À l’approche du 14 février, la vente de roses et de chocolats, en tant que symboles de la Saint-Valentin augmente. Cependant, derrière cette manifestation de l’amour, se cache une réalité toute autre : les conditions de travail des travailleuses des roses en Équateur ainsi que l’exploitation d’enfants dans les plantations de cacao.
La mise en lumière de ces situations permet d’attirer l’attention sur des problèmes méconnus par les consommateurs des plus importants pays importateurs.
Industrie floricole au Kenya
Les risques sanitaires pesant sur les travailleuses et travailleurs des plantations de roses
L’Équateur est devenu, depuis quelques années, l’un des principaux exportateurs de roses. Les conditions sont favorables à la production grâce aux sols volcaniques et un ensoleillement de 12 heures par jour. En France, on estime que seule une rose commercialisée sur quatre a été cultivée sur le territoire.
Les roses importées sont principalement produites en serre, engendrant des problèmes de santé pour les personnes y travaillant en raison de l’utilisation de pesticides. Il a été observé que de nombreuses travailleuses sont touchées par un cancer, et de plus n’étant pas déclarés par leur employeur, ces personnes « n’ont le droit à rien ». Les individus vivant à proximité sont également touchés par des effets néfastes, provoquant : « pertes de cheveux, troubles de la vue, fausses couches, naissances prématurées etc. »
Des conditions sociales préoccupantes
En Équateur, les conditions de travail ne sont pasconformes aux standards internationaux mis en évidence par l’Organisation international du travail (OIT) et le Code international de conduite dans la production de fleurs coupées pour l’exportation, particulièrement en matière d’égalité femmes/hommes, d’hygiène et de sécurité, de protection de l’environnement ou encore de prohibition du travail forcé. Comme ces dispositions internationales n’ont pas de caractère contraignant, en moyenne, parmi 400 entreprises produisant des fleurs « 80% ne [les] respectent pas ».
L’Afrique de l’Est est également l’un des principaux importateurs de roses en Europe. En 2014, 31% provenaient du Kenya et 12% d’Éthiopie. La concentration des activités, par exemple dans la ville de Naivasha, a des conséquences en matière sociale. Les travailleurs et travailleuses ainsi que leurs familles, se sont déplacés à proximité des zones de production puisque l’entreprise en matière florale génère massivement des emplois. Cependant, les infrastructures sociales de la ville ne s’adaptent que très difficilement à cette augmentation démographique : les écoles sont surchargées tout comme les hôpitaux.
Qui plus est, les salariés de ces entreprises sont majoritairement des femmes. Étant drastiquement sous-payées, elles ne peuvent pas subvenir aux besoins essentiels de leur famille. Une étude de l’organisation Women Working Worldwide a mis en lumière leur faible rémunération. Une femme ouvrière au Kenya gagne entre 59 et 94 dollars par mois, ce qui est dérisoire.
Un impact environnemental considérable
Ces productions posent aussi des problèmes en matière environnementale en raison de l’usage intensif de pesticides et leur atteinte sur les ressources en eau. Un bouton de rose nécessite 7 à 13 litres d’eau pour arriver à maturité. Ramenée à l’échelle d’une exploitation, une irrigation intensive est nécessaire. Les roses sont également exportées lors de longs trajets en avion afin d’être commercialisées en Europe ou aux États-Unis. L’empreinte carbone de telles entreprises ne peut dès lors être ignorée.
L’exploitation des enfants pour la production de cacao
Il est estimé que 1,5 million d’enfants sont exploités pour la production de cacao dans le monde, une majorité se trouvant au Ghana et en Côte d’Ivoire. L’Afrique de l’Ouest compte en effet les principaux producteurs de cacao (70% de la production mondiale).
L’ « hypocrisie stupéfiante » des industries de chocolat est alors dénoncée par des associations militantes comme « Corporate Accountability Lab ». Le fait que le travail des enfants ne soit pas aboli résulte en partie d’insuffisances légales. Comme les champs de cacao n’appartiennent que rarement aux entreprises, celles-ci refusent de se voir imputer directement la responsabilité de l’exploitation des enfants. De plus, les mécanismes juridiques tout de même en place sont insuffisants pour leur protection. Le protocole Harking-Engel, concernant la culture et le traitement des fèves de cacao, ne s’applique que dans des situations contractuelles et ne couvre que « les pires formes du travail infantile ». Liés par ce protocole, certains géants du chocolat tels que Cargill, Hershey’s et Nestlé ont été poursuivis devant le tribunal de Washington pour avoir mis en place que des « outils de relations publiques » inefficaces pour lutter contre l’exploitation des enfants dans les plantations de cacao.
Les enfants face à des risques sanitaires élevés
De plus, les enfants travaillant dans les plantations sont directement exposés aux pesticides et engrais utilisés, sans disposer pour autant des protections adéquates. Ils travaillent sans bottes, sans gants, ni masques. Certains enfants travaillent sans rémunération et ce, notamment pour la réalisation de tâches dangereuses pour leur santé comme l’épandage de pesticides. Leurs conditions de vie sont également alarmantes : certains dorment sur les sites de plantations, sont exposés à la faune (insectes, serpents) et n'ont accès qu’à trop peu de nourriture pour répondre à leurs besoins vitaux.
Par ailleurs, dans le but de libérer ces enfants de cette situation d’exploitation, de les accompagner afin de les réintégrer dans la société, des opérations dites de « courses-poursuites » sont mises en place. C’est notamment le cas de l’opération « Nawa 2 » regroupant des forces de l’ordre, des agents de forêts parcourant les plantations de cacao à la recherche des enfants y travaillant. Par la suite, des centres sont mis en place pour permettre aux enfants d’être scolarisés et d’apprendre un métier. Depuis 2019, « 2 000 enfants ont été retirés des plantations de cacao » et presque 300 personnes ont été condamnées pour responsabilité du trafic d’enfants en Côte d’Ivoire.
Un policier surprend un enfant en train de sécher du cacao dans le village d’Opouyo, près de Soubré (Côte d'Ivoire), le 7 mai 2021, lors de l’opération Nawa 2.
Pour conclure, ces atteintes aux droits de ces personnes sont décuplées par la demande des pays importateurs à l’approche des fêtes telles que la Saint-Valentin, la fête de mères ou les fêtes de fin d’année. En tant que consommateur, il semble opportun d’orienter ses choix vers des achats plus responsables. Pour ce faire, des associations et organisations non-gouvernementales, sur demande des consommateurs, établissent des classements des entreprises en fonction de leurs actions (ou inactions) en matière de respect des droits de l’homme. Également, il est nécessaire que les États et les entreprises de chocolat luttent activement pour mettre fin à toute forme d’exploitation, notamment en prenant des dispositions contraignantes.
Célia Combet
Image © - Green Washing Economy / 27 novembre 2020
Image © - SIA KAMBOU / AFP / Le Monde
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