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  • Inès Braquehais

SÉISME EN SYRIE : L’AIDE HUMANITAIRE FACE A DOUZE ANNÉES DE CONFLITS

Alors que le monde se concentre sur l’aide humanitaire apportée en Turquie, « en Syrie, cette catastrophe vient encore aggraver une tragédie humanitaire qui perdure depuis 12 ans » a déclaré Fabrizio Carboni, directeur régional du Comité international de la Croix-Rouge. Le séisme s’inscrit en effet dans un contexte géopolitique critique, en ce que la Syrie est une zone de conflit armé qui fait l’objet de sanctions économiques depuis 2011. Ce conflit fut inspiré par les protestations des printemps arabes, incitant la population syrienne à demander des réformes politiques concernant leur liberté et la primauté du droit, s’opposant ainsi au régime de Bachar el Assad. En parallèle de cette révolution populaire, vient s’ajouter la prise de pouvoir du groupe Hayat Tharir al-Sham sur la ville d'Idlib dans le Nord-Ouest syrien, ville qui fut également touchée par le séisme contribuant ainsi au déclin de la situation que connaît le pays.


Des habitants dans les rues de Jandairis, plusieurs jours après un séisme meurtrier, le 10 février 2023, dans la région d'Alep, en Syrie.

Si les sanctions économiques en matière pétrolière prises à l’égard de la Syrie, à la fois par l’Union européenne, les États-Unis, l’Australie, le Canada, la Suisse et la Ligue arabe ont certes entrainé le déclin du niveau de vie du pays, il n’en demeure pas moins que, avec la conjoncture actuelle, ces sanctions sont d’autant plus déterminantes avec les 6 000 victimes et les plus de 200 000 sans-abris recensés par l’OMS. Ce chiffre risque d’autant plus d’augmenter, car le séisme laisse la Syrie dans un état encore plus critique, de sorte que l’aide internationale apparaît comme une nécessité pour la reconstruction de ce pays.


La levée des sanctions : la balance entre enjeu géopolitique et humanitaire.

Depuis une douzaine d’années, la Syrie est divisée par des « forces rebelles de différentes obédiences, kurdes, pro-turcs et islamistes radicaux », faisant de cet État une zone de conflit dans laquelle il est difficile de pénétrer. L’intervention humanitaire y est limitée pour des raisons de sécurité, car la majeure partie des secteurs impactés par le séisme est sous contrôle rebelle. Qu’il s’agisse des djihadistes de la province d’Idlib, qui par ailleurs profitent du contexte actuel pour gagner en crédibilité auprès des acteurs internationaux investis dans la région, ou bien des mercenaires turcs d’Afrin, ou encore des YPG Kurdes dans le Nord-Est (même si ces deux derniers sont moins concernés par le séisme), la Syrie se retrouve donc entre deux grandes zones de conflit mondial : la guerre russo-ukrainienne et la spirale de la violence en Israël et en Palestine.


De plus, les puissances occidentales se montrent hésitantes à l’idée d’intervenir en Syrie, « craignant que cela revienne à reconnaître la légitimité du régime de Bachar el-Assad ». Ce dernier a en outre déclaré que les sanctions internationales envers son régime étaient responsables du manque de secours.



Le président syrien appelle ainsi à la levée des sanctions en considérant qu’elles sont un frein à l’acheminement de l’aide humanitaire. Or, cette dernière parvient pour la majorité des pays occidentaux qui sont à l’origine des sanctions économiques et à cet égard, des accusations de détournement de fonds sont émises à l’encontre du président, afin d'en priver les opposants et les civils vivants dans des zones aux mains de l'opposition.


Une crise humanitaire contre la montre

Dans l’état actuel des choses, la Syrie se retrouve confrontée à un nouveau défi : celui de tout reconstruire ; mais comment se reconstruire dans un contexte de conflit armé et de blocus permanent ?

Au milieu de ce débat politique, les Syriens font quant à eux face à une situation humanitaire catastrophique en ce qu’ils sont privés de logements, d’eau, d’électricité, de chauffage et d’hôpitaux dépassés par la situation.

« A Marea, les besoins sont considérables dans cette région où 80 % de la population se trouvait, avant même le séisme, sous le seuil de pauvreté. ».


En l’absence de levée des sanctions, il est difficile d’envisager une véritable reconstruction du pays.


« Si des solutions ne sont pas trouvées rapidement, on peut craindre environ 5,37 millions de personnes sans abri » - Sivanka Dhanapala, représentant du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR).


S’il n’a suffi que de quelques secondes pour tout déconstruire, la situation nécessite des réponses d’urgence massive pour venir en aide à la population sinistrée. Ainsi, même si les sanctions ne sont pas l’unique conséquence du seuil de pauvreté, elles n’aident néanmoins pas le pays à se relever.

Présentement, si l’aide internationale semble prendre de l’ampleur du côté turc depuis l’estimation des dégâts à hauteur 100 milliards de dollars, aucun bilan pour la reconstruction de la Syrie n’a été réalisé. Nonobstant, concernant l’intervention de l’aide humanitaire, l’Occident laisse entrevoir une possible amélioration de la situation en ce que pour une durée de six mois : l’Algérie a décidé de mettre ses sanctions entre parenthèses en envoyant 115 tonnes de produits pharmaceutiques et alimentaires à destination de la Syrie. De même, la Suisse, tout comme les États-Unis et l’Union européenne, ont décidé d’assouplir temporairement les sanctions imposées au régime syrien afin de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire dans ce pays. Toujours est-il que ces pays restent très méfiants face au risque de détournement de l’assistance par les autorités gouvernementales, les puissances de l’alliance euro-atlantique précisant qu'elles soutiennent la population et non pas le régime Assad.

Si cette aide vient quelque peu soulager temporairement la population syrienne, elle ne s’inscrit pas pour autant dans la durée, nous menant ainsi à nous questionner sur ce qu’il va advenir de ce pays et de ses civils en l’absence de reconduction de cette aide mais aussi en l’absence de réponse des organes des Nations unies.



Inès Braquehais


Image © - AFP / Mohammed Al-Rifai

193 vues1 commentaire

1 commento


mathilderimbrt18
09 mar 2023

Excellent article qui met en lumière la complexité de la situation syrienne et la difficulté d'une réponse humanitaire adéquate. Une fois encore les préoccupations géopolitiques prennent le pas sur la vie des civils…

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