« Une crise suivie par les médias signifie que l'opinion publique sera au courant de ce qu'il se passe […] cela signifie que si une crise est suffisamment suivie par les médias, alors il y aura davantage d'aide et moins de gens vont souffrir » selon Philippe Lévèque, directeur de Care France. D’après le dernier rapport « Suffering in silence » de l’ONG CARE, paru en janvier 2020, Madagascar est recensée comme étant la crise humanitaire la moins médiatisée. Néanmoins, et ce malgré une relative stabilité politique, l’île de Madagascar connaît depuis plusieurs années une grave crise alimentaire et humanitaire principalement due aux effets du changement climatique. Madagascar est répertorié comme l’un des pays les plus pauvres du monde comptabilisant plus de 80% de sa population vivant en dessous du seuil de pauvreté, plus de 50% des enfants de moins de 5 ans souffrant de malnutrition chronique et seulement 32% de la population rurale ayant un accès à l’eau potable. L’absence de médiatisation des crises connues par le pays et le désintérêt de la communauté internationale peuvent expliquer que Madagascar est l’un des pays qui reçoive le moins d’aides au développement, et ce malgré des indicateurs de pauvretés particulièrement élevés et une situation de précarité globale préoccupante. La crise humanitaire de Madagascar, une conséquence du changement climatique Madagascar, auparavant appelée « l’île verte » par les Malgaches, est l’un des pays les plus impacté par le changement climatique. Selon le Programme Alimentaire Mondial (PAM), « l'Afrique australe, avec des températures qui augmentent deux fois plus que la moyenne mondiale et la plupart de ses aliments produits par des agriculteurs de subsistance entièrement dépendants de pluies de plus en plus imprévisibles, n'a eu qu'une seule saison de croissance normale au cours des cinq dernières années ». La crise environnementale mondiale affecte particulièrement l’île de Madagascar puisqu’environ 80% de la population malgache vit de l’agriculture et du commerce des ressources naturelles, économie mise à mal par la multiplication et la répétition de phénomènes climatiques catastrophiques. En effet, au cours des 20 dernières années le pays a été frappé par 35 cyclones, 8 épisodes d’inondations et 5 périodes de sécheresse sévère. Déjà fragilisée, la situation s’est aggravée par le phénomène El Niño qui a touché le pays à partir de 2016 et s’est matérialisé par une augmentation importante des températures et la quasi-absence de précipitations. La zone la plus touchée du pays est la région du Grand sud où la population y est particulièrement vulnérable aux chocs climatiques récurrents et qui ne parvient pas à maintenir durablement un niveau de vie décent. En 2019, 1,3 millions de personnes étaient en situation d’insécurité alimentaire sévère dans le pays, 2,6 millions étaient directement impactés par les effets de sécheresses chroniques et plus de 960 000 personnes avaient besoin d’une assistance humanitaire d’urgence. Toutefois, il semble difficile d’attirer l’attention de la communauté internationale sur la crise que traverse la région. En janvier 2020, des inondations meurtrières ont touché le nord du pays, dans la région de Marovay, dans une indifférence internationale et médiatique presque totale. Pourtant, cette catastrophe climatique a eu pour conséquences le déplacement de 15 00 personnes et a laissé plus de 120 000 sinistrés dans une situation précaire. De plus, cette région n’est plus accessible par voie terrestre, laissant présager des difficultés d’accès à l’aide, un risque de famine ainsi que de dysenterie en raison des problématiques sanitaires. Le pays subit de plein fouet les effets du changement climatique, mais il souffre également des conséquences de pratiques ancestrales. En effet, les feux de brousse servant à déterrer les lémuriens, mangés par les populations les plus pauvres, et permettant la récupération des cendres pour créer de l’engrais pour la culture du riz en terre, ont entrainé une déforestation massive sur l’île et sont autant de facteurs aggravants de la crise environnementale que connait le pays. La crise humanitaire malgache : une crise alimentaire et sanitaire Madagascar connait un retard de développement important dont les causes profondes sont multiples. La crise humanitaire qui subsiste dans certaines régions de l’île, notamment au sud, met en exergue les problématiques chroniques auxquelles fait face la population malgache. Les principales conséquences de ces crises sont alimentaires et sanitaires. En effet, selon un rapport de l’UNICEF, Madagascar enregistre l’un des taux de malnutrition le plus élevé au monde avec « 42% des enfants de moins de cinq ans qui souffrent « d’un retard de croissance ou de malnutrition chronique » ». Ceci a d’ailleurs une conséquence sur l’accès à l'éducation puisque seul 1 enfant sur 3 va au-delà de l’enseignement primaire. D’autre part, la situation sanitaire sur l’île est préoccupante en raison des pandémies annuelles de polio ou de peste. Pourtant éradiquée dans presque tous les pays du monde depuis un siècle, la peste touche encore chaque année l’île. En 2017, une nouvelle vague épidémique inquiétante de peste pulmonaire avait touché le pays doublant le nombre annuel de cas répertoriés. L’apparition de nouvelles épidémies comme celle de la rougeole qui a tué plus de 1200 personnes, pour la plupart des enfants, depuis septembre 2018 est symptomatique de la presque inexistence d’infrastructures de santé publique et d’une situation de précarité alarmante. La situation est préoccupante à Madagascar car les crises systémiques que connait la population malgache ont un véritable impact sur la capacité de développement du pays. À la crise sociale, économique et environnementale s’ajoute une crise humanitaire qui touche de nombreuses régions de l’île. Plusieurs organisations non-gouvernementales alertent sur la nécessité de prendre en compte le rôle du changement climatique dans le développement et la pérennisation de crises humanitaires, comme celle vécue par Madagascar. Le pays et sa population nécessitent une attention particulière portée tant sur les enjeux et besoins humanitaires d’urgence que sur le renforcement de projets permettant une meilleure résilience et réponse aux risques de catastrophes naturelles ainsi que les conséquences sanitaires et humanitaires qui en découlent.
Blandine Maltese
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