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MISSION HUMANITAIRE : VOCATION OU VACANCES ?

Dernière mise à jour : 29 nov. 2020

Une mission humanitaire se définit principalement comme étant la concrétisation d’un projet ayant pour objectif de répondre aux besoins des plus démunis. Une aide d'urgence dans les pays en situation de conflit ou lors d'une catastrophe naturelle, ou une aide au développement pour les pays plus stables. Cette concrétisation s’effectue par la mise en place d’actions longuement réfléchies en amont – dans des structures spécialisées, notamment des ONG à vocation humanitaire – durant la réalisation du « cycle projet ». Des professionnels qualifiés, diplômés et ayant une certaine expérience dans le secteur, montent et coordonnent ces projets. En parallèle s’est développée une autre sorte de « mission humanitaire » organisée cette fois-ci par des agences à but lucratif. Le marché en plein boom, ces agences vendent des séjours à l’étranger durant lesquelles les touristes sont pris en charge par des partenaires locaux. Visite des lieux, découverte de nouvelles cultures, ces personnes offrent quelques heures de leurs temps pour apporter un peu d’aide dans diverses actions. Aucune qualification n'est demandée, être majeur ne fait pas systématiquement partie des prérequis, ni avoir un casier judiciaire vierge lorsque la mission est en rapport avec des enfants puisque celui-ci n'est pas demandé lors de l'inscription. Le marché attire chaque année quelques 1,6 million de potentiels « bénévoles ». Ainsi, il est possible d’aller en « mission humanitaire » sans aucun diplôme pour « travailler » dans des pôles divers et variés (« soins », « construction », « droit », etc.). Communément appelé « volontourisme », le prix moyen d’une « mission » de deux ou trois semaines en fonction du pays est d’environ 2 000 euros, sans compter le billet d’avion. Les marges effectuées par les agences varient entre 30 et 40% contre 2 à 3% pour des agences touristiques traditionnelles. Alors même que les participants sont animés de bonnes intentions, il s’avère que cette option ne soit pas la meilleure pour participer au soulagement des populations dans le besoin. Comme l’explique Asma Rassouad, consultante en solidarité internationale, cette activité ne répond pas au but principal de l’action humanitaire : autonomiser les personnes afin qu’elles ne soient plus dépendantes de l’aide humanitaire. En réalité, cette démarche est contre-productive et des conséquences importantes sont à relever. Prenons l’exemple des orphelinats. Les personnes achètent leur séjours auprès de ces agences, persuadées qu’elles pourront faire la différence sur le terrain, venant en aide aux orphelins en préparant des repas, des animations et des cours, vivant une expérience gratifiante et affective auprès de ces enfants… Ceci est la partie marketing des agences. Ce que les volontaires ne savent pas c’est que ces enfants ne sont pas – toujours – orphelins. Ils sont retirés de leur famille avec la promesse qu’ils recevront une éducation, un accompagnement et des repas équilibrés. Au Cambodge, le nombre d’orphelinats a triplé de 2011 à 2017 alors que le nombre d'orphelins ne cesse de diminuer depuis les khmers rouges. Ces orphelinats ne récolteront que 4 euros par semaine du prix initialement payé par le volontaire. De fait, sans forcément le savoir, sans le vouloir, le volontouriste participe à un business dégradant la situation de l’économie locale et de la population. À cela s’ajoute le sentiment d’abandon qu’expérimentent continuellement les enfants lors du départ du volontaire, impactant gravement leur développement. Des ONG tirent la sonnette d’alarme : notamment Friends International Suisse qui a mis en place un programme de lutte contre le volontourisme. Au travers du mouvement ChildSafe, l’ONG a édité une brochure « 7 conseils pour voyager ChildSafe », afin de sensibiliser les volontaires aux réels impacts d’un tel engagement et les encourager à s’impliquer différemment. Également des universités, telles que London Schools of Economics, interdisent à leurs étudiants d’effectuer ce genre de mission. Au niveau étatique, le gouvernement australien a déclaré le « tourisme des orphelinats » comme une « forme d’esclavage moderne », après avoir effectué une enquête démontrant l’existence d’un trafic d’enfants. Expertises de professionnels, rapports d’observateurs internationaux, témoignages de bénévoles, l’exploitation du volontariat est du militantisme est un phénomène dénoncé et documenté depuis plusieurs années. Les plaidoyers se multiplient, la sensibilisation continue, la prise de conscience s’opère lentement favorisant la mobilisation d’acteurs clés, tant au niveau politique que de la société civile. Car l’empathie ne s’exploite pas et la misère ne s’achète pas.


Marissa Siline


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