En 1843, Pierre-Claude-Victor Boiste, poète français nous disait qu’« il ne faut qu'un héros parmi des esclaves pour en faire des hommes libres. ». Cette citation irait bien au contexte mauritanien, celui-ci étant assez complexe. Le site de France Diplomatie dresse un portrait glaçant de la situation en Afrique de l’Ouest : dans le contexte des attentats de Bamako, Ouagadougou et Grand-Bassam, « il convient de tenir compte de la menace terroriste régionale dans les pays d’Afrique de l’ouest, y compris en Mauritanie. ». À cette situation s’ajoute l’esclavage, la montée des extrémismes religieux, la situation sécuritaire, le non-respect des Droits de l’Homme, etc. Sur place et à l’étranger, de nombreux citoyens mauritaniens luttent quotidiennement pour que leurs droits les plus basiques soient respectés. Aminetou Mint Al-Moctar et Moussa Biram font partie de ces gens luttant en interne contre les injustices. L’esclavage est encore omniprésent sur le territoire. Ce statut est héréditaire et se transmet par la mère, entériné par un système de caste pourtant interdit par la constitution mauritanienne mais toujours appliqué. De fait, cette pratique pérennise le phénomène tout en enfermant une partie de la population dans une catégorie sociale inférieure à celle des autres citoyens. En Mauritanie, la loi d’abolition datant de 1980 et l’ordonnance de 1981, sont censées avoir officiellement aboli l’esclavage. En dépit du fait que le parlement ait reconnu l’esclavage comme une infraction en 2007 puis, porté l’infraction au rang de crime contre l’humanité au sein de la Constitution en 2012 et enfin, que la notion d’esclavage ait été élargie par une nouvelle loi le 13 août 2015, la pratique est encore très présente sur le territoire. Même si les dirigeants affirment le contraire, les chiffres sont clairs. D'ailleurs, Amnesty s’est récemment re-saisi de la question afin de rendre un rapport relatif à l’évolution de la situation le 22 mars 2018. Le pays a eu beau se doter de trois tribunaux spécialisés ayant commencé à rendre des condamnations fermes dès 2016 et procéder au renforcement des peines encoures par les esclavagistes, cette pratique reste un véritable fléau. De nombreuses ONG et mouvements sont engagées dans la lutte pour la libération des mauritaniens. En Europe des associations s’engagent également sur la question, c’est par exemple le cas de l’association des Harratines de Mauritanie. Toutefois, c’est au niveau interne que la lutte est la plus intense. Le ton est monté entre les organisations luttant pour l’abolition de l’esclavage et les forces gouvernementales. Il existe deux organisations notoires sur place: SOS-esclaves, représenté par Boubacar Messaoud - qui critique fermement l’impossibilité pour les ONG de défense des victimes de l’esclavage de se porter partie civile dans les procès - et l’initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), ONG anti-esclavagiste mauritanienne créée en 2008 et représentée par Biram ould Dah ould Abeid. Les oppositions entre les membres anti-esclavagistes et le gouvernement sont de plus en plus fréquentes. Ces affrontements se justifient notamment par le retour en prison de leur leader Biram ould Dah ould Abeid, déjà condamné à plusieurs reprises en 2011, 2013 et 2014 suite notamment à sa candidature aux élections présidentielles. Figure emblématique de la lutte contre l'esclavage, il reçoit en 2013 le Prix des Droits de l’Homme des Nations Unies. Selon Biram ould Dah ould Abeid Il y a plus d’anti-esclavagistes que d’esclavagistes qui se sont retrouvés en prison en demandant l’application de la loi de 2007 incriminant l’esclavage. Ce fût le cas pour Moussa Biram et de Abdallahi Mattalah, enfermés pour trois ans. Le 7 août 2018, la veille de la réception de son récépissé de candidature aux élections, Biram ould Dah ould Abeid se retrouve à nouveau derrière les barreaux alors qu’il venait d’officiellement s’inscrire sur la liste des candidats aux élections présidentielles de 2019. Les conditions d’interpellation et le non-respect des droits de la défense laissent penser qu’il a été détenu arbitrairement. Suite à cette incarcération ont eu lieu de brutales répressions policières contre les militants anti-esclavagistes, notamment ceux venus manifester pacifiquement pour réclamer la libération de Biram le 8 octobre 2018. Jugé et libéré le 31 décembre 2018 après 5 mois de « détention préventive » suite au retrait de la plainte "d’atteinte à l’intégrité d’autrui et menace d’usage de la violence” qu’un journaliste a déposé contre lui, Biram ould Dah ould Abeid a réaffirmé dès le 1er janvier sa détermination à poursuivre son combat contre le racisme et l’esclavage. Il a également déclaré maintenir sa candidature pour les élections présidentielles de 2019. Sidi Mohamed ould Maham, nouvellement élu ministre de la communication a quant à lui mis en garde ceux qui instrumentalisent l’esclavage pour porter atteinte à l’unité nationale. Une déclaration qui paraît peu en accord avec la volonté affirmée par le gouvernement de rassurer les organisations internationales sur la liberté de la presse dans le pays. En effet la Mauritanie est passée de la 55ème place en 2017 à la 72ème place en 2018 sur le classement mondial de la liberté de la presse de Reporters Sans Frontières. Il est également à noter que, début novembre, le président américain Donald Trump a décidé, à l’occasion de la révision du programme Africa Growth and Opportunity Act, de retirer le pays de la liste des partenaires privilégiés en Afrique. La rupture des liens entre la Mauritanie et ses amis de longue date risque de réduire encore l’ouverture du pays sur l’international. Cette situation ne présage rien de bon pour la suite des évènements, qu’il s’agisse de l’amélioration des droits humains ou de la stabilité politique de la région. En effet, malgré les rapports des Rapporteurs Spéciaux sur cette situation, cette dernière perdure depuis maintenant de nombreuses années.
Gentiane Garnier
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