« Il s’agit de la crise des réfugiés et des migrants la plus rapide de l’histoire de l’Amérique latine, du moins de l’histoire récente», a déclaré Walter Stevens, ambassadeur de l’UE auprès de l’ONU à Genève lors d’un point de presse le 23 octobre 2019. Les origines de la crise Depuis 2013 et l’arrivée au pouvoir de Nicolas Maduro, suite au décès d’Hugo Chavez, la situation du Venezuela ne cesse de s’empirer. Petit à petit, le pays s’est enlisé dans une grave crise économique. En 2015, le prix du pétrole, qui génère plus de 90% des revenus du pays, a chuté. Depuis, l’État a sombré dans une crise sans précédant : pénuries de nourritures, de médicaments, et une inflation des prix incessante. La Banque Centrale du Venezuela a ainsi annoncé que l’inflation avait été de 130 060,2 % en 2018. Le FMI lui, estime cette inflation à 1 370 000% et prévoit une inflation totale de 10 000 000% pour 2019. La situation est telle que même si le pays a encore certaines marchandises, il n’est plus possible pour un Vénézuélien au salaire minimum d’acheter des produits de base pour vivre, et ce malgré les augmentations de salaire accordées par le gouvernement. Parallèlement à cette crise économique, une crise politique a fait surface de manière considérable depuis mai 2018, avec la réélection jusqu’en 2025 de Nicolas Maduro, le scrutin de cette élection fut critiqué par la communauté internationale et les opposants, qui l’ont déclaré illégitime : chiffres gonflés, scrutins truqués, pression sur les citoyens. L'opposant vénézuélien Juan Gaido, reconnu comme président par intérim par une cinquantaine de pays, qualifie pour ces raisons Nicolas Maduro de dictateur et d'usurpateur. Tout cela a engendré une crise humanitaire. Pendant longtemps, Nicolas Maduro a nié l’existence d’une telle crise, et n’autorisait pas les organisations à intervenir sur son territoire. Cependant, depuis avril 2019, le président vénézuélien a accepté l’aide du Comité international de la Croix-Rouge afin entre autres de faire face à la pénurie de médicaments, et de distribuer de l’eau aux habitants. L’intervention humanitaire, elle, est une solution écartée par les Nations Unies : les États-Unis, souhaitant intervenir, ont besoin pour cela de l’approbation du Congrès puis du Conseil de Sécurité, hypothèse peu probable sachant que la Russie ainsi que la Chine sont des pays alliés avec le Venezuela. L'exode Cette grave crise économique, politique et humanitaire a amené les Vénézuéliens à fuir leur pays. Le Haut Commissariat des Nations Unies a signalé qu’au mois de novembre 2019, 4,6 millions de Vénézuéliens, sur une population totale estimée à 32 millions, ont fui le Venezuela. On estime qu’à peu près 80% d’entre eux sont restés en Amérique latine. Actuellement, le Venezuela a un des taux de migration les plus élevés au monde. Le 28 octobre, Eduardo Stein, représentant spécial des agences des Nations unies pour les réfugiés et les migrations, a averti que la situation allait encore s’empirer en 2020 prévoyant que le nombre total de réfugiés et de migrants vénézuéliens passera de 4,5 millions à 6,5 millions. Face à cette situation, le gouvernement actuel maintient sa position et nie cette migration. Les conséquences de cet exode Au niveau du Venezuela – comme mentionné plus haut, le Gouvernement de Nicolas Maduro nie l’existence de cette crise migratoire. Pourtant, de très nombreux problèmes d’ordre sanitaire sont directement liés au fait que la plupart des médecins et du personnel médical ont quitté le pays. S’ajoute à cela la pénurie de médicaments, entraînant la propagation de « maladies oubliées » comme la tuberculose, la rougeole ou encore la diphtérie. En 2017, la ministre de la Santé du Venezuela avait publié des données, attestant que la mortalité maternelle avait augmenté de 65%, et la mortalité infantile de 30%. Depuis, cela ne s’est pas amélioré. La population hautement diplômée et compétente du pays a fui (ingénieurs, techniciens, professeurs d’université), paralysant encore davantage le pays. Au niveau de l’Amérique du Sud– un billet d’avion équivalant actuellement à 25 années de salaire d’un professeur universitaire, les Vénézuéliens fuient en très grande majorité dans les États voisins. L’Union des nations sud-américaines est composée de tous les États d’Amérique du Sud à l’exception de la Guyane française et de l’Équateur depuis avril 2019. Depuis 2008, il n’est plus nécessaire pour les citoyens membres de cette Union d’avoir un visa pour circuler en Amérique du Sud, une carte d’identité suffit. Ainsi, au début de la crise migratoire vénézuélienne, il n’était pas nécessaire d’obtenir un visa pour aller dans un autre État voisin. Au départ, il s’agissait essentiellement de migrants hautement diplômés, ce qui était donc intéressant pour les États. Devant l’ampleur de la situation et la crise s’intensifiant, d’autres secteurs de la population plus populaires ont alors commencé à également migrer. Les États ont alors imposé une politique des visas afin de limiter l’afflux de Vénézuéliens sur leur territoire. Actuellement, les visas pour se rendre au Chili, au Pérou ou en Équateur impliquent une dépense de 20 à 100 dollars, dans un pays où le salaire minimum est inférieur à deux dollars par mois. La Colombie, quant à elle, est le seul État frontalier ne demandant pas, pour l’instant, l’obtention d’un visa.Des problèmes ont ainsi surgi à la frontière colombienne, qui est devenue un entonnoir migratoire, et où de vives tensions (conflit dans le nord-ouest de la Colombie) menacent directement les migrants, comme l’a signalé Human Rights Watch. La Colombie accueille tout de même plus de 1,5 million de Vénézuéliens et chaque jour, c’est près de 37 000 Vénézuéliens qui traversent le pont international Simon Bolivar pour se rendre de l’autre côté de la frontière. Les restrictions mises en place par les différents États n’ont pas permises de réguler l’afflux de migrants. En effet, il ne diminue pas pour autant, passant ainsi de migrations régulières à des migrations irrégulières entraînant également des conséquences désastreuses, telles que le trafic d’êtres humains.
Au niveau international et de l’ONU – Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) a révélé que depuis 2014, le nombre de Vénézuéliens ayant demandé le statut de réfugié dans le monde a augmenté de 8000%. L’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR), face à cette situation, a renforcé sa présence le long de frontières clés pour limiter l’ampleur des risques éventuels. De plus, les Nations Unies, ainsi que l’Union européenne, ont appelé fin octobre 2019 la communauté internationale à agir face à cet exode, et à aider les États accueillant les Vénézuéliens. L’Union européenne est le premier donateur depuis le début de la crise. Ainsi, en 2018, 170 millions d’euros furent versés au profit du peuple vénézuélien. Une somme s’élevant au total à 130 millions d’euros fut versée spécifiquement pour la Colombie. Le plan d’intervention humanitaire de l’ONU, lui, s’élevait à 739 millions de dollars en 2019. Une conférence internationale de solidarité eut ainsi lieu les 28 et 29 octobre 2019 à Bruxelles. Suite à cela, l’Union européenne ainsi que les Nations Unies décidèrent de doubler le montant de leur aide pour l’année 2020. Enfin, le 13 novembre 2019, le HCR et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont lancé un plan régional d’aide d’un montant de 1,35 milliard de dollars pour répondre aux besoins humanitaires croissants des réfugiés et des migrants vénézuéliens en Amérique latine et dans les Caraïbes, ainsi que des communautés qui les accueillent. Ces aides, conséquences de l’exode, sont distribuées pour aider les États ainsi que les Vénézuéliens, premier sujet directement impacté par cette crise. Grâce à cela, il est possible d’espérer que les différentes crises ne se développent pas davantage, tout en aillant conscience que le nombre de migrants vénézuéliens risque de ne pas diminuer, ou tout du moins pour l’année à venir.
Alexine Chorda
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