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Inès Braquehais

LES DROITS DES FEMMES À L’ÉPREUVE DU CONFLIT AFGHAN




Les conflits de ces quarante dernières années en Afghanistan ont fait de ce pays une zone de guerre où la crise humanitaire compte parmi les plus longues de l’Histoire contemporaine. Les femmes en sont les principales victimes, le respect de leurs droits étant soumis au régime politique en place.

Après le départ des Soviétiques à la fin des années 1980, l’Afghanistan connaît une période de flottement durant laquelle le pays est politiquement divisé. Cette division favorise l’arrivée au pouvoir des Talibans qui créent l’Émirat islamique d’Afghanistan, un régime qui repose sur une stricte application de la Charia. De 1996 à 2001, les Talibans contrôlent alors 90 % du territoire sur lequel les violents conflits engendrent des violations massives du droit, affectant particulièrement ceux des femmes afghanes. Ces dernières ne pouvaient par exemple plus étudier ou travailler, en témoigne la juge Anisa Rasooli : « Il y a vingt-trois ans, lorsque j'ai débuté en tant que juge, il n'y avait que vingt femmes juges en Afghanistan. (…) Après cela, jusqu'en 2001 et la mise en place du gouvernement intérimaire, j'ai été obligée de rester à la maison. ».

En 2001, après les attentats du 11 septembre, les États-Unis avec le soutien de l’Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) prennent la décision d’intervenir afin de lutter contre le terrorisme. Cette intervention a eu pour conséquence, entre autres, de chasser les talibans, améliorant ainsi la situation des femmes. D’après un rapport de l’UNESCO publié en 2020, le nombre d’étudiantes scolarisé dans le secondaire est en effet passé d’environ 5 000 en 2001 à 90 000 en 2018. Les Afghanes ont aussi pu être intégrées sur le marché du travail, comme le montre les chiffres publiés par la Banque Mondiale en 2018 : 21,36 % des femmes afghanes en 2018 occupaient un emploi, contre 15,18 % en 2001. De plus, le Parlement afghan était composé de 25 % de femmes en 2014.

Seulement, le retour au pouvoir du groupe islamiste fondamentaliste risque de bouleverser une nouvelle fois le statut des femmes dans le paysage politique afghan et signe le début de la régression de leurs droits.


Les effets du conflit sur le droit des femmes afghanes


L’histoire et l’évolution du statut des femmes dans la société afghane sont soumises à une succession de rebondissements politiques. Dans sa résolution 1325, le Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) a reconnu que « la grande majorité de ceux qui subissent les effets préjudiciables des conflits armés (…) sont en particulier des femmes et des enfants ». La situation afghane illustre parfaitement ce constat : les violences dont font l’objet les Afghanes se sont intensifiées suite au vote à l’unanimité de la résolution 2513 par le CSNU. En effet, le 20 mars 2020, le CSNU annonçait le retrait des troupes occidentales du territoire afghan, entraînant ainsi une augmentation des victimes des Talibans dont les Afghanes sont les premières cibles, comme le rapporte la Mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA). Ainsi, en 2020, 400 femmes ont été victimes de violence, 139 ont été tuées et 261 blessées et la situation s’est dégradée : en 2021, 727 femmes ont été victimes de violences, 219 ont été tuées et 508 blessées, soit une augmentation de 82 % par rapport à 2020.


Par ailleurs, depuis leur retour au pouvoir, les talibans ont imposé de nombreuses obligations aux femmes afghanes, à commencer par un décret de la Commission culturelle de l'émirat qui impose le recensement des jeunes filles célibataires et des veuves âgées de moins de 45 ans afin de les obliger à se marier à des membres du groupe. Les partenaires d'UNICEF avaient ainsi enregistré entre 2018 et 2019 183 mariages d'enfants et dix cas de vente d’enfants dans les provinces de Hérat et Baghdis, dans le nord-ouest de l’Afghanistan.


De plus, les filles ne peuvent plus aller à l’école et les femmes ne peuvent plus travailler. Les Afghanes se voient également contraintes de porter le voile islamique dans les transports et elles ne peuvent voyager qu’en compagnie d’un chaperon. De surcroît, il est possible qu’aucune femme ne soit nommée ministre ou à des postes de responsables, comme l’a déclaré le chef adjoint du bureau politique des Talibans au Qatar, contraignant ainsi les anciennes hautes fonctionnaires à quitter leur emploi.


La sphère juridico-politique afghane se trouve d’ailleurs confrontée à des représailles par le nouveau pouvoir en place. C’est notamment le cas des 270 magistrates qui, suite à la libération par les talibans de personnes qu’elles avaient condamnées, se retrouvent menacées et contraintes de fuir.


Aujourd’hui, les femmes afghanes ne se sentent plus en sécurité et se voient contrainte de quitter leurs pays, en témoigne Shogofa Arwin, une militante afghane qui a trouvé refuge en France : « Les talibans ont tué nos rêves. Ils ont tué notre vie ». Contrairement à elle, de nombreuses femmes n’ont pas pu fuir l’Afghanistan et sont retenues dans un pays dans lequel elles doivent faire face à une perte de leurs droits et de leurs libertés fondamentales.


Le retour de l’aide occidentale en Afghanistan


Préoccupé par les violations croissantes dont font l’objet les droits des femmes et des filles afghanes, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, António Guterres appelle à protéger leurs « droits durement acquis. ». Ainsi, bien qu’ayant décidé de mettre fin à toute aide en Afghanistan, la communauté internationale a décidé de revenir sur sa position, sur proposition des États-Unis. Le 22 décembre 2021 le CSNU a donc adopté une résolution qui faciliterait pendant un an l'aide humanitaire en Afghanistan. Les cinquante-sept pays de l'Organisation de la coopération islamique (OCI) ont quant à eux promis de mettre en place un fonds de donation et de tenter de débloquer une partie des avoirs du pays. Pour s'assurer que l'aide parvienne aux Afghans et que les talibans ne l’interceptent pas, la résolution du CSNU prévoit une révision de l’exemption générale liée à l'aide humanitaire après douze mois.


Cependant, à la lecture de cette résolution, aucune solution concrète n’est apportée concernant les droits des filles et des femmes afghanes ni, plus spécifiquement, à l’égard de la protection des anciennes magistrates afghanes. L’Union syndicale des magistrats français (USM) a formulé une demande à Emmauel Macron afin de faire évacuer les femmes juges d'Afghanistan et de leur accorder l'asile en France. Pour l'instant, le chef de l’État français a fait savoir que « plusieurs d’entre elles ont pu fuir leur pays. La communauté internationale les a aidées autant qu’elle a pu. La France a contribué au maximum de ce qu’elle pouvait faire » et que « notre devoir, c’est la pression internationale que nous pouvons exercer. ». Une vraie problématique lorsque l’on sait que parmi les 250 000 Afghans qui ont fui depuis mai 2021, 80 % sont des femmes et des enfants.


Inès Braquehais



Image © - Wally Skalij - Los Angeles Times via Getty Images, [disponible ici].



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1 Comment


Dylan Pernot
Dylan Pernot
Jan 22, 2022

Félicitations pour cet article très pertinent Inès. La situation est effectivement édifiante, j'espère de tout mon coeur que la France aura le courage d'intervenir et de passer du terrain des promesses à celui des actions concrètes. Merci. 😉

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