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PEUPLES AUTOCHTONES EN AMÉRIQUE LATINE : D'UNE CRISE ENVIRONNEMENTALE VERS UNE CRISE HUMANITAIRE ?

Dernière mise à jour : 29 nov. 2020

Selon l'UNESCO, les peuples autochtones représentent plus de la moitié de la diversité culturelle dans le monde: dans toutes les régions, ils détiennent, occupent ou utilisent 22% des terres de la planète. Cependant, leurs cultures, leurs terres, leurs besoins, leurs droits, sont constamment bafoués que ce soit par des multinationales ou des États. En plus d'impacter ces êtres humains, l'environnement n'est pas épargné. Le Brésil est la cible des multinationales qui pillent et détruisent la forêt amazonienne. L’État accuse les peuples indigènes d'exploiter illégalement les terres sur lesquelles ils vivent car revendiquant ces terres comme les leurs. De violents heurts ont lieu pour chasser les communautés de ces terres, faisant de nombreux blessés au sein de leurs membres. Parmi les multinationales présentes en Amazonie abattant la forêt, privant ainsi les communautés y vivant de leur milieu naturel, figure l'entreprise française Imerys qui transforme le kaolin - sorte d'argile - dans ses usines. Se trouve aussi l’entreprise norvégienne Hydro Alunorte qui surplombe les eaux profondes de l’immense baie de Marajo. Il flotte une odeur de soja pourri, et des pipelines courent au loin dans la forêt. A quelques encablures, des bœufs vivant s'entassent dans un cargo à destination de l'Afrique du Nord ou du Golfe Persique. Ce sont plus de 15 tonnes de matières premières extraites de l'Amazonie qui transitent par ce golfe chaque année avant de rejoindre le marché mondial. Plus de 1 500 familles vivent au sein de la municipalité de Barcarena, certaines là depuis plus d'un siècle et demi : les Quilombolas, descendantes d'esclaves. Elles côtoient ces usines à ciel ouvert au péril de leur santé, et de leur sécurité alimentaire : les cours d'eau étant pollués, elles ne peuvent plus pêcher pour subsister, ni s'abreuver. Quand l'usine d'Iremys subit une fuite dans son bassin, ce sont 300 000 m3 qui se déversent dans la rivière au bord de laquelle vivent des communautés et qui se teinte de blanc. Les déchets liquides de l'entreprise viennent contaminer les ressources en eau potable des communautés. L'entreprise norvégienne Norsk Hydro n'est pas en reste puisqu'une de ses filiales est impliquée dans l'écoulement de boues rouge toxiques hors de ses bassins. Ils sont accusés également d'avoir drainé, après de fortes pluies, les effluents contaminés vers la forêt et les rivières voisines . Au Mexique, c’est la multi-nationale Coca-Cola qui pille les ressources en eau du pays, tout en faisant fi de la santé des habitants. En effet, elle s’est implantée dans des zones très pauvres, et instaure un prix de la boisson gazeuse défiant toute concurrence. Résultat : une obésité en recrudescence et un pillage des quantités d’eau disponibles. Le Mexique est la cible d'une grande corruption dans diverses zones du pays, si bien que le taux d'homicide est aussi élevé que dans certains État en conflit armé. Les zones rurales sont très reculées et généralement délaissées par le gouvernement, aggravant les problèmes concernant l'eau et l'accès à des services d'hygiène et de santé de base. L’eau est un problème central au Mexique et le gouvernement se démarque par son inaction dans l'assainissement des réserves d’eau existantes. Il y a donc une absence totale d'encadrement des réserves d’eau dans les régions reculées, comme le montre l'exemple de la réserve au pied du volcan Huitepec au Chiapas, à côté de laquelle s’est installée l’usine de Coca-Cola qui en puise une quantité colossale. En effet, il faut six litres d’eau pour faire seulement un litre de Coca-cola. L’usine a reçu l’autorisation de la Commission Nationale mexicaine pour puiser 500 millions de litres d’eau par an, privant les villages alentours d’approvisionnement, et asséchant leur réserves. Isla Urbana, une ONG initiée par des étudiants de Mexico D.F, a réagi face à ce problème d’accès à l’eau dans la capitale et dans les zones rurales. Elle a pensé un système de récupération des eaux de pluie en ville, dans des quartiers au sud de la capitale mexicaine, et un système à destination des communautés isolées hors agglomérations. Au total, ces systèmes touchent aujourd’hui plus de 52 000 personnes au Mexique et ont permis la récolte de 1 141 millions de litres d’eau de pluie qui ont pu être réutilisées. Ceci est une solution face aux besoins immenses des populations nécessitant une intervention humanitaire. Les multinationales installent leurs usines dont l'activité détruit l'environnement naturel dans lequel vivent les communautés indigènes, tout comme l'industrie du tourisme dénature le patrimoine naturel en y construisant des infrastructures dédiées aux loisirs. Il existe des alternatives à cette destruction de l’environnement due au tourisme de masse. Rutopia, start up appartenant au tissu de l'économie sociale et solidaire fondée par des étudiants mexicains, se pose comme un maillon dans la chaîne du tourisme solidaire au Mexique, œuvrant à une meilleure redistribution de l’argent du tourisme. En effet, elle s'engage à un tourisme local à petite échelle, afin que les bénéfices soient d'abord dirigés vers les communautés indigènes. Ces dernières vivent au sein d’un environnement naturel particulier qu’il convient de préserver pour la pérennité des traditions et coutumes de chaque communauté. C'est donc aussi pour cela que s'engage Rutopia : la préservation de l'environnement pour la défense des droits des communautés indigènes et la reconnaissance de leurs savoir-faire ancestraux liés à la terre. Des initiatives solidaires sont mises en place, mais de quelle protection disposent ces communautés ? Les communautés indigènes face aux géantes multinationales, tel David face à Goliath, ont néanmoins l'appui du Droit. La convention Inter-américaine des droits de l'homme, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme ainsi que la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones (DNUDPA) du 13 septembre 2007 appuient, protègent et font la lumière sur ces peuples oubliés, négligés. En effet, le caractère indigène des communautés fait naître des droits dont ils sont seuls bénéficiaires du fait de leur vulnérabilité. Le droit à l'eau a été reconnu comme un droit humain certes très tard - le 28 juillet 2010 par l'Assemblée générale des Nations Unies - mais néanmoins explicitement mentionné dans les Objectifs pour le Développement Durable de 2030. Protéger la terre comme moyen de subsistance économique, sociale, culturelle est un gage de survie pour les membres des communautés indigènes, mais aussi un gage de survie de la cosmovision, de l'identité culturelle et spirituelle selon l'affaire peuples indigènes Kichwa de Sarayaku c. Equateur 27/06/2012 : les juges de la Cour Inter-Américaine des Droits de l'Homme (CIADH) affirment et reconnaissent le droit ancestral à la terre de ces communautés, pour mieux appuyer ceux relatifs à la préservation de l'identité culturelle et à la survie de la communauté et de ses membres. La terre est un élément identitaire qu'elles transmettront en héritage. Les communautés indigènes et tribales sont désormais sujettes de droit international et leurs droits s'expriment de manière collective. Cependant, malgré la protection qu'accorde l'article 21 de la CIADH aux conditions de vie des communautés indigènes, il n'empêche pas l’État d'exploiter des ressources naturelles situées sur un terrain appartenant collectivement à une communauté indigène, par « intérêt social », et ceci même si cela est susceptible d'entraîner des conséquences négatives sur des ressources utilisées par la communauté, bien que ce soit encadré par la Cour. Pour que les communautés puissent rester maîtres et décisionnaires des activités sur leurs terres, elles doivent se hisser à la participation aux processus décisionnels, ce que la Cour conditionne à un consentement préalable, libre et éclairé de leur part. Cependant, les conditions de mise en application restent malheureusement généralement en défaveur des communautés, renforçant leur vulnérabilité. Concernant nos deux cas d'études, le maire de la municipalité de Barcarena a préféré défendre la multinationale norvégienne Hydro Alunorte plutôt que ses concitoyens. Cependant, la médiatisation croissante de ces violations, l'engagement de la population et des politiques, comme le procureur Ricardo Augusto Negrini, œuvrent pour que soit stoppée la dévastation de la forêt amazonienne. Au Mexique, les dégâts du Coca-Cola sur la santé s'observent par l'augmentation des politiques publiques sur les dangers du sucre. Comptons sur la vivacité, la jeunesse et l'engagement d'ONG ou d'entreprise à caractère social pour défendre les droits des communautés indigènes et l'environnement en Amérique latine. Les populations autochtones sont protégés en théorie par le droit et la CIADH, des actions de la société civile se développent pour contrer - ou en tout cas ralentir - l'apparition d'une crise humanitaire et environnementale sévère, reste aux acteurs étatiques et économiques de s'aligner... Affaires à suivre.

Léa Courrèges

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