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ZAMBIE-KENYA : DES CRISES ENVIRONNEMENTALES ET HUMANITAIRES OUBLIEES

La Zambie, pays du nord de l’Afrique australe, et le Kenya, situé au sud de la corne d’Afrique, subissent actuellement les effets du réchauffement planétaire. Ces deux Etats, classés parmi les pays au développement humain moyen selon le PNUD, sont exposés à des conditions climatiques extrêmes sans avoir les moyens techniques et financiers d’y faire face. La crise environnementale a ainsi causé de façon similaire dans ces deux pays, déjà vulnérables, des crises humanitaires profondes. Bien que les chiffres soient inquiétants, les situations de la Zambie et du Kenya ne sont pas assez rapportées pour bénéficier d’une véritable visibilité au sein de de la communauté internationale. L’ONG Care les a d’ailleurs placées respectivement au 3ème et 7ème rang des 10 crises humanitaires les moins médiatisées de 2019. Une crise environnementale à l’origine de deux crises humanitaires Le continent africain est régulièrement sujet aux conséquences de phénomènes climatiques naturels. Cependant, selon l’Organisation mondiale météorologique, le changement climatique accentue les effets de ces phénomènes naturels et modifie notamment le cycle de l’eau. Le continent africain, qui connait une augmentation des températures plus rapide que le taux de réchauffement global, fait face à des conditions climatiques de plus en plus extrêmes. Depuis 2015, il n’y a pas eu une saison des pluies normales en Afrique australe et celle de 2018/2019 a été la plus sèche jamais enregistrée pour une grande partie de la Zambie. Les régions du sud et de l’ouest du pays subissent des périodes de sécheresse continues, limitant l’accès à l’eau pour les populations et l’agriculture. D’autre part, comme l’explique l’un des coordinateurs du rapport The State of the Climate in Africa (2019), « certains pays, notamment en Afrique de l’Est, ont basculé rapidement d’un extrême à l’autre, de la sécheresse aux inondations, et ils n’étaient pas préparés pour y faire face ». En effet, le Kenya, après des périodes de sécheresses, a été confronté à des pluies abondantes et soudaines, entrainant notamment des inondations en avril dernier qui ont causé la mort d’environ 200 personnes et provoqué plus de 100 000 déplacements de population. Ces variations météorologiques extrêmes, bien que peu médiatisées, sont récurrentes dans certaines régions du Kenya et de Zambie. Au-delà des conséquences directes sur les populations, l’absence ou l’excès de pluie affecte directement les productions agricoles. La Zambie et le Kenya sont deux grands producteurs de céréales, et en particulier de maïs. Les populations dépendent de ces récoltes pour vivre et se nourrir. La majeure partie des productions nationales provient de petits producteurs qui n’ont pas les moyens de faire face aux variations climatiques. Celles-ci réduisent donc considérablement les récoltes et génèrent des pénuries alimentaires. Entre 2018 et 2019, les productions de maïs ont tellement diminué que le prix de cette céréale a augmenté de 70% en Zambie. Cette année, les régions du nord du Kenya et du sud-ouest de la Zambie ont également subi des invasions de criquets pèlerins. Ces insectes migrateurs constituent un véritable danger pour les récoltes puisqu’ils attaquent les champs et peuvent « manger l’équivalent de la nourriture consommée par 80 millions de personnes en un seul jour » selon la FAO. Ces invasions de criquets, qui s’ajoutent aux variations météorologiques, entrainent des crises à la fois économiques et humanitaires dans les régions les plus touchées. Zambie et Kenya : des crises humanitaires similaires Les crises humanitaires de ces deux pays sont avant tout des crises alimentaires. Au début de l’année 2020, on estimait à 2,3 millions le nombre de personnes en situation sévère d’insécurité alimentaire en Zambie et 1,3 million au Kenya. Ces millions de personnes nécessitent une aide d’urgence pour vivre mais l’accès humanitaire est parfois difficile. C’est le cas pour le Kenya où les glissements de terrain, provoqués par les fortes pluies, ont détruit les ponts et les routes, isolant alors certaines régions dans le besoin. De plus, selon le Programme Alimentaire Mondial (PAM), la crise sanitaire liée au COVID-19 risque d’aggraver considérablement l’insécurité alimentaire de ces pays. En effet, la gestion de la pandémie y est particulièrement délicate car la plus grande partie de leur population, environ 80% au Kenya et 65,4% en Zambie, travaille dans le secteur informel et dépend souvent d’un revenu quotidien pour vivre. Si ces personnes ne peuvent plus travailler, elles deviennent dépendantes d’une aide alimentaire pour survivre. Au-delà du COVID-19, la situation sanitaire des deux pays est vulnérable. Le Kenya et la Zambie font face à une persistance du VIH et l’augmentation des températures risque de favoriser la circulation de certaines maladies comme le paludisme ou encore la dengue. Par ailleurs, les terres agricoles et les ressources en eau se faisant de plus en plus rares, les tensions intercommunautaires se sont accentuées au Kenya. Ces rivalités ne sont pas nouvelles mais les problématiques engendrées par les longues périodes de sécheresses ont amplifié les conflits déjà existants ou en ont créé de nouveaux. Vers une récurrence de ces crises humanitaires aux origines environnementales Face à ces situations, l’ONU développe des plans d’action et lance fréquemment, au côté des gouvernements, des appels humanitaires pour répondre aux besoins des populations. Bien que ces aides d’urgences soient nécessaires, elles ne sont qu’une solution à court terme. L’action humanitaire doit aussi permettre d’améliorer la résilience de ces populations grâce à des aides au développement sur le long terme. Actuellement, les aides octroyées aux deux pays demeurent insuffisantes, et cela s’explique notamment par leur manque de visibilité médiatique. Alors que le changement climatique est l’un des sujets principaux de l’actualité, les crises humanitaires du Kenya et de la Zambie font l’objet de très peu de documentation et perdurent dans un silence quasi-complet. Pourtant, l'analyse de ces deux situations au sein d'Etats différents laisse penser que ces crises humanitaires aux origines environnementales ne se sont pas des cas isolés. Plus le dérèglement climatique s’accélère, moins ses effets et ses conséquences pourront être contrôlés. Le président de l’ONG Care, Philippe Lévêque, a ainsi souligné : « j’aimerais que les médias regardent aussi le verre à moitié plein. Il y a des réponses à ces crises, mais ces réponses des gens du Sud ne dureront que si nous, dans les pays du Nord, changeons notre modèle économique et notre mode de consommation. »



Léna Vignaud

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