment, la crise humanitaire de la région du lac Tchad a poussé le Conseil de sécurité des Nations Unies à étudier la relation entre les conflits armés et les changements climatiques. Le Président du Conseil a ainsi conclu le 11 juillet 2018 que les changements climatiques, à savoir toute modification du climat persistant pendant une période prolongée, étaient un « multiplicateur de menaces » nécessitant une action coordonnée des États. Cette annonce, inscrite dans un contexte humanitaire bien particulier, pose donc deux questions : celle de l’existence d’un lien entre conflits armés et les changements climatiques et, le cas échéant, celle de la nature de ce lien.


L’existence d’un rapport entre changements climatiques et conflits armés


Selon l’Institut d’études de développement, il n’existe pas de lien direct entre changements climatiques et conflits. Cette affirmation est toutefois à nuancer puisque dans les régions en proie à un conflit prolongé, les changements climatiques sont des facteurs de « stress supplémentaire » et ce pour plusieurs raisons.


Dans un premier temps, les changements climatiques demandent aux pays touchés par ces phénomènes une certaine résilience. Le Notre Dame Global Adaptation Initiative (ND-Gain) explique ainsi qu’il est nécessaire que ces pays s’adaptent aux changements climatiques de façon à « minimiser [leur] impact négatif sur les humains, les constructions et les systèmes naturels », ce qui demande des efforts de recherche, d’investissement et de transformations systémiques. Or, lorsqu’ils sont en proie à un conflit, qui dure parfois depuis plusieurs décennies, comme c’est le cas en République démocratique du Congo par exemple, cette capacité d’adaptation est fortement compromise. En effet, les autorités et les institutions sont affaiblies et préoccupées par des priorités sécuritaires. Dès lors, ces pays n’ont pas les moyens de faire face aux changements climatiques et à leurs conséquences environnementales et structurelles.


De plus, si les changements climatiques ne sont pas la cause principale, ou tout du moins la seule cause des conflits, ils exacerbent des problématiques sociales, économiques et environnementales existantes et augmentent le risque de conflit. Ainsi, le phénomène El Niño aurait joué un rôle dans 21 % des cas de guerres civiles dans le monde (30 % lorsqu’il s’agissait de pays directement touchés par celui-ci). En effet, les changements climatiques provoquent le déplacement massif de personnes, comme en Somalie. Ils sont également à l’origine de diminution des ressources naturelles, comme au Yémen ou en Irak, ce qui augmente les tensions entre les communautés et les risques de voir éclater un conflit s’étendant à un plus grand nombre de régions. À titre d’illustration, selon un rapport publié en 2020 par le Comité International de la Croix-Rouge (CICR), « 94 % des personnes déplacées dans les gouvernorats du sud de l’Irak citaient en 2010 la pénurie d’eau comme étant la principale raison de leur déplacement – devant la guerre, la discrimination et le chômage ».


Ce n’est donc pas anodin si douze des vingt pays considérés comme les plus vulnérables au changement climatique, dont le Yémen, le Mali et la RDC, se trouvent en situation de conflit.


La nécessité d’adapter l’aide humanitaire à ces nouvelles problématiques


Ces éléments montrent qu’il est nécessaire d’adapter l’aide humanitaire aux nouveaux facteurs liés aux changements climatiques.


En effet, certaines interventions pour temporiser les conséquences de ces derniers sont susceptibles d’accroître l’insécurité et d’alimenter les conflits. Ainsi, les stratégies d’intervention en faveur du développement durable, comme les stratégies REDD+, qui visent à conserver et à gérer les forêts de manière durable, peuvent creuser les inégalités entre les communautés et provoquer de nouveaux conflits. L’idée a donc été soulevée de permettre à des institutions traditionnelles et autochtones d’agir en matière de changements climatiques et dans la gestion des biens environnementaux, afin d’adapter l’aide aux communautés et à leurs besoins et de limiter l’apparition de tensions sociales.

De plus, le CICR a mis en exergue la difficulté de faire parvenir de l’aide humanitaire adaptée aux exigences des changements climatiques dans le cadre de conflit. Il est donc nécessaire de procéder à une réforme structurelle et systémique pour permettre aux organisations humanitaires de répondre aux nouveaux besoins des populations. Cela passe notamment par la reconnaissance de l’existence de changements climatiques, par une meilleure gouvernance et par la mise en place d’investissements substantiels.


Il est indéniable que si les changements climatiques constituent un « multiplicateur de menaces » difficile à gérer ils ne sont finalement pas toujours les causes principales ou directes de conflits armés. Ainsi, l’intérêt du Conseil de sécurité des Nations unies pour la question du lien entre changements climatiques et conflits armés se justifie notamment par le fait que « l’aspect sécuritaire du changement climatique est un moyen de porter le sujet dans les plus hautes sphères politiques, mais également de débloquer l’aide internationale », et donc de lutter efficacement contre ces phénomènes.


Léa Ivoule-Moussa


Photo : © Samuel TURPIN / Humans & Climate Change Stories

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