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  • Eloise Richard & Blandine Maltese

LE TERRORISME CONTEMPORAIN : LES DIFFICULTÉS DE DÉFINITION ET D'APPRÉHENSION DU PHÉNOMÈNE

Dernière mise à jour : 7 mars 2021

L’historienne Jenny Raflik, dans son ouvrage Terrorisme et mondialisation, propose une analyse des différents types de terrorismes qui sont identifiables au regard de l’histoire contemporaine. Elle distingue trois grandes familles ayant chacune leurs caractéristiques, à savoir, le terrorisme d’inspiration révolutionnaire (anarchistes, extrême gauche des années 1970-1980) ; le terrorisme ethno-nationaliste (situations dans les Balkans et liées à la décolonisation) ; et le terrorisme identitaire auquel se rattache, notamment, le terrorisme islamiste, sujet sur lequel nous focalisons notre analyse. Difficilement défini en droit, le terrorisme recouvre diverses réalités et a pu être appréhendé différemment selon sa finalité, son idéologie, les méthodes utilisées ou encore les actes menés. Les dimensions à la fois internationales, transnationales et globales que recouvrent le terrorisme contemporain mettent en exergue les défis auxquels se confronte la communauté internationale pour appréhender ce phénomène et lutter contre cette menace. Malgré des tentatives à la fois juridique, politique ou encore sociologique, aucune définition communément admise par les États n’a pu être établie, ce qui peut expliquer, en partie, les difficultés d’endiguer et de lutter contre cette menace, encore présente aujourd’hui. Sans être exhaustif, nous proposons une approche historique du terrorisme islamiste afin de retracer les différents courants et groupes terroristes en illustrant notre propos par des exemples d’actualité.


Quelques concepts clés pour appréhender le terrorisme islamiste radical


Le terrorisme islamiste est, aujourd’hui, le plus important par son extension géographique, sa variété d’acteurs et l’importance des actions violentes revendiquées par ces derniers. Pour mieux comprendre le terrorisme islamiste, il est important de définir les fondements idéologiques que sont le salafisme et le djihadisme qui renvoient à un dogme politique et religieux islamiste radical. Le djihadisme, d’un côté, renvoie au « devoir religieux » collectif de la communauté musulmane ayant pour objectif de défendre ou imposer l’Islam, et ce, notamment, par le combat armé. Le salafisme, quant à lui, fait référence « à une forme de fondamentalisme appelant au retour aux sources, basé sur le littéralisme, c'est-à-dire l'application à la lettre des textes sacrés (Coran et Sunna) ». C’est finalement l’exercice d’un fondamentalisme religieux, rigoriste et intransigeant dans son exercice de la religion et de l’application de ses règles, associé à des actes de violence perpétrés dans un but idéologique, voire politique, qui constitue la menace terroriste que nous connaissons aujourd’hui.


Plusieurs mouvements et groupes terroristes, de plus en plus organisés et diffus, sont à l’origine de ces violences et de nombreuses crises actuelles particulièrement meurtrières. Al-Qaïda, Daesh, Boko Haram, et bien d’autres groupes affiliés, exploitent les guerres, les faillites des Etats ou encore les bouleversements géopolitiques au Moyen-Orient, pour arriver à leurs fins. Si l’on regarde l’histoire contemporaine du terrorisme, il est intéressant de retracer les différents événements qui ont mené à l’évolution de la menace terroriste et à l’émergence de ces multiples mouvements et groupes.


De l’apparition d’Al-Qaida à la création de l’État islamique : des groupes de plus en plus organisés


Fondée en 1988 par Oussama Ben Laden en Afghanistan, Al-Qaïda se présente comme la première organisation terroriste islamiste mondialisée. Elle est à l’origine des attentats du 11 septembre 2001, visant notamment les tours jumelles du World Trade Center à New York aux Etats-Unis. En réaction à ces attaques, les États-Unis, soutenus par une coalition internationale, ont lancé une offensive en Afghanistan qui a considérablement affaibli les bases afghanes d'Al-Qaïda.


Toutefois, une branche irakienne d'Al-Qaïda, composée d’insurgés sunnites luttant contre le gouvernement irakien et les forces d’occupation étrangères, s’est développée à partir de 2003. Souhaitant s’ériger en guide universel de la communauté musulmane, ce mouvement d’Al-Qaïda s’est rebaptisé État islamique en Irak (EII) en 2006. La guerre civile syrienne contre le régime de Bachar al Assad, qui a débutée en 2011, a fait émerger des groupes armés rebelles locaux dont le Front al-Nosra, partageant l’idéologie de l’EII. Ce contexte a permis à l’EII de s’implanter en Syrie et de fusionner, en juin 2014, avec les insurgés islamiques syriens. Cette unification a mené à la proclamation du califat de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) également appelé État islamique (EI) mais aussi Daesh.

A cette date, l’EI s’étend de l’ouest de l’Irak, territoire déjà contrôlé auparavant par l’EII, à l’est de la Syrie notamment à Raqqa, son fief, où une interprétation stricte, littéraliste et violente de la loi islamique est appliquée. Daesh s’est rapidement érigé comme une réelle menace géopolitique décentralisée. De manière non-exhaustive, cette dernière se caractérise par l'accaparement de raffineries de pétroles syriennes, infrastructures clés de la région, une propagande extrêmement violente largement diffusée et de multiples attentats-suicide commis à travers le monde. Sa progression reflète l’histoire récente de l’Irak et de la Syrie, marquée par l’exclusion de la communauté sunnite, les difficultés de cohabitation entre les différentes communautés, en particulier depuis les troubles causés par l’invasion américaine en Irak en 2003, ainsi que par la brutalité du régime de Bachar al Assad, président de la Syrie.


En 2017, l’État islamique a fait face à de nombreuses défaites. Tout d’abord, la ville de Mossoul a été reprise par l’armée irakienne, puis Raqqa a été récupérée par les forces démocratiques syriennes. À la perte de la quasi-totalité de ses territoires s’ajoute la mort du chef Abou-Bakr al-Baghdadi qui a entrainé la chute de l’État islamique en octobre 2019. Toutefois, le secrétaire général adjoint du Bureau des Nations Unies contre le terrorisme, Vladimir Voronkov, a estimé ; en août 2020, que plus de 10 000 combattants seraient encore actifs en Syrie et en Irak.


Que reste-t-il de ces mouvements ?


Affaibli depuis 2001 en Afghanistan, Al-Qaïda compte cependant aujourd’hui de nombreux groupes terroristes locaux affiliés lui ayant prêté allégeance. Sur le continent africain, Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), actif depuis 2007, principalement dans la région du Sahel, est encore actuellement responsable d’exactions, comme la mort de 2 soldats français, engagés dans l’opération Barkhane au Mali, le 2 janvier 2021. De plus, le groupe terroriste radical Al-Shabab, lui aussi associé à Al-Qaïda, commet régulièrement des attaques en Somalie, comme en témoigne celle du 31 janvier dernier visant un hôtel à Mogadiscio, avec un bilan de 15 morts et 20 blessés. Selon l’ONU en 2020, au Moyen-Orient, la présence d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) au Yémen ne fait qu’accentuer la crise humanitaire subies par plus de 233 000 victimes.

D’autre part, le groupe armé terroriste Boko Haram est au cœur de nombreuses actualités meurtrières. Issu d’un mouvement religieux contestataire, le groupe s’est radicalisé au début des années 2000 dans un contexte de marginalisation politique et économique et de violences structurelles au nord du Nigéria. En 2014, le groupe Boko Haram a officiellement revendiqué son appartenance à l’Etat islamique. Le mouvement est encore particulièrement actif au Nigéria et est l’auteur de multiples exactions répétées qui s’inscrivent dans un modus operandi particulièrement bien organisé. Le 24 février dernier, 10 civils, dont plusieurs enfants, ont été tués dans l’État de Borno, au nord du pays, par des tirs d’obus. Boko Haram, à l’origine de l’attaque selon les autorités nigérianes, a, une nouvelle fois, souhaité rappelé sa présence et son ambition territoriale. Ce lundi, ce sont des acteurs humanitaires qui ont été directement ciblés par des attaques menées par un groupe armé terroriste affilié à Boko Haram, à Dikwa, dans le nord-est du pays. Ces événements mettent en lumière les défis sécuritaires grandissants auxquels font face les États face à cette menace insaisissable.


Ces différents mouvements organisés, encore actifs par le biais de différents groupes armés multiples et diffus, rendent encore complexe la lutte contre leurs actions. Cette dissémination dans les conflits actuels pose encore des défis politiques, géopolitiques et juridiques. Se pose la question de savoir quel est le cadre et quels sont les moyens pour établir une réponse adaptée, notamment en ce qui concerne le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’Homme ?


Eloise Richard & Blandine Maltese

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1 Kommentar


Simon Pillet
Simon Pillet
06. März 2021

Article synthétique et très bien écrit, j’ai appris beaucoup sur ce sujet si complexe,


Merci beaucoup :)

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