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  • Léa Ivoule-Moussa

QUELLE PLACE POUR LES FEMMES DANS LA RESOLUTION DES CONFLITS ?

Dernière mise à jour : 21 nov. 2021



En octobre 2000, le Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU) adoptait la résolution 1325 qui soulignait pour la première fois l’importance de l’inclusion des femmes dans les domaines de la prévention des conflits, du maintien de la paix, du règlement des conflits et de la consolidation de la paix. Le Conseil y a fixé plusieurs objectifs, parmi lesquels une meilleure représentation des femmes à tous les niveaux de prise de décision dans les institutions et les mécanismes nationaux, régionaux et internationaux pour la prévention, la gestion et le règlement des différends ; l’accroissement de leur rôle et de leur contribution dans les opérations des Nations Unies (NU) sur les terrains ; un soutien financier, technique et logistique des États membres aux activités de formation aux questions de parité ; et l’adoption d’une démarche soucieuse d’équité entre les sexes lors de la négociation et de la mise en œuvre d’accords de paix. Mais si huit résolutions sur les femmes, la paix et la sécurité ont depuis été adoptées par le CSNU, soulignant encore une fois le rôle fondamental des femmes et de leur participation dans la prévention et la résolution des conflits, force est de constater que les objectifs fixés il y a plus de vingt ans ne sont toujours pas pleinement satisfaits.


« Les femmes ne sont pas de simples observatrices de conflits. Pourquoi devraient-elles alors être les observatrices de leurs solutions ? », notait Leymah Gbowee, co-lauréate du Prix Nobel de la paix en 2011 et responsable de la promotion de la paix au Libéria à propos de la place des femmes dans la résolution des conflits. Dans sa résolution 1325, le CSNU a en effet admis que « la grande majorité de ceux qui subissent les effets préjudiciables des conflits armés (…) sont des civils, en particulier des femmes et des enfants ». Les femmes sont ainsi disproportionnellement touchées par les conséquences directes ou indirectes des conflits armés, et il est donc impensable de continuer à les exclure des processus de prévention, de gestion et de règlement des différends.

Pour donner suite à l’adoption de la résolution 2122 du CSNU (2013), ONU Femmes a publié un document intitulé « Prévenir les conflits, transformer la justice, obtenir la paix : une étude mondiale sur la mise en œuvre de la résolution 1325 du CSNU ». Dans celui-ci, l’agence des NU affirme que la participation des femmes à l’élaboration des processus de paix augmenterait de 20 % la probabilité d’un accord sur au moins deux ans, et de 35 % la probabilité d’un accord sur au moins quinze ans. Au contraire, lorsque les processus de paix ne comprendraient pas les femmes, l’accord s’effondrerait en cinq ans, alors que leur participation réduirait de 64 % le risque d’échec de ces derniers. Selon le même document, l’implication des femmes dans les processus de prévention, de gestion et de règlement des différends faciliterait l’adhésion de la communauté aux accords négociés, et contraindrait les parties à s’entendre, même en cas d’enlisement des pourparlers. Leur mobilisation aurait également comme avantage de taille de permettre un changement de dynamique et d’inclure de nouvelles questions dans les négociations, telles que celles des violences sexuelles et de genre.


Depuis 2000, des efforts majeurs ont été entrepris par les NU pour enclencher ce mouvement d’inclusion des femmes, en particulier dans ses opérations de maintien de la paix sur les terrains. En effet, si les femmes ne représentaient que 1 % du personnel en uniforme déployé par les NU en 1993, elles constituaient 4,7 % du personnel militaire et 10,8 % du personnel de police en 2019. La Division de police des NU a par ailleurs lancé « l’effort mondial » avec pour objectif de compter 15 % de femmes dans les contingents militaires et 25 % de femmes observateurs militaires et officiers d’état-major, d’ici 2028. Une telle inclusivité se reflèterait positivement dans les résultats obtenus sur le terrain puisque les femmes Casques bleus auraient plus facilement accès aux communautés, contribuant alors à la promotion des droits humains et à la protection des civils. Au regard des objectifs fixés par la résolution 1325, une telle facilitation d’accès permettrait entre autres de recueillir les témoignages de survivants de violences sexuelles et de genre dans la lutte contre l’impunité d’auteurs de telles violences. L’existence de femmes Casques bleus servirait également de modèle aux femmes et aux filles en situations de conflit et post-conflit dans la communauté d’accueil, encourageant dès lors leur participation, même locale, aux processus de reconstruction. Des mécanismes de consultation entre les femmes, leurs pairs et les partenaires des missions de terrain des NU ont aussi été mis en place, avec succès. À titre d’exemple, le groupe de la problématique femmes-hommes au Mali a appuyé la participation des femmes à la rédaction et à la diffusion de la Charte nationale malienne pour la réconciliation. La Mission des NU au Soudan du Sud (MINUSS) a quant à elle organisé des forums à l’échelon sous-national et national à l’attention des femmes dirigeantes et des organisations débattant de l’accord de paix et définissant des stratégies permettant de garantir la mise en œuvre des dispositions relatives à l’égalité des sexes.


Malgré ces progrès notables, il reste encore beaucoup à accomplir pour voir les objectifs fixés par la résolution 1325 satisfaits.


Les femmes sont encore largement exclues des processus de paix et de médiation. Dans de nombreux contextes, leur participation officielle n’est que temporaire et symbolique. Les pourparlers officiels se font généralement dans la confidentialité et les femmes et autres membres de la société civile en sont par conséquent exclus, les empêchant d’exprimer leurs besoins et de soulever les questions qui les concernent directement. Ainsi, selon ONU Femmes, sur 31 processus de paix ayant eu lieu entre 1992 et 2011, les femmes ne représentaient que 4 % des signataires, 2,4% des médiateurs en chef, 3,7 % des témoins et 9 % des négociateurs. Or, en l’absence de reconnaissance des violences qui les touchent particulièrement, la situation reste donc inchangée et la résolution du conflit ne peut être que temporaire : au Soudan du Sud, des femmes affirment qu’il n’y aura pas de résolution du conflit et que les femmes ne connaitront pas de paix tant qu’une justice n’aura pas été mise en place et que les auteurs de violences sexuelles et de genre n’auront pas reconnus responsables.

Par ailleurs, les programmes visant explicitement les femmes, la paix et la sécurité peinent à faire l’objet d’un financement. Ainsi, en 2014, sur 47 plans d’action nationaux portant sur ce sujet, seuls onze d’entre eux étaient dotés d’un budget. Il existe également un déséquilibre frappant entre les agences des NU qui contribuent au financement des organisations de la société civile dans le cadre de leurs travaux sur le sujet : 63 % d’entre elles bénéficiaient d'un appui d’ONU Femmes, alors que seules 26 % recevaient une aide du PNUD et 16 % de l’UNICEF. Or, le fait qu’ONU Femmes soit la principale source de financement de ces organisations traduit implicitement que l’équité est une affaire de femmes qui ne parvient pas à mobiliser autant que se devrait l’attention d’autres agences qui, pourtant, ont également un rôle à jouer en la matière.


À travers ces études, deux constats peuvent donc être dressés : d’une part, il est primordial pour l’établissement d’une paix durable que la promotion de l’égalité des sexes vienne d’une approche participative plutôt que d’une approche du « sommet vers le bas ». D’autre part, il est crucial que les partenaires des opérations de maintien de la paix et que les États membres s’impliquent plus que jamais dans la réalisation des objectifs posés il y a vingt-et-un ans. Le Pacte sur les femmes, la paix, la sécurité et l’action humanitaire (juillet 2021) signé par 153 États membres et les conclusions du débat annuel sur le même sujet semblent refléter une prise de conscience sur ces problèmes. Ils laissent dès lors entrevoir une volonté politique renouvelée des partenaires et des États membres dans l’intégration des femmes dans les processus de résolution de conflits.


Léa Ivoule Moussa


Image © - Kani Sissoko - « Quand les femmes prennent la paix en main , ONU Infos, 21 octobre 2021, [disponible ici].


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1 Comment


theolozano23
Apr 01, 2022

Article très intéressant !

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