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Le Triangle du Nord : la crise humanitaire invisible

Récemment médiatisée sous le nom de la “caravane des migrants”, la crise migratoire des pays d’Amérique Centrale est pourtant plus ancienne et son importance n’est pas des moindres. Les pays du « Triangle du Nord » - à savoir le Honduras, le Salvador et le Guatemala - connaissent une violence quotidienne qui entraîne d'importants mouvements de population à l’intérieur même de ces pays, mais surtout à l’extérieur en direction du Mexique et des États-Unis. Ces territoires sont marqués par la présence de groupes criminels, lesquels ont répandus et banalisés la violence. Celle-ci est telle que le taux d'homicide au sein de ces États est comparable à celui des États se trouvant en situation de conflit armé. Bien qu'officiellement la situation n'est pas définie comme telle, force est de constater que les mouvements de population générés par cette violence en sont tout aussi importants. À la violence, s'ajoute l'échec des politiques publiques mises en place pour lutter contre ces gangs: l'impunité des crimes commis par ces derniers demeure importante. C’est la raison pour laquelle ils conservent un certain contrôle sur plusieurs parties du territoire, exerçant ainsi des pressions sur une partie de la population. L'omniprésence de ces groupes criminels oblige de nombreuses personnes à quitter leur foyer. Les déplacements internes au sein du pays sont nombreux, notamment au Honduras, mais sont toutefois difficilement mesurables étant donné que les personnes souhaitent ne pas être retrouvées par les gangs qui les menacent et les persécutent. Quant aux mouvements de populations à l’extérieur du pays, leur nombre n'a fait qu’augmenter ces dernières années. Les migrants viennent du Triangle du Nord, quittent leur pays, traversent le plus souvent la frontière mexicaine par le Guatemala, au Chiapas, pour continuer ensuite vers les États-Unis. La traversée du Mexique n’est pas sans danger : les migrants doivent passer dans des zones de conflits armés, notamment dans l’État du Sinaloa, au nord-ouest du Mexique. Ils continuent ensuite vers Tijuana au nord et aspirent à traverser la frontière pour aller en terre promise: les États-Unis. Ce dimanche 25 novembre, des mouvements particulièrement importants à Tijuana ont eu lieu. En effet, depuis quelques semaines, la ville voit défiler plus de 5 000 migrants qui ont parcouru plus de 4 000 kilomètres en un mois environ. Des violences à la frontière entre les habitants de la ville, les migrants et les policiers gardes-frontières usant du gaz lacrymogène, ont été constatées. Le Président Trump intervint et menaça de fermer la frontière entre Tijuana et San Diego si l’afflux de migrants ne cessait pas: « Ils n’entreront pas. » disait-il, lui qui dénonce une « invasion de criminels » sur le sol américain. De nombreux réfugiés sont donc bloqués à Tijuana, certains décideront alors de rebrousser chemin. Comment assurer à ces migrants la sécurité à laquelle ils ont droit ? La Convention de Genève de 1951 ainsi que la Déclaration de Carthagène sur les réfugiés de 1984 accordent des droits à ces personnes. Cette déclaration réaffirme notamment la nécessité d’étendre la qualité de réfugié “aux personnes qui ont fui leur pays parce que leur vie, leur sécurité ou leur liberté étaient menacées par une violence généralisée.”. Cependant, l’insécurité du pays entraîne une absence de respect de ces droits inhérents à leur personne. La société civile s’est mobilisée. D’une part, des initiatives telles que la « caravane des migrants » les accompagne pendant un temps, durant leur périple en terres mexicaines. D’autre part, des ONG telle que Casa refugiados réalise l’accueil des réfugiés et leur apporte un soutien lors de leur arrivée au Mexique. Basée à Mexico D.F, Casa refugiados prend en charge les migrants nouveaux arrivants dans la ville, les oriente vers des auberges, les aide dans leur parcours administratif, médical et dans la recherche d’emploi pour ceux qui souhaitent s'installer. Elle développe également des activités de manière à tisser du lien social par des ateliers ou des cercles de parole. L’ONG est en contact avec le Haut-Commissariat aux Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Ce dernier apporte également son soutien au Mexique pour faire face à cet afflux de migrants. Différentes équipes sont présentes sur le terrain et permettent de compléter l’action des ONG et des autorités locales, le but étant d’identifier les personnes souhaitant effectuer une demande d’asile au Mexique et les accompagner dans leurs démarches. De même, trouver des solutions pour multiplier les capacités d’accueil sur place est un défi important. Durant ce périple, les femmes sont particulièrement vulnérables : il n’est pas rare qu’elles subissent des violences sexuelles. De fait, leur sécurité est primordiale et leurs droits doivent être doublement protégés. La situation migratoire au Mexique et aux États-Unis est inscrite dans un contexte social et économique particulier. Il est courant que les familles restées au Mexique reçoivent de l’argent du membre de leur famille parti aux États-Unis. D'ailleurs, cette pratique s’est institutionnalisée en 1997 avec le Bureau régional d’Aide aux Migrants. Tout comme dans les pays du Triangle du Nord, la situation sociale, économique et sécuritaire au Mexique pousse les habitants à émigrer. Aux dangers du périple à travers les différents États, s’ajoutent la relation tumultueuse entre le Mexique et les États-Unis sur le sujet migratoire. En effet, le mur construit le long de la « tortilla boarder » est contraire au droit à la mobilité consacré par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en son article 6. De cette manière, les États-Unis exacerbent le racisme anti “morenos”. Bien que la situation politique et géopolitique entre le Mexique et les États-Unis bloque le passage des migrants, le nouveau gouvernement mexicain, qui a pris ses fonctions le 1er décembre, négocie une solution régionale pour sortir de la crise. En attendant, le Grupos Beta - bras humanitaire de l'Institut National de Migration du Mexique - inscrit dans une « liste pour le retour » une centaine de personnes suite au blocage de la frontière. Les autocars les attendent à deux pas, là où les policiers anti-émeutes les ramèneront manu militari dans l’avion affrété par le gouvernement quelques heures plus tard. Retour à l’envoyeur.

Sophie Contie et Léa Courrèges

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