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Théo Lozano

RETRAIT DES FORCES FRANÇAISES AU MALI : ENJEUX GÉOPOLITIQUES ET CONSÉQUENCES HUMANITAIRES

Le jeudi 17 février dernier, Emmanuel Macron annonce officiellement le retrait progressif des forces militaires françaises présentes au Mali. Par cette déclaration, le président de la République française met un terme à neuf années d’engagement militaire français et européen dans cette région.

Au départ perçues comme salvatrices et libératrices de la menace terroriste, les forces armées françaises se sont enlisées dans un conflit complexe. Malgré le succès de certaines opérations militaires, les groupes terroristes présents dans la région sahélienne n’ont pas durablement cessé leurs activités et leurs membres n’ont pas été entièrement neutralisés. De ce fait, la population malienne reproche à l’armée française son manque d’efficacité dans la lutte contre l’insécurité.

Cette discréditation atteint son point culminant le 24 mai 2021 lors du coup d’Etat mené par la junte militaire. Cet événement a permis au peuple malien, d’une part, de formaliser son mécontentement et, d’autre part, de remettre spécifiquement en question l’efficacité des opérations menées. Plus généralement, la présence militaire française au Mali. Par conséquent, malgré une certaine réussite militaire, le manque de communication entre les forces françaises et la population locale a entrainé l’échec des relations diplomatiques. Cet échec politique a poussé l’armée française à interrompre ses opérations et à organiser un retrait progressif du territoire malien. Malgré tout, la France tient à maintenir sa présence sur place et à poursuivre ses opérations dans d’autres Etats sahéliens dont le Burkina Faso.


Pour comprendre les relations diplomatiques qui unissent la France et le Mali depuis le début de cette intervention, il convient de souligner que celle-ci se fonde sur une invitation du gouvernement malien dans le cadre du soutien à la lutte contre les groupes terroristes. En principe, le recours à la force armée entre Etats est prohibée par l’article 2§4 de la Charte des Nations Unies. Or, l’ordre juridique international accepte largement le concept d’intervention militaire sollicitée. Celle-ci se traduit par une action armée menée par un Etat sur le territoire d’un autre Etat à la demande explicite et valablement formulée de ce dernier. De ce fait, puisque cette relation est avant tout fondée sur le consentement, si l’Etat ne souhaite plus collaborer, celui-ci est tout à fait en mesure de réclamer le retrait de toute forme d’ingérence.


Ce retrait est nécessairement perçu comme un échec par les autorités françaises. En effet, des liens historiques unissent la France et de nombreux Etats de l’Afrique de l’Ouest et subsaharienne. Le territoire malien est intégré à l’empire colonial français à la fin du 19ème siècle. Depuis l’accession à l’indépendance du Mali en 1960 et la disparition des colonies françaises, la France entretient des rapports étroits avec ses anciens territoires sahéliens notamment pour des raisons économiques et diplomatiques. Par conséquent, la rupture de ces relations par la junte malienne constitue une perte d’influence pour la France dans la région et une perte de confiance de la part de partenaires historiques.


Inévitablement, la remise en cause de l’ingérence française au Mali s’est propagée dans d’autres Etats sahéliens. La dégradation de la situation sécuritaire renforce inexorablement le sentiment antifrançais dans tous les pays de la région. Des actes d’opposition ont notamment été relevés au Niger et au Burkina Faso lorsque des soldats français ont été la cible d’attaques par la population.

Toutefois, la France a tout intérêt à maintenir des relations cordiales avec les autres pays de la région pour des raisons économiques. En effet, la présence française est indispensable dans la défense de ses intérêts stratégiques. Par exemple, elle permet d’assurer l’approvisionnement des centrales nucléaires en uranium, élément chimique utilisé comme combustible dans les réacteurs nucléaires industriels et présent en abondance dans le sous-sol nigérien.

L’enjeu principal de la diplomatie française va donc consister à rétablir une relation de confiance entre elle et les Etats dans lesquels elle est impliquée. De cette façon, au cours de l’année 2022, la France entend réorganiser ses modes d’opérations et de soutien aux forces armées locales. L’objectif est donc d’éviter une situation comme celle au Mali pour pouvoir continuer à lutter contre la menace djihadiste, toujours présente et active dans la région. La France compte également étendre son action en proposant ses services aux Etats du Golfe de Guinée et aux Etats d’Afrique de l’Ouest.

L’échec français se traduit, d’une part, par le retrait de ses troupes du sol malien et, d’autre part, par la décision de la junte de recourir officieusement à des services de société militaires privées.

En effet, l’action française au Mali ayant été jugée insuffisamment efficace et n’ayant pas permis de venir définitivement à bout des groupes djihadistes, il semblerait que des méthodes plus radicales aient été envisagées par les instances gouvernementales maliennes. En effet, en fin d’année 2021, des rumeurs de l’arrivée d’instructeurs et de paramilitaires russes au Mali se sont propagées. Cette intervention élargit le théâtre d’opérations de l’organisation de mercenaires russes Wagner, à l’origine présents en Centrafrique ou en Libye. Réputés pour leurs agissements en dehors des cadres institutionnels, les membres de cette organisation agissent dans l’ombre, sans contrôle légal et par conséquent sans être tenus de respecter les conventions internationales encadrant la conduite des conflits armés. En effet, puisque leur existence n’est pas reconnue officiellement, les membres de cette organisation ne sont pas tenus d’appliquer les Conventions de Genève dans leurs opérations. Autrement dit, l’application des principes fondateurs du droit international humanitaire comme par exemple les principes de précaution ou de distinction ne peuvent leur être imposés et leur violation ne peut leur être imputée. Plusieurs violations du droit international humanitaire ont pu être alléguées à ce groupe en Centrafrique. De ce postulat, il est légitime de se questionner sur les risques encourus par la population malienne lorsque le recours à de telles organisations est envisagé.

Probablement de par un manque d’accès et une instrumentalisation de l’information, la population malienne perçoit positivement l’arrivée du groupe Wagner sur son territoire dans la mesure où le nom du groupe est synonyme d’efficacité et de radicalité. Leurs actions ne sont pas contraintes par le respect d’un cadre juridique strict, contrairement aux forces armées régulières de l’armée française notamment. Sur place, les soldats de l’opération Barkhane s’attachaient à communiquer au maximum avec la population locale, à expliquer leur mission afin d’être acceptés le plus largement possible et que les habitants puissent collaborer avec eux. Par opposition, les opérations qui ne sont pas encadrées ne vont donc pas s’attacher à prendre des précautions particulières avec la population. De plus, l’absence de possibilités de répression des comportements déviants laisse libre cours aux potentielles violations du droit de la part des membres de ces organisations.


En conséquence, le retrait des forces françaises au Mali doit être considéré comme un échec politique de par la perte de confiance des partenaires de la France dans la région. Pourtant, les enjeux français sont très diversifiés et essentiels. Dans un premier temps, l’État français se doit de défendre ses intérêts économiques stratégiques en maintenant sa présence permettant l’acheminement des ressources. Dans un second temps, il se doit de maintenir son image d’allié puissant et influent sur la scène internationale et régionale en renouant une relation de confiance avec des partenaires liés historiquement. De plus, ce retrait peut paraître inquiétant en ce qu’il ouvre une brèche permettant à des groupes armés non-étatiques agissant en dehors de toute législation de s’y engouffrer. Ces entités ne pouvant être tenu par des conventions internationales protégeant les droits humains, la sureté et la sécurité de la population malienne peut être remise en cause.

Théo Lozano


Image © -TM1972 / Wikimedia Commons CC BY-SA 4.0

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17 Comments


tomarobi47
Apr 12, 2022

J’aime beaucoup ce que vous proposez, du contenu extrêmement qualitatif !

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theolozano23
Apr 12, 2022
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Nous essayons de nous améliorer continuellement

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Clara Usseglio-Viretta
Clara Usseglio-Viretta
Apr 12, 2022

Une approche intéressante sur un sujet important. Well done !

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theolozano23
Apr 12, 2022
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Vos encouragements me touchent je vous remercie

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tmlaurent
Apr 12, 2022

Merci pour votre article qui nous éclaire sur ce sujet important !

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castinelalyssa
Apr 12, 2022

Très pertinent!

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theolozano23
Apr 12, 2022
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Merci bien, hâte de lire vos travaux également

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jon.paone
Apr 12, 2022

J'aime beaucoup très intéressant

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