Alors que les festivités de Pâques s'estompent, laissant derrière elles les délices sucrés du chocolat, il est impératif de plonger au cœur de la dure réalité qui se cache derrière chaque bouchée : l'exploitation impitoyable des enfants dans les plantations de cacao en Afrique de l'Ouest.
De jeunes garçons trient les fèves de cacao chez un exportateur de cacao à Abidjan, en Côte d’Ivoire.
Contextualisation de l'exploitation des enfants
L’Afrique de l'Ouest, est le pilier de la production mondiale de cacao, assurant les deux tiers de cette précieuse ressource. En tête de ce secteur se trouvent la Côte d'Ivoire et le Ghana, qui à eux seuls dominent le marché avec une production substantielle, fournissant une grande partie des fèves de cacao qui alimentent l'industrie mondiale du chocolat.
Depuis des années, les voix des ONG retentissent, dénonçant l'exploitation déchirante des enfants dans ces plantations. Des millions d'enfants, certains âgés de seulement 5 ans, sont contraints de travailler dans des conditions inhumaines et dangereuses.
« Les conditions de travail dans les plantations de cacao sont souvent décrites comme proches de l'esclavage moderne. »
Les chiffres, bien que glaçants, ne font que refléter l'ampleur du problème : plus d’un million d'enfants sont forcés de labourer dans les plantations de cacao en Afrique de l’Ouest. Ils sont souvent rémunérés de manière dérisoire, parfois moins d'un euro par jour, une somme insuffisante pour subvenir à leurs besoins les plus élémentaires, sans parler de leur droit à l'éducation. Ces enfants sont astreints à récolter les précieuses fèves de cacao dans des conditions extrêmes. Ils sont exposés aux produits chimiques toxiques, aux outils agricoles acérés, et sont souvent les victimes tragiques d'accidents mortels, certains étant amputés suite à des rencontres fatales avec des machettes. Les conditions de travail dans les plantations de cacao sont souvent décrites comme proches de l'esclavage moderne.
« Ces innocents sont alors soumis à une vie de labeur sans fin, sans salaire adéquat, et souvent victimes d'abus physiques et sexuels. »
Cependant, l'horreur ne s'arrête pas là. Le trafic d'enfants vers ces plantations constitue une sombre réalité. Des réseaux criminels, opérant dans l'ombre, enlèvent ces enfants de force ou les trompent avec de fausses promesses, pour ensuite les vendre aux planteurs de cacao pour une somme dérisoire de 30 euros. Ces innocents sont alors soumis à une vie de labeur sans fin, sans salaire adéquat, et souvent victimes d'abus physiques et sexuels.
Réponse des acteurs impliqués
Malgré les promesses en apparence nobles des géants du chocolat, tels que Nestlé, Mars et Hershey's, de lutter contre le fléau du travail des enfants, les progrès restent insuffisants. Ces multinationales sont régulièrement pointées du doigt pour leur complaisance, voire leur complicité, dans cette exploitation, préférant fermer les yeux sur ces crimes pour maintenir des coûts de production bas et maximiser leurs profits.
Face à cette ampleur, des initiatives nationales ont été lancées. Par exemple en Côte d'Ivoire, dans la région du Nawa, les autorités ont été contraintes de maintenir en place un plan d'action national, mettant l'accent sur la sensibilisation à travers des campagnes déployées dans toutes les zones de production de cacao. Cette situation a amené les législateurs à durcir les sanctions contre les producteurs qui utilisent des enfants dans leurs plantations ou qui sont impliqués dans la traite des enfants, prévoyant des peines allant jusqu'à vingt ans de prison.
Des initiatives conjointes ont été lancées par des organisations internationales telles que l'Organisation Internationale du Travail (OIT), le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF), et l'Organisation internationale pour les Migrations (OIM), en partenariat avec l'Union européenne et la Suisse. Un exemple concret est le programme "Ensemble pour agir sur les causes profondes du travail des enfants dans la Nawa", déployé dans la région sud-ouest de la Côte d'Ivoire, qui est la première région productrice de cacao dans le pays.
Ce programme vise à promouvoir les droits de tous les enfants et adolescents dans la région en garantissant l'accès à l'éducation et aux services sociaux de base, tout en les protégeant contre la violence et l'exploitation. Il s'attache également à offrir aux jeunes en âge de travailler, ainsi qu'à leurs parents, des opportunités de travail décent. Pour ce faire, il renforce le cadre légal et institutionnel, coordonne les actions, améliore l'accessibilité et la qualité des services sociaux de base. Financé par l'Union européenne et la Suisse, ce projet s'inscrit dans une vision de développement durable du secteur cacaoyer, visant à assurer sa durabilité économique, sociale et environnementale en Côte d'Ivoire.
Cependant, malgré ces efforts louables, le problème persiste, révélant les profondes failles du système. Les consommateurs, en tant que maillons cruciaux de la chaîne d'approvisionnement, ont un rôle crucial à jouer. En exigeant des produits issus de sources éthiques et en soutenant les entreprises véritablement engagées dans la lutte contre le travail des enfants, les consommateurs peuvent exercer une pression essentielle pour un changement réel et durable.
Morgane Labiste
Image © - SIA KAMBOU/AFP
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