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Arthur Romano

UNE CRISE HUMANITAIRE DANS LES CAMPS DE RÉFUGIÉS SUR L'ÎLE DE LESBOS EN GRÈCE

Dernière mise à jour : 22 déc. 2020

Dans la nuit du 8 au 9 septembre 2020, un incendie a détruit l’ensemble du camp de migrants de Moria, sur l’île de Lesbos en Grèce. La mise en place d’un nouveau camp provisoire dans l’urgence par les autorités grecques, avec le soutien de l’Union européenne (UE), fait ressurgir la crainte d’une mauvaise gestion comme ce fut le cas pour celui de Moria. Sur cette île grecque de Lesbos, à environ 14 kilomètres des côtes turques, les migrants rencontrent la difficulté des camps notamment au regard de la mise en œuvre complexe des politiques européennes. Le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), quant à lui, a appelé à un apaisement et de ne pas conduire à des conclusions hâtives ni spéculations sur les causes de l’incendie. Craignant un accroissement de la crise humanitaire, le gouvernement grec a déclaré l’état d’urgence sur l’intégralité de l’île où sont réfugiées plus de 13 000 personnes au sein du seul camp de Moria, dont 406 enfants non accompagnés, et 20 000 sur l’ensemble de l’île.


D’une crise humanitaire aux crises multiples


Depuis 2011, le nombre de conflits armés s’est renforcé dans toutes les régions du monde, notamment au Moyen-Orient et en Afrique. Les populations confrontées à ces violences armées, physiques et psychologiques fuient. La crise humanitaire dans les camps de réfugiés est la résultante d’une multitude de crises précédentes. La plus marquante est celle de la Syrie, qualifiée de l’une des « pires crises humanitaires de notre époque » par l’Organisation des Nations Unies (ONU). A Idlib, l’Organisation des Nations Unies alerte régulièrement sur les entraves et la perturbation des distributions de nourriture subies par le Programme Alimentaire Mondial (PAM), qui mettent en péril la vie des populations civiles et des personnes particulièrement vulnérables telles que les enfants. Tentant d’échapper à ce contexte sanitaire, les exilés sont confrontés à une autre crise, celle des « boat people ». Ces navires de fortunes sont fournis par des passeurs armés et chavirent régulièrement, faisant de nombreuses victimes. La politique de pushbacks (repousse) instaurée par Frontex est également un autre obstacle à l’arrivée des exilés sur l’île de Lesbos. Le camp de Moria a notamment été mis en place pour limiter leurs déplacements et faire appliquer le règlement Dublin, obligeant le dépôt de demande d’asile dans le pays d’arrivée, qui est aujourd’hui remis en cause par Ursula von der Leyen, la Présidente de la Commission européenne.


Les camps de Lesbos : d’une Europe d’illusions à celle des désillusions


En 2019, on recensait que près de 70% des exilés étaient Afghans et plus de 70 pays étaient représentés dans les 30% restants. L’augmentation de la population exilée sur l’île montre l’ampleur de la crise humanitaire en Grèce.

L’absence d’électricité, d’eau courante (de manière permanente et non interrompue) ou encore de toilettes, en font un des camps les plus « abjects » selon l’ONU, sentiment accru par l’insalubrité des lieux collectifs. Pourtant, l’accès à l’eau potable est l’une des conditions majeures pour la survie des exilés. En ce sens, le HCR indique l’importance de cet accès, notamment pour les enfants en citant l’exemple d’un camp ougandais où 42% des enfants avaient dû arrêter ou altérer leur scolarité pour la collecte d’eau. A Lesbos, la crise humanitaire est également éducative, le gouvernement ne facilitant pas l’accès à l’éducation, contrairement aux conditions fixées par la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. En effet, une seule école était effective dans l’ancien camp de Moria. D’autre part, malgré les distributions de riz et d’autres aliments de première nécessité, cela ne suffisait pas pour tout le monde dans l’ancien camp. Ces risques d’insécurité alimentaire n’ont fait qu’accroître la crise humanitaire, d’autant plus en période de pandémie mondiale si l’on en croit le rapport des Nations Unies intitulé L’état de la sécurité alimentaire et la nutrition dans le monde.

À cette malnutrition s’ajoutent des risques de dysenterie et d’autres crises sanitaires dans la crise humanitaire. Du fait de l’infrastructure du camp (barbelés, contrôles, checkpoints), les exilés sont forcés à rester cantonnés à 12 000 personnes – ils étaient 379 000 à être arrivés en 2015, près de 57% des arrivées en Grèce sur cette seule année – et à faire la queue partout, pour tout, tout le temps. Une telle promiscuité de populations ne semble que propice à la prolifération des maladies comme le choléra ou encore la COVID-19. Pour limiter ces risques de propagation, un confinement a été imposé dans le Camp de Moria après l’augmentation de cas sur l’île. Or, si le transfert dans le nouveau camp Moria 2.0 a permis de faire des dépistages systématiques pour l’entrée dans le camp, avec l’appui d’un laboratoire mobile, ce n’est pas pour autant que les autorités grecques permettent les soins pour tous, refusant même, selon MSF, de soigner « des enfants gravement malades », ce en contradiction des textes internationaux. La crise humanitaire trouve ainsi une place prépondérante dans cette crise sanitaire d’avant COVID qui s’est accentuée avec la pandémie.


D’une catastrophe prévisible à un avenir incertain pour les personnes exilées sur l’île


Depuis longtemps, la crise humanitaire à Lesbos sévit dans des conditions « effroyables » selon Charlie Yaxley, porte-parole de l’Organisation mondiale de la santé. Beaucoup insistent pour que le camp de Moria « 2.0 », mis en place à la hâte par les autorités grecques, ne soit que provisoire. À l’approche de l’hiver, nombreuses sont les institutions et organisations non-gouvernementales qui réclament une accélération de la protection généralisée des 406 enfants mineurs non accompagnés, particulièrement confrontés à l’insécurité. Elles demandent également une extension de ces transferts à l’intégralité des personnes se situant sur l’île, notamment en raison des risques d’empoisonnement et d’inondation du camp de Moria 2 et plus globalement à l’approche de la période hivernale.

Si les arrivées par bateau sur l’île diminuent, l’ONU appelle à ce que ce nouveau camp ne soit que provisoire et réinsiste sur la nécessité de protéger les personnes en exil contraint.



Arthur Romano

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