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Meriam Ghali

TENSIONS AU SAHARA OCCIDENTAL : RÉVEIL DU CONFLIT POST-COLONIAL ET CRAINTE D'UNE ESCALADE RÉGIONALE


« La marocanité du Sahara est une vérité aussi pérenne qu’immuable. Elle ne souffre, de ce fait, d’aucune contestation », a affirmé le roi Mohammed VI le 6 novembre dernier, dans un discours prononcé à l’occasion du 46e anniversaire de la « Marche Verte ». Mais même si ce dernier entend régler de manière pacifique le conflit opposant les Sahraouis avec le Maroc, notamment par le biais de négociations, l’accroissement des tensions régionales met sérieusement cela en difficulté.


Autrefois appelé le « Sahara espagnol », ce territoire qui regorge de richesses minérales est très convoité depuis le XIXe siècle par plusieurs sociétés africanistes et par les Espagnols. Le territoire que l’on appelle désormais le Sahara occidental a ainsi été sous domination espagnole de 1884 à 1976 et fait depuis l’objet de conflits et de tensions diplomatiques. Aujourd’hui, c’est le seul territoire africain dont le statut définitif sur le plan juridique n’a pas été défini.


Ce conflit est ancien : une guerre a éclaté en 1975 entre le Front Polisario, la Mauritanie et le Maroc, suite au retrait des Espagnols du Sahara. Dans les accords de Madrid signés le 14 novembre 1975, l’Espagne avait en effet convenu de céder le territoire au Maroc et à la Mauritanie. Après seize ans de conflit, qui a causé la mort de plus de 16 000 personnes, un cessez-le-feu a été conclu en 1991 entre le Maroc et le Front Polisario. À l’issue de cet accord, l’Organisation des Nations unies (ONU) et l’Organisation de l’unité africaine (OUA) ont prévu l’organisation d’un référendum d’autodétermination en 1992. Ce projet n’a toutefois jamais eu lieu.


Qualifié de « territoire non autonome » par l’ONU en 1963, le statut du Sahara occidental continue d’opposer le Maroc aux indépendantistes du Front Polisario.


Créé initialement en 1973 pour lutter contre l’occupation du territoire par les Espagnols, le Front Polisario - qui est un mouvement indépendantiste sahraoui - lutte depuis 1976 contre le contrôle du Sahara occidental par le Maroc. À l’heure actuelle, plus de 80% du territoire disputé est contrôlé par le Maroc, tandis que le Front Polisario contrôle les 20 % restants.


Malgré le cessez-le-feu, le Sahara occidental reste un territoire qui est au centre de vives tensions. Le 13 novembre 2020, l’armée marocaine est intervenue dans la zone tampon de Guerguerat, située à l’extrême sud-ouest du Sahara occidental près de la Mauritanie. D’après l’actuel ministre des Affaires étrangères marocain, Nasser Bourita, cette opération reflète « la fermeté et la déterminations du roi Mohammed VI pour trouver un règlement définitif », face aux « provocations » du Front Polisario. Cette intervention militaire voulait endiguer les « actes de banditisme » et le blocage de la circulation civile et commerciale sur la route conduisant vers la Mauritanie, empêchant les marocains de poursuivre leur route vers le sud. En réaction à cela, le Front Polisario a décrété un « état de guerre ». L’Algérie, soutien du Front Polisario depuis ses débuts, s’est affligée de cette intervention, considérant qu’il s’agissait d’une violation du cessez-le-feu. La Mauritanie en a déploré de même. D’après Ricardo Fabiani, directeur de programme Afrique du Nord à l’International Crisis Group (ICG), le Maroc a ainsi adopté « une approche plus dure sur le Sahara occidental dans ses relations avec ses voisins ».


Face à la montée des tensions, la question de la résurgence du conflit s’est posée. Malgré la détermination des indépendantistes du Front Polisario - qui exigent depuis le cessez-le-feu de 1991 l’organisation d’un référendum d’autodétermination prévu par l’ONU - ces derniers ne disposent pas de moyens militaires suffisants pour faire face aux forces de défense marocaines.

L’implication de l’Algérie aux côtés du Front Polisario pourrait par ailleurs laisser craindre une escalade militaire d’une grande ampleur. Kader Abderrahim, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et spécialiste du Maghreb est pessimiste à ce sujet : « J’ai toujours pensé qu’il n’y aurait pas de conflit ouvert entre le Maroc et l’Algérie. Je suis plus mesuré aujourd’hui ». Il ajoute que « tous les indicateurs sont au rouge. Nous ne sommes pas à l’abri d’un dérapage qui pourrait enflammer la région ». Les relations entre les deux pays maghrébins se sont en effet exacerbées l’été dernier, le point culminant étant la rupture des relations diplomatiques à l’initiative de l’Algérie le 24 août dernier. Les relations algéro-marocaines sont tendues depuis la période post-coloniale et la normalisation des relations israélo-marocaines avec les accords d’Abraham signés le 15 septembre 2020, en contrepartie de la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental par le président Trump a joué un rôle important dans la résurgence des tensions régionales. En effet, d’après M. Fabiani, « la normalisation [des relations] du Maroc avec Israël et la coopération militaire est un facteur majeur de l’escalade actuelle ». Il ajoute que « l’équilibre précaire des puissances entre l’Algérie et Maroc a été altéré par tous ces facteurs et, en l’absence d’une médiation extérieure, le risque est que ces pays aillent vers une confrontation car ils se sentent mutuellement menacés ». Néanmoins, un conflit direct serait peu probable selon Youssef Chérif, directeur du centre de recherche Columbia Global Centers, qui voit plutôt un accroissement du soutien algérien au Front Polisario.

Face à la montée des tensions se pose aussi la question des atteintes aux droits humains. D’après l’ONG Amnesty International, les autorités marocaines ont tendance à restreindre l’accès des organisations indépendantes de défense des droits humains et des journalistes au Sahara occidental. En février 2020, au moins neuf personnes ont été expulsés à leur arrivée à l’aéroport de Laayoune, dont plusieurs parlementaires espagnols et une avocate, qui devaient assister au procès du défenseur des droits humains Khatri Dada.


Si la piste d’une intervention armée semble donc pour l’instant être exclue, la réinstauration du dialogue le Maroc et l’Algérie pourrait contribuer à la résolution du conflit, ce qui ne semble pas être à l’ordre du jour.


Meriam Ghali


Image © - AFP, [disponible ici].




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