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  • Eloise Richard & Emma Scassola (contribution de Blandine Maltese)

LES DÉFIS JURIDIQUES, POLITIQUES ET HUMANITAIRES DU TERRORISME CONTEMPORAIN

Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, et durant les mois qui ont suivi, le Président américain Georges Bush s’est déclaré en « guerre contre le terrorisme ».

Ce changement de paradigme dans la lutte contre ce phénomène mondialisé et diffus a mis en exergue les défis et les enjeux à la fois juridiques, politiques et humanitaires du terrorisme contemporain. La politisation de l’appréhension des actes terroristes ainsi que l’élargissement des concepts juridiques de qualification du terrorisme et des auteurs de ces actes, ont révélé les lacunes et les incertitudes qui règnent encore aujourd’hui autour de cette notion. Plus généralement, la question du terrorisme contemporain s’inscrit dans la modification de la nature des conflits armés, et ce depuis la deuxième moitié du XXème siècle. En effet, aujourd’hui, les conflits armés non-internationaux, n’opposant plus les États entre eux mais des États avec des groupes armés ou des groupes armés entre eux, sur un ou plusieurs territoires donnés, sont majoritaires. Néanmoins, l’émergence croissante de la menace terroriste et la multiplication des actes terroristes au XXIème siècle ont mis en lumière les difficultés, mais aussi les carences, juridiques et politiques auxquelles se sont confrontés les États. Depuis lors, la communauté internationale s’implique collectivement dans cette lutte mais sa réaction se fait, parfois, au détriment des droits humains et du respect du droit international, notamment du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’Homme. L’instrumentalisation faite par les États des concepts et du droit ont mis en lumière tout à la fois des défis et enjeux juridiques, politiques, diplomatiques mais également humanitaires. Cela démontre également les limites de ces derniers à gérer et endiguer ce phénomène.

Les défis juridiques et politiques du terrorisme contemporain : au regard du droit international humanitaire


La multiplication des actes terroristes est à l’origine de nombreux défis à la fois politiques et juridiques. La prison étasunienne de Guantanamo Bay située sur le territoire cubain en est un exemple. Elle a été créée en 2001 à la suite des attaques terroristes du 11 Septembre 2001, à New York, menées par le groupe terroriste Al-Qaïda. Les juristes étasuniens se sont servis des failles juridiques existantes pour créer un statut nouveau de « combattants illégaux ». Ce statut leur permet de soustraire les personnes détenues dans cette prison à la fois de la protection du droit international humanitaire, mais également du droit national étasunien. En effet, le droit international humanitaire prévoit normalement un régime protecteur pour les prisonniers des conflits armés internationaux - le statut de prisonnier de guerre. En effet, ces derniers sont protégés contre tout acte de violence ou d’intimidation et leur sont garanties des conditions minimales de détention concernant notamment le logement, la nourriture, l’habillement, l’hygiène et les soins de santé.


De nombreux débats subsistent quant à l’établissement et au fonctionnement de cette prison ainsi que sur la création de ce statut. C’est pourquoi plusieurs administrations ont tenté de la fermer. Cette volonté a notamment été réaffirmée par l’administration du président étasunien actuel, Joe Biden. Néanmoins des obstacles d’ordre pratique empêchent la fermeture de la prison, en particulier le fait que le droit international interdit le transfert d’une personne dans un pays où sa vie serait en danger - comme c’est le cas pour plusieurs des terroristes détenus à Guantanamo Bay.


Les défis juridiques et politiques du terrorisme contemporain : la sécurité et les droits humains


Par ailleurs, cette intensification des actes terroristes pose également un défi à l’égard de la protection des individus. En effet, au lendemain de multiples attaques terroristes, certains États ont réexaminé l’équilibre entre la sécurité des États et la protection des individus. La tendance d’assurer la sécurité de l’État s’est manifestée par la proclamation d’un état d’urgence dans de nombreux pays, notamment en France. Ces régimes permettent aux États de restreindre les droits et libertés des individus au profit de la sécurité de l’État. La loi de novembre 2015 en France a, par exemple, permis d’étendre le régime de perquisitions à toute heure de la journée et de la nuit ou encore de limiter la liberté d’association et la liberté d’aller et de venir de certains individus. C’est la mise en place de ces « régimes liberticides » qui a été au cœur des débats, mais également et surtout, leur maintien pendant plusieurs années qui a été vivement critiqué. Il a été avancé à de multiples reprises que les États ont profité des circonstances pour réduire la protection des individus, pourtant au centre des préoccupations internationales depuis la deuxième moitié du XXème siècle. Ainsi, la menace terroriste a initié un mouvement de politisation et d'instrumentalisation du droit, tant le droit international humanitaire, avec la création du statut de combattant illégal, que le droit international des droits de l’Homme, avec les lois liberticides au profit de la sécurité de l’État. Ce mouvement a souvent été poursuivi au détriment des droits et libertés des individus.

Les enjeux juridiques, politiques et diplomatiques actuels posés par le terrorisme contemporain : l’exemple du rapatriement des femmes et enfants de djihadistes


La politisation et l’instrumentalisation de la menace terroriste s’illustre également à travers la question complexe du rapatriement des femmes et enfants de djihadistes, actuellement détenus dans des camps de Roj et de Al-Hol, au nord-est de la Syrie, administrés par les forces kurdes depuis la chute du califat en 2019. Trois ans plus tard, la situation est de plus en plus préoccupante. Le CICR, en janvier dernier, faisait état du climat d'extrême violence subie par les enfants lorsque leurs parents combattaient pour Daesh, et aujourd’hui, des nombreux cas de malnutrition infantile. Les États européens sont concernés par cette problématique en raison du grand nombre de leurs ressortissants partis rejoindre Daesh dès 2014.


Le 23 avril 2019, Le Conseil d’État, s’est déclaré incompétent concernant les demandes de rapatriement de ressortissantes françaises et de leurs enfants retenus en Syrie, estimant que les demandes de rapatriement ne sont pas détachables de la conduite des relations internationales de la France. Cette position de la plus haute juridiction française, marque encore une fois, l’aspect particulièrement politique et diplomatique de l’encadrement de la menace terroriste et l’équilibre complexe entre les exigences de sécurité et du respect des droits humains. Aujourd’hui, c’est la politique du “ cas par cas” qui prévaut concernant le rapatriement des femmes et enfants de djihadistes, malgré les recommandations du Comité des droits de l’enfants rendues le 2 novembre 2020, celui-ci ayant insisté sur le danger immédiat de la situation dans les camps au nord-est de la Syrie, autant sur le plan sanitaire qu’alimentaire. En effet, cet organe des Nations Unies a rappelé que la France est tenue d’appliquer la Convention internationale des droits de l’enfants au-delà de son territoire et que de ce fait, elle a « la capacité et le pouvoir de protéger ces enfants en les rapatriant ou en prenant d’autres mesures de protection ».


L’impact du terrorisme sur l’action humanitaire


Les groupes terroristes contrôlant une partie d’un territoire sont tenus d’autoriser le passage des organisations humanitaires afin qu’elles portent secours aux populations civiles. En pratique, cela est bien plus complexe. En Syrie, depuis le début de la guerre civile et l’apparition de Daesh, l’acheminement humanitaire a sans cesse été confronté à de nombreuses difficultés. D’une part, il est parfois impossible pour les organisations humanitaires d’accéder à des zones contrôlées par les groupes terroristes encore actifs, et d’un autre côté, quand bien même les humanitaires auraient négocié un accès à ces zones, le régime syrien criminalise l’aide apportée dans les territoires occupés. En effet, la multiplication des législations nationales antiterroristes, prohibant et incriminant toute forme de soutien aux entités qualifiées de terroristes, complexifient et limitent les activités des organisations humanitaires.


Le 25 février dernier, M. Lowcock, le coordinateur des secours d’urgence des Nations Unies, déplorait auprès du Conseil de sécurité le manque d’accès pour acheminer l’aide humanitaire en Syrie alors que les besoins sont de plus en plus urgents. Selon les dernières données du Programme Alimentaire Mondial, 60% de la population n’a pas régulièrement accès à des aliments sains et nutritifs. De plus, l'organisation humanitaire Save the Children a souligné qu’au nord-est du pays, 79% des enseignants ont vu leurs élèves abandonner l’école, contraints d'aider leur famille financièrement.


Ces différents défis illustrent particulièrement le fait que le terrorisme est un phénomène difficile à saisir au regard des outils juridiques et politiques dont nous disposons aujourd’hui. Les États se confrontent également à la problématique du financement du terrorisme et de la criminalité transnationale qui permet, en grande partie, de soutenir et faire vivre les différents groupes terroristes actuels.

Eloise Richard et Emma Scassola (contribution de Blandine Maltese)

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